LVMH, Kering, Hermès… Le luxe va-t-il tenir le choc du ralentissement mondial en Bourse ?

Malgré des performances remarquables, trimestre après trimestre, les investisseurs sont inquiets des performances à venir des valeurs du luxe. La menace de la baisse de la consommation aux Etats-Unis, en Europe et en Chine risque en effet d'affecter la croissance de ces sociétés dans les mois à venir. Mais les avis sont divisés.
Maxime Heuze
La croissance des ventes de LVMH aux Etats-Unis s'est limitée à 3% sur six mois, avec même un recul de 1% sur avril-juin (Photo d'illustration).
La croissance des ventes de LVMH aux Etats-Unis s'est limitée à 3% sur six mois, avec même un recul de 1% sur avril-juin (Photo d'illustration). (Crédits : Charles Platiau)

Des résultats toujours remarquables, mais menacés. Voilà comment pourrait être résumée la série de résultats semestriels des valeurs françaises du luxe. LVMH a affiché un chiffre d'affaires (à taux de change et périmètre constants) en hausse de 17%, alors qu'il augmente de 13% pour L'Oréal et des bénéfices opérationnels en hausse d'un peu plus de 13% pour les deux groupes. Encore plus notable, Hermès a vu son chiffre d'affaires s'envoler de 25% et son bénéfice opérationnel de 44%.

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Des résultats mirobolants qui n'ont pourtant pas provoqué de vague ascendante sur le cours des actions. LVMH a perdu 5% le jour de son résultat le 26 juillet, pour remonter péniblement quelques jours plus tard et s'établir à 812 euros mercredi, en clôture, en perte de 0,89% sur cinq jours. Le titre de L'Oréal, de son côté, a gagné 2% le 28 juillet lors de sa publication, pour finalement s'établir à 414 euros, mercredi en hausse de 1% sur 5 jours. Même Hermès, qui a largement dépassé les attentes des analystes, a vu son cours gonfler d'à peine 1,4% le 28 juillet et affiche depuis une progression de 3,4% sur cinq jours à 1.948 euros ce mercredi.

Le luxe jugé trop cher, à l'exception de Kering

Il va falloir faire encore mieux pour convaincre de repasser à l'achat, estiment donc les investisseurs. Ces derniers commencent à montrer des doutes face à ces valeurs très chèrement valorisées. Et pour cause, après un rallye haussier quasiment ininterrompu depuis octobre 2022, LVMH présente un ratio cours sur bénéfice (Per) de 25, quand il est de 34 pour L'Oréal et même de 51 pour Hermès contre une moyenne de 11,2 pour l'ensemble des sociétés du CAC 40 en 2022.

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A l'opposé, le groupe de luxe de François-Henri Pinault, Kering, patine encore au deuxième semestre avec un chiffre d'affaires en hausse de seulement 2% et un résultat opérationnel en baisse de 3%. Des chiffres qui font tâche par rapport à ses concurrents, mais qui n'ont finalement pas déçu les investisseurs au vu de la légère baisse de 1,3% de son cours le 28 juillet, au lendemain de sa publication et de 4,1% sur cinq jours, à 509 euros ce mercredi. Au final, le mauvais élève du secteur maintient son action dans un couloir stable depuis mai 2022, ce qui lui permet d'afficher un prix plus attractif avec un PER de 17 et de satisfaire ses actionnaires de résultats modestes.

Reste que le luxe dans son ensemble affiche une santé de fer. « C'est la perspective de reprise de la Chine en 2023 qui a poussé ces valeurs à leurs plus hauts historiques ces derniers mois » explique Vincent Boy, analyste chez le courtier IG France. Fin de politique zéro Covid oblige, les Chinois se sont remis à fréquenter les boutiques de luxe et LVMH a par exemple vu son chiffre d'affaires réalisé en Asie (34% des ventes totales, hors Japon) augmenter de 23% sur le semestre, hors effets devises et périmètre.

Inquiétudes sur la consommation

Mais ce regain des ventes en Asie masque aussi une consommation mondiale fragilisée, notamment aux Etats-Unis (27% des facturations), où la croissance des ventes du groupe de Bernard Arnault s'est limitée à 3% sur six mois, avec même un recul de 1% sur avril-juin, peu habituel pour ce secteur.

« Cette zone a connu un fort effet de rattrapage post-Covid au deuxième trimestre 2022, ce qui explique une certaine déception en 2023, puisque la croissance s'est forcément essoufflée depuis cette période », justifie Antoine Fraysse-Soulier, analyste chez le courtier eToro.

Tous les espoirs se concentrent donc sur la locomotive chinoise à présent, mais les investisseurs émettent des doutes au vu de la nouvelle contraction de l'indice PMI des directeurs d'achat (49,3 points) en juillet, reflétant une activité manufacturière en perte de vitesse depuis avril, pénalisée par la faiblesse de la consommation dans le pays. Une mauvaise nouvelle qui, si elle se confirmait, pourrait être vue comme un signal de vente pour les investisseurs.

Les nuages s'accumulent à l'horizon 2024

Que peut-on alors espérer pour le deuxième semestre 2023 ? Toutes les sociétés ne réagiront pas de la même manière aux aléas macro-économiques. « LVMH est plus dépendant que Hermès au marché chinois », illustre Vincent Boy, qui anticipe néanmoins « que nous ne ferons probablement pas face à une baisse du chiffre d'affaires de ces groupes, mais à un ralentissement », qui serait alors immédiatement sanctionné en Bourse.

Ce scénario n'est pas partagé par tous, puisque Oddo BHF juge que LVMH est a priori capable de maintenir une croissance annuelle moyenne du résultat opérationnel de plus de 10% d'ici 2025. Hermès maintient aussi, de son côté, son « objectif de progression du chiffre d'affaires à taux constants ambitieux » à moyen terme, « malgré les incertitudes économiques, géopolitiques et monétaires dans le monde », a indiqué le groupe dans un communiqué. Tout se jouera sur la dynamique de consommation donc, mais aussi sur la stratégie des entreprises.

« Si la croissance vient des prix et non des volumes, cela pourrait être un problème, car il va être plus difficile pour ces marques de monter davantage leur prix en période de baisse d'inflation et de consommation » prévient l'analyste d'IG.

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Les nuages s'accumulent donc dans le paysage du luxe, mais le secteur pourrait se montrer résilient. « Cela fait une dizaine d'années que ces valeurs prouvent que malgré leurs valorisations élevées, elles continuent de surperformer », nuance Antoine Fraysse-Soulier, qui rappelle que « nous sommes encore loin d'une récession aux Etats-Unis, en Europe, et encore plus loin en Chine et que même dans les crises, le luxe s'en sort mieux que d'autres secteurs. » Lors de la crise de 2020, ayant fait rentrer le monde dans une courte récession, le CAC 40 a perdu 7,9% entre le 20 février et le 31 décembre. L'Oréal a gagné 16% et que LVMH et Hermès ont même bondi de 26%. Bien que menacé, le luxe n'a donc pas encore dit son dernier mot, et n'a sûrement pas fini de surprendre.

Maxime Heuze

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Commentaires 4
à écrit le 04/08/2023 à 21:18
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L'augmentation ou répercussion des couts n'a jamais de conséquence sur la clientèle luxe, contrairement à la conso du grand public.

à écrit le 04/08/2023 à 11:58
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Les arbres ne montent pas etc...le luxe sera impacte comme bcp d'autres secteurs. L'inflation est une donnee incontournable. Tout comme aller faire ses courses pour manger. Quand le necessaire est hors de prix, le superflu devient inutile. CQFD

à écrit le 04/08/2023 à 0:35
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Aucune crise ne peut affecter le luxe : seules les industries de produits de grande consommation ayant pour clients les classes modestes, moyennes et moyennes supérieures, souffriraient de récessions ou confinements.

à écrit le 03/08/2023 à 10:02
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Le luxe n'est jamais trop cher c'est idiot, c'est une valeur sûre en espérant que les riches continuent de s'accrocher à ce qui fait leur ultime crédibilité, avec les aliénés il faut toujours quand même se méfier. Et si ce domaine d'activité continu ...

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