L'ambition française d'Emmanuel Macron pour la Corse

Venu en Corse pour honorer le 6 février la mémoire du préfet Erignac assassiné il y a vingt ans jour pour jour, le président de la République a également voulu poursuivre son dialogue avec la nouvelle majorité politique, répondant à ses doléances par des "oui", des "non", voire des ouvertures. Le "maître des horloges" a notamment signifié que l'heure était venue de faire un choix fondamental : retourner au face-à-face létal avec la République ou se tourner vers son avenir et devenir le phare d'une nouvelle modernité méditerranéenne. Mais les Corses vont-ils marcher ? Par Jean-Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris 1 La Sorbonne, président de j c g a.
Jean-Christophe Gallien.
Jean-Christophe Gallien. (Crédits : DR)

Très droit dans un « Vive la République, Vive la France ! » pour finir son intervention devant cinq couples de drapeaux français et européens derrière lui en fond de scène, Emmanuel Macron a bien réaffirmé un « Je suis le Président de la France » et donc « de la Corse ». Même méditerranéenne, la Corse ne sera pas la Catalogne de la République française, même déjà très spécifique, elle ne sera pas non plus une autre Nouvelle-Calédonie.

La Corse, tête de pont d'une nouvelle stratégie méditerranéenne

En écho, pas d'applaudissements des deux stars politiques corses. L'autonomiste Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse, et l'indépendantiste Jean-Guy Talamoni, président de l'Assemblée de Corse, sont demeurés silencieux à l'appel vibrant, ouvert mais ferme, un poil moralisateur, du président de la République pour faire de la Corse le territoire avancé d'une nouvelle stratégie française en Méditerranée.

Pas de République magique, des "oui", des ouvertures et des... "non"

Emmanuel Macron l'a dit à Bastia, il n'y a pas de République magique. Il n'est donc pas un magicien. On le sait aussi depuis son élection, il n'est pas un Président Père Noël. Il n'est pas venu avec beaucoup de cadeaux à distribuer à la Corse.

Quelques "oui", dont un grand oui constitutionnel à l'inscription de la Corse, une ouverture vers la créativité fiscale autonomisée contrôlée par la correction des dotations, beaucoup de "non" -notamment s'agissant de la co-officialité et du statut de résident-, zéro d'amnistie, et une ouverture, une invitation à co-écrire, en mode TGV - un mois ! -, le contenu pratique et concret de nouvelles adaptations ou simplifications à insérer dans la prochaine réforme constitutionnelle soumise au Parlement au printemps. Il faudra sprinter pour « tracer ensemble les contours de la spécificité de la Corse ».

Ce que la République apporte et continuera d'apporter à la Corse

Pour le président de la République, la Corse est bien au cœur de la République, et il a listé ce qu'elle apporte concrètement et depuis toujours à la Corse. Emmanuel Macron est venu dire qu'avec lui, elle continuerait à assumer et même à accentuer ses interventions étatiques autonomes pour protéger et développer l'île. Il a insisté notamment sur la nécessité de garantir l'État de droit, la sécurité, l'ordre public en matière économique et financière, et la cohésion sociale et territoriale, pour favoriser un développement économique durable pour la Corse.

Responsabilités de la nouvelle majorité corse

Mais, être au cœur de la République ne veut pas dire uniformité de traitement, et Emmanuel Macron a dit et redit que la nouvelle collectivité territoriale de Corse est déjà la plus décentralisée, la plus autonome de la France territoriale. Il a pointé les nouvelles responsabilités qui découlent de leviers de compétence uniques en France. Des responsabilités qu'il s'agit d'abord de commencer à éprouver pleinement. Avant d'en demander des nouvelles ? Pour le président, on répondrait que oui. Emmanuel Macron met directement la pression sur la nouvelle majorité :

« C'est vous qui ferez réussir la Corse. »

On a envie d'ajouter le non-dit : ...ou qui la ferez échouer.

Choisir entre le face-à-face létal avec la République et... l'avenir

Il enfonce le clou et leur assène que la Corse est à l'heure du choix fondamental : retourner au face-à-face létal avec la République ou se tourner vers son avenir, le phare d'une nouvelle modernité méditerranéenne, diamant de la refondation du Monde qui vient. Comme s'il était venu seulement pour déclarer une ambition, la sienne, celle d'une Corse respectée et accompagnée dans son identité, ses spécificités et besoins mais d'une Corse totalement intégrée dans la République française. Une Corse phare brillant d'une nouvelle stratégie française pour la Méditerranée.

Il en finit par un presque définitif : appartenir à la 5e puissance du Monde est une chance, et c'est dans l'identité, le destin indissociable de la France et de la Corse que réside la puissance de vos lendemains. Quelle sera la réponse du binôme Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni ? Pas certain du tout qu'ils marchent avec Emmanuel Macron.

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Par Jean-Christophe Gallien

Professeur associé à l'Université de Paris 1-La Sorbonne
Directeur général de ZENON7 Public Affairs et Président de j c g a 
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals

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Commentaires 19
à écrit le 10/02/2018 à 18:06
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C'est quoi, votre nouvelle ambition méditérranéenne ? Accueillir, plutôt que la France continentale qui n'en veut pas trop, tous les migrants d'Afrique du nord : Magreb, Machreb ... où créer des centres méditérranéens de recherche . J'ai bien peur...

à écrit le 10/02/2018 à 15:23
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Beaucoup et encore de généralités après des années et des années d'indécision = pour Macron, la Corse comme faire valoir de sa fermeté communicante . Le choix du mot Corse à inscrire démontre ce oui/non symbolique qui risque d'échapper à son auteur !...

à écrit le 10/02/2018 à 14:08
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Difficile pour une population ne parlant pas forcément la même langue et se sentant éloignée du centre jacobin de la France de ne pas lorgner vers des territoires ultramarins ou ça marche bien, il en est de même pour les Ba sques et les Alsaciens , ...

à écrit le 09/02/2018 à 15:27
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le discours de E Macron est, à mon sens, équilibré et réaliste. Il n'est en rien paternaliste et il ne veut pas faire la leçon aux élus corses. Comment peut on en effet avancer d'autres revendications alors que de nouvelles prérogatives leur ont été ...

le 09/02/2018 à 16:43
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Macron est paternaliste en permanence, donnez lui un micro au Vatican et il va expliquer les valeurs chrétiennes au Pape en personne. Pour ce qui est du fond du discours, il ne pouvait pas en tenir un autre sans que son personnage ne s'effondre. ...

à écrit le 09/02/2018 à 11:21
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Mr Macron a joué la fibre française pour mieux cacher le but de la régionalisation dans l'UE de Bruxelles et la disparition de la France!

le 10/02/2018 à 18:11
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Tout juste, Mr Bah : les gouvernements français sont devenus vassaux de Berlin et Bruxelles . Il n'y a plus d'état français capable de conserver nos valeurs .

à écrit le 09/02/2018 à 10:38
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Les Corses nous ont affublés d'un empereur, juste retour des choses, le continent leur donne Macronléon.

le 09/02/2018 à 12:08
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J'adore @BA ! Macron l'empereur ttbon. @JeanChristopheGallien votre analyse est très fine et traduit vraiment les enjeux en cours. Elle aurait pu venir hier !!!

à écrit le 09/02/2018 à 9:02
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Macron en corse, macron à la plage, macron au ski, macron en chine, macron en courses, macron fait des pompes, macron parle à des gens, macron touche des objets, macron regarde la mer, macron fait des promesses, macron par ci macron par là tout le te...

le 09/02/2018 à 12:11
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Ennui abyssal ! @CitoyenBlasé Il est le Président de la République et l'en jeu Corse est central en France et en Europe. Qui plus est Macron relance l'enjeu Méditerranéen. C'est tout sauf banal. Au passage très bon texte comme d'hab de @JeanChristoph...

le 09/02/2018 à 12:16
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@CitoyenBlase, il ne s'agit pas d'une couverture people d'#EmmanuelMacron mais d'une réaction à un déplacement sur une question stratégique qui de mon point de vue n'a pas été assez traitée.

le 09/02/2018 à 14:10
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Trop de macron tue le macron.

le 09/02/2018 à 16:32
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On le voit trop, il parle trop de sa femme et pour ne rien dire et il commence à nous fatiguer....tout comme l'autre.

le 09/02/2018 à 18:04
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Et Hollande nous entubait aussi mais comme il était détesté par les médias avec lui au moins on respirait. Cet amour médiatique exprimé par leurs propriétaires actionnaires milliardaires permanent pour Macron c'est indécent... "Répétez un men...

à écrit le 09/02/2018 à 8:45
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je crains le pire pour la Corse et aussi pour la Nouvelle Calédonie, car entre les paroles et les actes de la part de Macron, il n'y a pas photos

le 09/02/2018 à 12:12
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Inconnue vous craignez quoi ? Une rupture de ses engagements ? Ou pas d'engagement ?

le 09/02/2018 à 12:12
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Inconnue vous craignez quoi ? Une rupture de ses engagements ? Ou pas d'engagement ?

à écrit le 09/02/2018 à 8:43
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attention entre les paroles et les acpour la Corse et aussi pour la Nouvelle Calédonietes de Macron, je crains le pire

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