La Norvège, cette « pétromonarchie » qui vient du froid

OPINION. Devenue le premier fournisseur de gaz européen depuis la guerre lancée par la Russie en Ukraine, la Norvège a non seulement engrangé des revenus en hausse mais multiplie les projets d'exploitation de gaz et étudie une exploitation minière de ses fonds marins. Une politique qui fait l'objet de nombreuses critiques. Par Laurence Daziano, maître de conférences en économie à Sciences Po.
Laurence Daziano.
Laurence Daziano. (Crédits : DR)

Le royaume de Norvège, État scandinave regorgeant de ressources naturelles, aborde l'année 2024 avec de nombreux projets énergétiques et industriels. Devenue le premier fournisseur de gaz de l'Europe en 2022 à la faveur de la guerre en Ukraine et du quasi-arrêt des importation de gaz russe, la Norvège continue d'augmenter sa production gazière.

Le gouvernement travailliste a attribué 47 nouveaux permis d'exploration, proposé 92 blocs supplémentaires à l'exploration et autorisé 19 projets d'extraction sur le plateau continental norvégien. Oslo justifie la multiplication de ses nouveaux forages par la nécessité d'assurer la sécurité énergétique européenne. Pour compenser la baisse des livraisons de gaz russe aux Européens, la Norvège a déjà augmenté de 8% sa production en 2022.

Vers une ouverture de l'exploitation minière

Depuis le début de la guerre en Ukraine, l'augmentation de la production a permis à la Norvège de multiplier par trois ses bénéfices issus du secteur gazier, lesquels viennent alimenter la valeur de son fonds norvégien, le GPF (Global Pension Fund) dont la valeur atteint 15.300 milliards de couronnes. Le GPF a gagné 131 milliards d'euros sur ses placements et investissements au premier semestre 2023.

Oslo prévoit également d'ouvrir une partie du plateau continental norvégien à l'exploration minière. La zone proposée couvre 281.200 km² (l'équivalent de 70% de la surface de la Norvège) et s'étend de la mer de Barents à l'archipel du Svalbard. Les sulfures polymétalliques et encroûtements cobaltifères qui recouvrent le plancher océanique au large des côtes norvégiennes pourraient contenir jusqu'à 45 millions de tonnes de zinc, 38 millions de tonnes de cuivre, ainsi que d'énormes quantités d'autres métaux et de terres rares.

Les élections prévues en 2025 s'annoncent incertaines

La Norvège doit pourtant faire face à de nombreux défis. D'abord, les importants bénéfices liés à la guerre en Ukraine ont provoqué des polémiques dans le royaume sur un enrichissement excessif dans des conditions contestables. Ensuite, de nombreux scandales politiques sont venus secouer la classe politique alors que les élections prévues en 2025 s'annoncent incertaines. Si le pays multiplie les projets de capture du carbone pour compenser l'augmentation de sa production fossile, ces derniers sont accusés d'être du greenwashing pour couvrir l'ouverture de nouveaux forages. Enfin, le troisième trimestre 2023 s'est traduit par une baisse de 2% des revenus du fonds souverain, la fermeture de son bureau en Chine et des incertitudes sur sa stratégie d'investissement en 2024.

Pour continuer de justifier ses nouveaux investissements sur le plateau continental, Oslo met en avant les besoins en gaz et en pétrole dans les décennies qui viennent en Europe pour achever la transition écologique, ainsi que les avancées techniques pour produire de l'hydrogène bleu, à partir de gaz, ou en séquestrant et stockant les émissions de CO2.

Il reprend aussi un des arguments de l'industrie, qui ne cesse d'affirmer que la production norvégienne a un impact réduit sur le climat, grâce notamment à l'électrification des plates-formes, même si le secteur reconnait qu'il rencontre des difficultés à atteindre l'objectif de réduction des émissions de 50 % prévu pour 2030. En Norvège, les ONG commencent à élever la voix et viennent d'attaquer l'Etat, demandant l'arrêt de l'exploitation de plusieurs gisements, dont celui d'Yggdrasil, un projet gigantesque porté par Aker BP qui devrait donner lieu à 115 milliards de couronnes d'investissements, pour des réserves estimées à 650 millions de barils d'équivalent pétrole.

Comme l'écrit l'écrivain norvégien, Karl Ove Knausgaard, « en Norvège, c'est le peintre Edvard Munch qui marque la rupture » à la fin du XIXe siècle. Aujourd'hui, la pétromonarchie enchaîne les nouveaux forages fossiles en se cherchant un avenir et une rupture, sans rien céder dans l'immédiat à ce qui a fait sa réussite comme grand pourvoyeur gazier de l'Europe.

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Commentaire 1
à écrit le 29/12/2023 à 23:49
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Laurance. Qui va alimenter l Europe pour le chauffage et le reste ....Elle devrait y travailler en Norvège et payer des impôts avant de critiquer les richesses du pays. La France devait quitter le nucléaire avec Macron qu en est il? Hilsen! Phil

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