Pas de transition énergétique réussie sans recours massif au gaz naturel

OPINION. Même si le gaz naturel est aussi émetteur de gaz à effet de serre, il l'est moins que le pétrole et le charbon. Source d'énergie abondante, relativement bon marché, cela justifie que l'Europe y ait recours, notamment celui en provenance de la Russie, afin d'éviter une transition brutale qui pourrait créer des perturbations économiques, financières et sociales. Par Christophe-Alexandre Paillard, haut fonctionnaire et maître de conférence à Sciences Po Paris.
Vue du chantier de Nord Stream 2.
Vue du chantier de Nord Stream 2. (Crédits : Reuters)

Le 30 octobre 2019, l'Agence danoise de l'Energie, l'Energistyrelsen, a autorisé la construction de la dernière tranche sous-marine du gazoduc Nord Stream 2, au large de l'île de Bornholm, sur le plateau continental danois, en mer Baltique. Ce gazoduc doit relier le district russe de Kingisepp à la côte allemande de Poméranie. Il est déjà construit à plus de 80%, avec 2.100 kilomètres de conduites sous-marines, et il va dédoubler le gazoduc déjà existant Nord Stream. A son arrivée, le gaz sera distribué par le réseau gazier du marché intérieur européen.

Un projet vital

Ce projet est d'autant plus vital pour ses partenaires que la Russie a besoin d'accroître ses revenus tirés des exportations de matières premières et que l'Allemagne doit proposer à ses consommateurs de nouvelles sources d'approvisionnement, après l'abandon du nucléaire civil décidé en mai 2011 et pour limiter la consommation de charbon, qui couvre encore 38% de la production électrique allemande. Le charbon est largement responsable de la forte croissance des émissions de gaz à effet de serre de notre voisin d'outre-Rhin ces dernières années ; ce qui n'est pas accepté par l'opinion publique allemande, ce qui ne permet pas à ce pays d'afficher un bilan carbone satisfaisant et ce qui fait de l'Allemagne un pays disposant d'un taux d'émission de CO₂ par kWh dix fois supérieur à celui de la France.

En fait, le gazoduc Nord Stream 2 montre que le gaz est nécessaire pour passer d'une société ultra-carbonée à une société post-transition énergétique où les principaux modes de production seraient peu émetteurs de gaz à effet de serre. En 2019, les ressources carbonées continuent d'être dominantes dans le bilan énergétique de la quasi-totalité des états de notre planète, avec 85% des ressources produites, très loin devant les énergies renouvelables et l'énergie nucléaire, expliquant la croissance continue des émissions de gaz à effet de serre. Simple exemple, le secteur des transports, qui représente 30% des besoins pétroliers mondiaux, dépend à 94% des hydrocarbures, et il n'existe pas encore de révolution technologique permettant à ce secteur clef de l'économie mondiale de trouver un substitut crédible et massif aux carburants actuels.

Ce changement a un coût

En réalité, l'enjeu de la transition énergétique de ces prochaines années est d'assurer que le monde dispose toujours de sources d'énergie abondantes et relativement bon marché pour éviter des déséquilibres économiques, financiers et sociaux désastreux qui conduiraient à l'échec de cet objectif planétaire capital que reste la limitation puis la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le monde doit limiter ces émissions et l'impact des changements climatiques qui en découle, mais ce changement a un coût, une temporalité longue et il doit être accepté et acceptable par tous ; une fourniture suffisante de gaz est nécessaire non pas malgré, mais plutôt à cause de l'urgence climatique.

De fait, pour s'attaquer efficacement aux sources les plus polluantes, c'est-à-dire le charbon et le pétrole, le monde ne peut uniquement compter sur les énergies renouvelables ou même sur le nucléaire civil, technologie trop complexe et trop coûteuse pour être adoptée par tous. Il doit pourvoir disposer d'une forme d'énergie moins polluante, qui n'est certes pas un optimum de premier rang en matière d'émissions de gaz à effet de serre, mais qui a le mérite d'être moins polluante que le pétrole ou le charbon, financièrement accessible et relativement abondante du point de vue géologique. Cette source d'énergie s'appelle le gaz naturel et il n'en existe aucune autre à ce jour permettant de remplir ces derniers critères.

Bien qu'étant lui aussi émetteur de gaz à effet de serre, le gaz naturel contient moins de composants mineurs, comme le soufre ou les métaux lourds, que le pétrole et le charbon. Il contient moins de carbone par unité de masse que le pétrole et sa combustion provoque moins d'émissions de gaz à effet de serre. A énergie équivalente, en moyenne, le gaz permet une baisse de 25% de ces émissions par rapport au pétrole et de 50% de CO₂ quand il est utilisé pour la production d'électricité.

Solution de transition

Garantir à long terme la baisse des émissions de gaz à effet de serre et arrêter pour de bon la dégradation continue de l'environnement mondial passe par une substitution croissante du gaz naturel au pétrole et au charbon. Or, comme la production de gaz au sein de l'Union européenne est notoirement et largement insuffisante, de nouvelles importations de gaz seront nécessaires pour de nombreux autres pays européens dans un proche avenir. C'est certes une solution de transition, mais c'est la seule possible pour s'engager de manière réaliste sur la voie d'une transition énergétique réussie et durable.

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Commentaires 17
à écrit le 09/12/2019 à 18:02
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Monsieur Paillard, vous semblez vouloir dire qu'il ne faudra pas contraindre nos modes de vie, et que la transition sera à niveau de vie constant, ou ne sera pas car socialement non acceptable. Pas d'hypothèse, donc, de réduction de nos consommations...

à écrit le 27/11/2019 à 10:37
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pathétique.... ce monsieur est il payé par les Russes pour venir faire le VRP dans la Tribune? Le gaz émet un petit peu moins que le pétrole mais émet tjs beaucoup trop! stop!

à écrit le 26/11/2019 à 14:34
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Ni les discours alarmistes ni les chemins utopiques ne nous font gagner du temps... La réalité nous rattrepera fatalement et elle pourrait être celle-ci même si elle n'est pas agréable à lire ou à entendre... d'un point de vue chimique, le gaz est l...

à écrit le 26/11/2019 à 8:04
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N’importe quoi... Le sujet actuel c’est de réduire l’émission des gaz à effet de serre. La combustion de Gaz, Pétrole et Charbon émet des gaz à effet de serre, massivement. Ceux qui promeuvent l’idée qu’il vaut mieux remplacer une de ces 3 sources p...

le 27/11/2019 à 10:38
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+1

à écrit le 26/11/2019 à 6:26
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Comment pouvez vous asséner avec un tel sang froid de telles aberrations ? Où sont vos intérêts ? Disposer toujours plus d'énergies abondantes et bon marché pour lutter contre le réchauffement ? Mais où avez-vous vu ça ? Vous devez respecter votr...

à écrit le 25/11/2019 à 23:38
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Jamais un problème n'a eu une solution aussi simple. 1. Toute consommation d'énergie fossile est impossible à compenser (on ne peut compenser que sur laps de temps très court -le bois environ 100 ans contre des millénaires pour le pétrole, et le Carb...

à écrit le 25/11/2019 à 22:53
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En fait, c'est amusant comme La Tribune Prend le vrai parti du gaz Nat. Inévitable répétés d'Isabelle Kocher et articles souvent en défense de cette énergie sans évoquer les énergies bas-carbone en général (BIOMASSE, ENR) et en France en particulier ...

à écrit le 25/11/2019 à 18:18
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Gaz ou pas Gaz, la transition énergétique restera une chimère tant qu'il y aura....du Gaz....du Pétrole...du Charbon...de l'Uranium.

à écrit le 25/11/2019 à 15:03
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Le gaz naturel est un piège : Il est présenté comme une solution transitoire pour sortir du nucléaire et du charbon, en attendant que des technologies de stockage permettent de résoudre le problème de l’intermittence du PV et de l’éolien. Mais ce p...

le 25/11/2019 à 17:32
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On mélange un peu tout, là. En Allemagne, la forte décrue du nucléaire a justement été permise par le recours au ENR. (cf l'évolution du mix énergétique dans la production électrique allemande). L'intermittence des ENR (éolien-solaire) n'est pas un s...

le 25/11/2019 à 20:58
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Prise d'une maniere isolée et centralisée, chaque technique ne peut en effet pas resoudre le problème du stockage. La clef de la fokution est justement dans la combinaison decentralisée de toutes ses techniques. Une technologie qui semble encore très...

à écrit le 25/11/2019 à 13:05
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Je suis d'accord sur les grandes lignes de l'article. Un point de l'article n'est pas en accord avec les faits: Même si l'Allemagne est très en dessous de ses propres objectifs en matière de réduction de l'émission de gaz à effet de serres, il n'y a ...

le 25/11/2019 à 17:24
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Je plussoie à votre remarque. L'usage du charbon qui aurait augmenté pour compenser la mise en place des ENR est une légende urbaine ! Je suis très étonné de voir cette erreur reprise un peu partout y compris sous la plume de gens qui devraient savoi...

à écrit le 25/11/2019 à 12:30
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Cela peut être une alternative au charbon et nucléaire technologie couteuse...D' autant que les réserves de gaz sont importantes dont la France du côté de Mayotte en disposerait ( Golf du Mozambique ) . L' important c' est de construire un habitat mo...

à écrit le 25/11/2019 à 11:25
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Le gaz c'est bien mais ça génère du CO2 d'où la taxe carbone TICGN, 40€/tonne CO2 en 2018, figée GJ en 2019, objectif 150€ en France bonne élève, petit à petit, par paliers. Sais pas si ça permet de construire des tramways cette taxe vertueuse. Peut-...

le 25/11/2019 à 14:35
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A ma connaissance la combustion du gaz naturel CH4 ne produit que du CO2 et de la vapeur d'eau mais pas de particules fines, comme le bois ou le charbon et il ne contient pratiquement pas de souffre comme le pétrole .

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