Les jugements ne sont-ils pas publics, ne suffit-t-il pas d'assister au procès pour le savoir. Qu'y a-t-il de mal de demander oralement la même chose par après, à savoir une information somme toute publique et connue à un moment donné ?
L'arrêt de la Cour Européenne de justice du 7 mars dernier est clair : ce n'est pas pareil.
Le cas sur lequel la Cour devait statuer était une demande faite par la compagnie Endemol en Finlande à propos d'un candidat à une compétition qu'elle organisait, pour savoir s'il était respectable. La société avait appelé une Cour de Justice en Finlande pour en savoir plus, car avait-elle sans doute entendu quelque chose sur ce candidat. Il s'agissait à ses yeux de rien de plus que de consulter un registre au sein de ce tribunal et de répondre oralement.
La cour avait refusé mais Endemol a alors escaladé l'affaire en expliquant que donner oralement une information facilement trouvable ne constituait pas un traitement de donnée qui est la base du RGPD et de la protection qu'il donne. Il s'agissait en plus de données publiques avec, de ce fait, pour le tribunal en question, un devoir de transparence pour la population. Tout reposait sur le côté oral de la divulgation de l'information, qui ne nécessite aucun traitement, au pire, la mémoire du greffier aurait suffi, peut-on lire entre les lignes.
La Cour Européenne de justice ne le voit pas ainsi : un traitement de données ne doit pas être automatique, de sorte que rechercher manuellement au sein d'un registre des données personnelles constitue un tel traitement. La divulgation de l'information constitue aussi un traitement, peu importe qu'elle soit automatisée ou non : une opération manuelle relève donc de la transmission, de la dissémination et de la mise à disposition de l'information. Divulguer oralement tombe bien sous ce cas de figure.
Le risque de stigmatisation
La cour met en avant l'essence du RGPD pour ne pas pinailler là-dessus : à savoir le droit à la vie privée. Ceci est lourd de sens et devrait par exemple réfréner les contacts informels entre DRH à propos d'un candidat pour savoir ce qu'on en pense (même s'il ne s'agit pas ici de données à caractère criminel) ...sauf si le candidat a mis des références, c'est -à-dire y a consenti.
La Cour relève toutefois que le RGPD n'interdit pas non plus de manière globale et formelle la divulgation d'information relative au passé criminel d'une personne. Il faut un intérêt (vraiment) légitime de celui qui le demande et cela doit se faire sous le contrôle d'autorités officielles. Cet intérêt légitime doit être dans l'intérêt public ou pour permettre à d'autres autorités publiques d'exercer leur fonction. Le principe de proportionnalité doit jouer ou dit en d'autres termes, cela en vaut-il vraiment la peine. Car, pour la Cour, de telles informations peuvent provoquer le pire pour la personne concernée : l'exclusion sociale, la stigmatisation et on imagine sans peine les conséquences pour le candidat à la compétition la mauvaise publicité de son exclusion pour passé trouble.
Pour le tribunal, le RGPD s'oppose à la divulgation orale des données relatives aux condamnations pénales, d'une personne physique, contenue dans un fichier judiciaire oralement à quiconque si la seule justification est d'assurer l'accès du public à des documents publics. Il faut un intérêt spécifique à obtenir ces données, peu importe que cette personne soit une société commerciale ou un particulier.
Cet arrêt n'évoque pas finalement ce qui fait le plus mal aux personnes qui ont des démêlées avec la justice et qui ont été publiées dans la presse ou reprise sur Internet. Le droit à la vie privée s'efface devant le droit à l'information que Google et d'autres mettent en avant pour refuser de déréférencer la personne en question.
Bref, si vous faites l'objet de démêlées judiciaires, arrangez-vous pour un huis-clos.
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