Veolia/Suez  : Intensifiez la concurrence pour devenir plus forts  !

OPINION. Que serait Coca-Cola sans Pepsi-Cola ? Apple sans Samsung ? Airbus sans Boeing ? Sans doute pas grand-chose. En effet, les grandes sucess stories économiques se sont, la plupart du temps, construites au travers d'une relation concurrentielle forte. (*) Par Sébastien Liarte, professeur des universités en sciences de gestion, Bureau d’économie théorique et appliquée, université de Lorraine.
C'est la concurrence qui pousse Veolia et Suez à innover, réduire les coûts et réaliser des gains de productivité.
C'est la concurrence qui pousse Veolia et Suez à innover, réduire les coûts et réaliser des gains de productivité. (Crédits : Reuters)

Comme dans le sport de haut niveau, loin d'être destructrice, la concurrence est souvent un puissant moteur qui pousse les entreprises à se dépasser pour faire mieux, moins cher, plus sûrement ou encore plus vite que le concurrent. Pourtant, alors que les conséquences négatives d'un potentiel regroupement de Veolia a déjà fait couler beaucoup d'encre, les conséquences de la disparition de toute concurrence entre les deux entreprises ont été peu évoquées. Il s'agit même d'un des rares points considéré parfois comme positif pour la nouvelle entité. L'idée de protéger de toute concurrence nationale un fleuron français afin de le mettre dans les meilleures conditions possibles pour faire face au champ de bataille international semble, en effet, séduire certains analystes. Mais, en y regardant de plus près, il est possible de s'interroger sur les conséquences de la disparition de Suez pour Veolia. Et si la principale force de Veolia était Suez ? Et si la principale force de Suez était Veolia ?

Les bienfaits de la pression concurrentielle

Supprimer la concurrence entre Veolia et Suez, c'est les priver du moteur essentiel qui leur a permis de devenir des fleurons de l'économie française dans l'environnement. Les plus grands champions économiques ne se sont pas construits sur des monopoles offerts sur des plateaux d'argent mais bien du fait d'une concurrence acharnée vis-à-vis d'un ou plusieurs alter-ego les poussant à se dépasser sans cesse. C'est la concurrence qui pousse Veolia et Suez à innover, réduire les coûts et réaliser des gains de productivité.

Sans cette pression concurrentielle, pourquoi la nouvelle entité chercherait à faire des efforts en matière d'innovation, de qualité, de prix ou de sécurité à l'heure de renouveler une concession s'il n'y a plus le risque de perdre le marché au profit du concurrent ? Pire, dans le contexte actuel de défiance des collectivités locales envers les concessionnaires, l'existence d'un monopole risque d'accentuer la réintégration de certains services comme la distribution et le retraitement de l'eau par des régies propres. In fine, c'est la collectivité qui subira les conséquences d'une baisse de l'intensité concurrentielle, soit à travers une dégradation des services, soit à travers une augmentation des coûts à supporter (voire les deux).

Non-sens économique

Supprimer la concurrence ente Veolia et Suez, c'est également priver la nouvelle entité de la possibilité de disposer d'une véritable capacité stratégique. En effet, les pouvoirs publics, tant au niveau français qu'européen, ont mis en place les règles et des structures permettant de contrôler et d'éviter la constitution d'un monopole pouvant s'avérer préjudiciable aux usagers. Afin d'éviter une éventuelle interdiction de rachat, Veolia a pris les devants en prévoyant la revente de certains actifs et activités de Suez. Les activités dans l'eau de Suez sont, par exemple, promises à l'entreprise Meridiam. Or, là encore, le remède risque d'être pire que le mal. Si les règles en place conduisent à se séparer des activités et des actifs où il y a redondance et donc monopole, l'argument de l'effet taille du nouveau géant dont les conséquences positives sont régulièrement mises en avant tombent... à l'eau !

En définitive, cela n'a pas de sens économique de préparer un futur champion national à la concurrence mondiale en l'écartant de son principal rival. C'est cette rivalité qui va permettre d'aboutir non pas à un mais à deux champions ! Les vrais champions ne se construisent pas dans le refus de la compétition, bien au contraire. Suite à la décision du champion de Formule 1, Alain Prost, de mettre un terme à sa carrière, son grand rival Ayrton Senna lui avait déclaré, avant son dernier grand prix : « Alain, tu me manques ». En effet, le champion brésilien avait perdu sa motivation avec le départ de son adversaire de toujours. A l'instar de ces champions, ne privons ni Veolia et ni Suez de leur challenger. Ne surprotégeons pas nos fleurons de la concurrence pour ne pas abîmer nos beaux futurs champions. Au contraire, poussons-les à se livrer une saine et véritable concurrence. Ce qui ne les tue pas, les rend plus fort ! Et c'est ainsi que se construiront, pas un, mais deux champions mondiaux de l'environnement.

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Commentaires 3
à écrit le 13/09/2020 à 12:56
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"Intensifiez la concurrence pour devenir plus forts !"?? Avez vous vu les résultats que nous offre l'UE de Bruxelles et le "Bonheur" qu'il nous apporte?!

à écrit le 12/09/2020 à 23:23
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Il faut mettre en balance que le marché franco-francais est petit et la concurrence, et le champ de bataille n'est plus en France, mais a l'international. Sur les gros projets internationaux il y a t il du sens d'avoir 2 mastondondes français en comp...

à écrit le 12/09/2020 à 18:58
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Très théorique tout cela...Manifestement, l'auteur ne connait pas la réalité de l'activité Eau et autres services à l'environnement en France. La concurrence y est exacerbée, les marges réduites à néant ou presque, annihilant les capacités d'inve...

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