La Bretagne se voit en futur leader européen de la cybersécurité

Berceau des télécoms et deuxième région de France en termes d'emplois cyber, la région amplifie ses efforts pour faire de cette filière l'un des leviers clés de son développement économique. Une ambition qui passe par l'attraction des talents, la formation, une politique d'innovation et l'accompagnement des entreprises dans une transformation numérique sécurisée. C'est ce qui ressort du forum Transformons la France, organisé le 23 juin dernier à Rennes.
(Crédits : DR)

C'est en Bretagne que le minitel, ancêtre de l'Internet, a vu le jour. Et c'est dans cette région que s'invente aujourd'hui la box de demain. Depuis les années 60, entre l'implantation du Centre national d'études des télécommunications et la présence d'Orange à Lannion (Côtes d'Armor), qui en a célébré le 60e anniversaire le 21 juin dernier, la région, de Brest à Rennes, a développé un remarquable écosystème du numérique et de la cybersécurité, d'autant qu'elle abrite aussi des sites militaires tels la DGA Maîtrise de l'information, de même que ComCyber. Une carte qu'elle entend bien jouer pour se distinguer et se développer. « L'objectif est d'avoir dans nos mains la capacité de protéger nos entreprises », affirme Loïg Chesnais-Girard, président de la Région Bretagne. Le choix de la filière cybersécurité comme l'une des spécialités régionales est clair. « Notre ambition est d'être leader en Europe, et d'avoir tous les acteurs majeurs présents en Bretagne, en plus de Saclay, de Lille et de ce qui se passe en Estonie et à Bruxelles », déclare-t-il.

Ainsi, la Région planche sur un plan composé de trois piliers, qui devrait être annoncé prochainement. D'abord, « une politique d'accompagnement de la formation, depuis le collège », développe Loïg Chesnais-Girard. Ce qui implique d'ouvrir des BTS, des masters ainsi que des écoles doctorales et d'ingénieurs. Ensuite, « une politique d'innovation duale, civile et militaire », y compris en construisant des sites pour accueillir des startups qui innovent dans ce domaine. Et enfin, « le rayonnement et l'accompagnement de nos entreprises pour faire masse et dire que c'est ici que ça se passe », détaille-t-il.

« La filière cybersécurité est un véritable levier de développement économique », abonde Tiphaine Leduc, manager de la cybersécurité de Bretagne Développement Innovation. D'autant que « la transformation numérique ne peut s'opérer sereinement que si elle est accompagnée de cybersécurité ». C'est tout l'enjeu du travail piloté par l'agence économique de la Région : fédérer la filière et diffuser la cybersécurité dans l'ensemble du tissu économique breton pour sécuriser activités et acteurs. Avec ses quelque 8 000 à 10 000 emplois, la filière bretonne, en deuxième position derrière l'Ile-de-France, dispose de l'atout d'un maillage territorial fort. « Rennes est un bassin important parce que les acteurs étatiques y sont. Mais il y a également des compétences et des savoir-faire à Brest, en Bretagne Sud, avec Vannes et Lorient, et en Bretagne Nord, avec Lannion, bassin historique de télécoms qui se positionne également sur la cybersécurité », argumente-t-elle.

Diversifier les profils

Mais pour concrétiser ces ambitions, encore faudrait-il répondre à un enjeu de taille - celui des compétences. Pour ce faire, la Région entend bien prendre part à la stratégie nationale de renforcement de la cybersécurité, dotée d'une enveloppe d'un milliard d'euros, qui vise à doubler le nombre d'emplois dans la filière à l'horizon 2025. Ce qui passe aussi et surtout « par une vision politique », avance Tiphaine Leduc. « Nous avons la chance que les différentes collectivités soient totalement alignées. La cybersécurité est un sujet transversal et qui fait l'unanimité », assure-t-elle. L'une des priorités sera ainsi de « concevoir des formations agiles qui correspondent aux besoins », ajoute-t-elle. La reconversion, de même que la diversification de profils, font partie des actions. Exemple, « la cyber et le numérique ont la chance de pouvoir accueillir des personnes douées d'intelligences atypiques, comme le syndrome d'Asperger, poursuit-elle. La Région a labellisé des formations sur le sujet et accompagne les entreprises pour être en capacité de les accueillir dans une équipe. »

Démystifier la profession

Surtout, le défi est celui d'attirer les candidats et leur faire découvrir ces métiers qui pâtissent du stéréotype d'un geek en sweat à capuche. Or « il y a des métiers techniques très variés en cybersécurité », rappelle Tiphaine Leduc. En outre, le secteur ne concerne pas que des profils techniques, puisque des compétences juridiques, organisationnelles, voire dans le domaine de la psychologie y sont recherchés... « Il faut démystifier ce qu'est le monde du numérique et le cyber en particulier », renchérit Eric Dupuis, directeur d'Orange Campus Cyber. Des profils féminins, notamment, manquent dans le secteur, puisqu'il ne compte que 11 % de femmes dans la cybersécurité et 25 % dans le numérique. « Il y a un vrai travail à faire pour convaincre les jeunes filles de choisir ces métiers », admet-il.

Enfin, le pari est aussi, plus largement, celui d'attirer des talents dans la région. « Orange a construit une grande partie de ses innovations et de sa dynamique de formation au cœur de la Bretagne. Nous y avons installé l'école cyber d'Orange, bien qu'elle ait une ouverture internationale », ajoute Eric Dupuis. D'ailleurs, « la Bretagne est le deuxième bassin du groupe en France. Nos camarades, dans nos filiales étrangères, sont très attirés par la France et notamment la Bretagne », dit-il, en invitant les candidats à postuler sur la plateforme Orange Jobs, dévolue aux métiers du groupe. De fait, « nous recrutons beaucoup en Bretagne, surtout chez Orange Cyber Défense », lance-t-il.

Attirer des talents, mais aussi des entreprises, est ainsi l'un des objectifs fixés par la Région. Au risque de tendre encore plus le marché des compétences ? Tiphaine Leduc veut tordre le cou à cette idée, en donnant l'exemple de l'équipe d'experts cyber installée par EDF en Bretagne. « Cela a été très vertueux parce qu'une entreprise qui s'implante fait aussi venir des talents dans la région », estime-t-elle. Une manière d'« enrichir le bassin ». Et le doper dans sa course au leadership français et européen.

Natasha Laporte

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Commentaire 1
à écrit le 26/06/2023 à 10:47
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La Bretagne c'est cette superbe région bordée de côtes océanique et maritime et on y développe des boulots enfermés dans des bureaux à gérer des écrans d'ordinateurs ! Hé ho !?

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