En Corse, Emmanuel Macron en tenue « girondine »

La visite du chef de l’État ces 27 et 28 septembre est guidée par les commémorations du 80e anniversaire de la Libération de la Corse. Mais les nationalistes espèrent des avancées concrètes sur le statut d’autonomie à l’occasion de sa prise de parole ce jeudi devant l’assemblée des élus.
Emmanuel Macron parlera autonomie mercredi matin devant l'Assemblée de Corse réunie en session extraordinaire.
Emmanuel Macron parlera autonomie mercredi matin devant l'Assemblée de Corse réunie en session extraordinaire. (Crédits : STEPHANIE LECOCQ)

À ce jour, l'autonomie est à la Corse ce que le « Pacte girondin » est à Emmanuel Macron : une fiction fantasmée. La visite du Président de la République dans l'île mercredi et jeudi pourrait changer la donne sans pour autant la bouleverser car on imagine mal que la réalité puisse dépasser la fiction. Pourtant, le candidat à la présidentielle de 2017 avait fait de ce pacte le credo de sa campagne pour insuffler à la décentralisation un élan qu'elle n'a pas connu depuis 40 ans et l'avènement de François Mitterrand au pouvoir grâce auquel la Corse avait été dotée de son premier statut particulier dit « Defferre ».

Le 24 février dernier, au beau milieu du processus de dialogue, poussif et chaotique, entre les élus de la Corse et Gérald Darmanin, dûment mandaté par l'Élysée pour débroussailler le chemin censé mener à l'autonomie, Emmanuel Macron avait fait irruption Place Beauvau. Une intrusion inattendue mais appréciée de la délégation insulaire car le Président avait confirmé sa volonté d'inscrire la Corse dans la Constitution dans la perspective de la grande réforme des institutions qu'il espère, après déjà deux tentatives avortées, obtenir du Parlement réuni en Congrès à Versailles avant la fin de l'année 2024. La Corse bénéficierait ainsi d'une fenêtre de tir dans cette opération d'envergure de dépoussiérage institutionnel : participation citoyenne accrue, dévolution de nouveaux pouvoirs aux collectivités territoriales, dose de proportionnelle dans la désignation des députés, retour au cumul des mandats voire du septennat...

Gilles Simeoni en mode équilibriste

En Corse, l'autonomie n'est plus un sujet tabou. La large adhésion de la population a été confirmée par les urnes : lors du dernier scrutin régional, il y a deux ans, deux Corses sur trois ont voté pour une liste nationaliste tout en mettant un terme à la présence des indépendantistes à l'Assemblée de Corse. L'Association des Régions de France soutient la démarche. La droite et la majorité présidentielle consentent aussi au statut d'autonomie, à l'instar de Laurent Marcangeli, président du groupe Horizons à l'Assemblée nationale et figure de proue de l'opposition à Gilles Simeoni. Mais ce dernier n'a pas de blanc-seing. Même si les plus progressistes des conservateurs reconnaissent que toutes les îles de Méditerranée sont autonomes, ils mettent des garde-fous. Une ligne rouge. Gérald Darmanin l'avait tracée à l'orée des négociations : « Pas question de créer deux catégories de citoyens dans un même pays. »

Pour la majorité territoriale corse, son président en tête, l'élaboration du rapport sur l'autonomie, adopté par l'Assemblée de Corse le 5 juillet dernier (48 voix sur 63, assez loin du large consensus escompté) et transmis dans la foulée au gouvernement, a été un exercice d'équilibriste car il s'agissait pour le leader nationaliste d'obtenir une marge de manœuvre politique, juridique et fiscale jamais atteinte grâce à l'inscription de la Corse dans la Constitution sans trahir les fondamentaux de la lutte dite « nationale » au premier rang desquels la reconnaissance du Peuple corse qui, en 1991, caracolait à l'article 1 de la loi portant statut particulier conçu par Pierre Joxe, le ministre de l'Intérieur de l'époque, mais retoquée par le Conseil constitutionnel.

Clé de voûte, le pouvoir législatif

La co-officialité de la langue corse avec la langue française et l'instauration d'un statut de résident pour désamorcer une spéculation foncière et immobilière effrénée (40% des logements sont des résidences secondaires) sont également deux revendications du rapport intitulé « Autonomia » sur lesquelles Emmanuel Macron mettra un mouchoir. De fait, des deux courants nationalistes, celui (modéré) des pragmatiques, prévaudra sur celui (radical) des dogmatiques.

Au-delà d'une (très) grosse enveloppe pour permettre à la Corse de moderniser ses infrastructures (ports, aéroports, routes, logements, traitement des déchets, stockage de l'eau...), et de mesures fiscales ciblées pour doper l'innovation et dissuader les spéculateurs de tout crin, le Président de la République souscrirait à la demande qui constitue la substantifique moelle de tout statut d'autonomie : le pouvoir d'adapter et d'adopter les lois dans tous les domaines, à l'exception, bien sûr, des prérogatives régaliennes. Sans cette dévolution, les nationalistes considèreraient que la mention dans la Constitution serait inutile. Ce qui est en revanche acquis, c'est la consultation des Corses par référendum sur le projet.

Le maître des horloges aurait pu jouer la montre. Après tout, sa visite est d'essence mémorielle, il vient célébrer le 80e anniversaire de la Libération de la Corse. Mais ce n'est pas trop son style d'arriver en terrain miné la fleur au fusil. Emmanuel Macron parlera autonomie mercredi matin devant l'Assemblée de Corse réunie en session extraordinaire. Quitte à décevoir. Quitte à remuer le couteau dans la plaie de cet embarrassant paradoxe : plus la Corse veut être autonome, plus elle a besoin de l'État.

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Commentaire 1
à écrit le 27/09/2023 à 0:30
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Mr Macron est un jacobin et n‘a que mépris pour les régions. Alors lui parler du peuple Corse, Breton, Basque ou Alsacien est pure perte. Lors de la loi sur les langues régionales, il s’était empressé avec son ami Mr Blanquer de bloquer par le consei...

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