El Clásico Barça-Real en Espagne, der Klassiker Bayern-Dortmund en Allemagne et même le Classique Marseille-PSG en Ligue 1 : les plus grands rendez-vous du football européen ont leur surnom. Pourtant prompte à fabriquer du merchandising, l'Angleterre n'a pas baptisé les matchs entre Liverpool et Manchester City, qui font le sel de la Premier League depuis huit ans. Celui de cet après-midi (16h45), à Anfield, donnera une grosse option sur le titre de champion à son vainqueur. « C'est le match le plus excitant de la saison », tranche Florent Sinama-Pongolle, attaquant des Reds entre 2003 et 2007 et désormais consultant pour Canal+, qui a « rarement vu autant d'intensité et de prestations XXL en permanence ».
Depuis que Pep Guardiola a rejoint Jürgen Klopp en Premier League, à partir de la saison 2016-2017, leurs équipes ont parfois donné au Big 4 un goût de Big 2. Le dernier trouble-fête, Chelsea, s'est invité en 2017. Depuis, les Citizens ont gagné cinq titres, Liverpool un. Trois fois, ils ont fini aux deux premières places du classement, avec un pic d'adrénaline en 2019 : les Reds passent la majorité du temps en tête mais abandonnent à leur concurrent un titre attendu désespérément depuis 1990, d'un point, avec le plus haut total de l'histoire pour un deuxième (97 points). Klopp aura sa revanche un an plus tard, et une place de choix dans la légende du club de la Mersey, vainqueur avec lui de huit trophées, dont une Ligue des champions (2019).
Deux managers de la même génération
Cette jeune rivalité est d'abord celle de deux managers de la même génération (trois ans et demi d'écart). Née en Bundesliga entre 2013 et 2015, quand l'Espagnol entraînait le Bayern Munich et l'Allemand le Borussia Dortmund, elle n'a jamais cessé d'être cordiale, marquée même par une admiration réciproque. « C'est le plus grand adversaire que j'aie eu », a assuré Guardiola en janvier, le jour où Klopp a annoncé qu'il quitterait son poste en fin de saison. Pour le Catalan, ému, « impossible de parler de [ses] années à City sans évoquer Liverpool ».
Une seule fois, en 2019, le charismatique Allemand a semblé piquer son homo- logue. « Pep, qui c'est ? » avait-il répondu à un journaliste de Sky Sport, coupable d'avoir prononcé « Pepe ». Un soir de vic- toire, en octobre 2022, Klopp a été expulsé contre les Citizens, qui n'y étaient pour rien, contrairement à l'arbitre, jugé laxiste. Pour avoir « perdu les pédales », il avait écopé d'une amende de 35 000 euros.
J'ai rarement vu autant d'intensité et de prestations XXL en permanence
Florent Sinama-Pongolle, ancien attaquant de Liverpool
« Pendant des années, ils nous auront fait rêver, ajoutant beaucoup de suspense à la course au titre, en battant des records de points », confie Florent Sinama-Pongolle, qui trouve que cette fois les Reds, un point d'avance au compteur, ont « un parcours de champions » tandis que les Skyblues sont « moins écrasants » que lors des exercices précédents. « Entre eux, c'était toujours le rendez-vous de la saison », poursuit l'ancien international.
Rien à voir avec la rivalité entre Alex Ferguson et Arsène Wenger
Jamais la police n'a demandé aux joueurs de Liverpool de ne pas se montrer en ville avant une confrontation avec City, alors que le conseil a été fréquemment donné dans les jours qui précédaient le derby contre Everton, l'autre club de la ville, ou surtout Manchester United, l'ennemi. « Du point de vue des supporters, il n'y a pas un historique suffisant face à City; l'opposition est formidable mais purement sportive », soupèse Josh Sexton, éditeur du site scouser The Anfield Wrap. Rien à voir, donc, avec les amabilités échangées pendant des années par Alex Ferguson et Arsène Wenger, au plus fort de l'antagonisme entre Manchester United et Arsenal. Ou même entre Pep Guardiola et José Mourinho, à la tête de ses trois clubs anglais (Chelsea, MU, Tottenham), prolongement de Clásicos espagnols houleux.
À 18h30, au coup de sifflet final de ce seizième et dernier face-à-face en Premier League entre les deux hommes (4 victoires pour Liverpool, 5 pour City et 6 nuls), la rivalité risque-t-elle de s'éteindre ? Si l'apôtre du Gegenpressing avait quitté le navire en fin de saison dernière sur une cinquième place, le pire classement de l'ère Klopp, à 22 points de City, le plus gros écart depuis 2018, peut-être. Plus maintenant, assure Josh Sexton : « Le manager a reconstruit l'effectif pour être certain de laisser Liverpool au sommet et faciliter la vie à son successeur. L'héritage qu'il va laisser nous rend optimistes. » Les huiles du marketing de la Premier League peuvent encore plancher sur un label susceptible, comme ailleurs en Europe, de passer à la postérité. ■
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