Semi-conducteurs : le Japon investit plus de trois milliards d'euros

A travers cet investissement, le gouvernement nippon souhaite soutenir son champion local, Rapidus, un consortium public-privé associé avec l'américain IBM. Ces dernières semaines, nombre d'exécutifs dans le monde ont annoncé des enveloppes conséquentes afin d'augmenter leur production de semi-conducteurs, secteur hautement stratégique.
(Photo d'illustration).
(Photo d'illustration). (Crédits : FLORENCE LO)

Tokyo a annoncé ce mardi un investissement de 3,6 milliards d'euros. Objectif affiché, soutenir le japonais Rapidus dans la production locale de la future génération de semi-conducteurs, et ainsi participer ainsi aux efforts de l'archipel pour se développer dans ce secteur stratégique. Et pour cause, les semi-conducteurs, indispensables à nombre de produits de l'économie moderne, sont présents des téléviseurs aux voitures en passant par les armes, les téléphones ou l'intelligence artificielle.

Ce nouvel apport gouvernemental - qui pourra atteindre 590 milliards de yens (3,6 milliards d'euros au cours actuel) - s'ajoute aux 330 milliards de yens précédemment annoncés pour Rapidus, un consortium public-privé associé avec l'américain IBM.

« Le projet Rapidus est extrêmement important (car il concerne) des semi-conducteurs de pointe qui peuvent avoir un impact sur la compétitivité de l'industrie japonaise dans son ensemble », a affirmé à la presse Hidemichi Shimizu, un responsable du ministère de l'Economie, en évoquant cette annonce.

25 milliards d'euros sur trois ans

Le chantier de la première usine de Rapidus a démarré en septembre dernier sur l'île d'Hokkaido (nord du Japon). L'entreprise nippone, à laquelle participent aussi de grands groupes privés comme Toyota et Sony, a été créée en 2022. Elle vise à soutenir l'objectif du Japon de revitaliser son industrie des semi-conducteurs via des injections massives d'argent.

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Avec des groupes comme Toshiba et NEC, le Japon dominait le marché mondial des micro-puces dans les années 1980. Une position qu'il a toutefois perdue devant la concurrence taïwanaise et sud-coréenne. Résultat, le Japon ne possède plus que 10% de parts de marché dans ce secteur, contre plus de 50% à sa grande époque.

Au total, le gouvernement nippon prévoit donc d'investir jusqu'à 4.000 milliards de yens (environ 25 milliards d'euros) sur trois ans. L'ambition est de tripler les ventes de puces « made in Japan » d'ici 2030, à plus de 15.000 milliards de yens (plus de 90 milliards d'euros au cours actuel) par an.

Les Pays-Bas dégaine plus de deux milliards

Dans le détail, Tokyo espère accélérer la recherche-développement et la production de semi-conducteurs, qui accuse un grand retard en la matière par rapport à ses voisins taïwanais et sud-coréen. Dans le cadre de cette stratégie, le Japon a aussi inauguré en février la première usine sur son territoire du géant taïwanais des semi-conducteurs TSMC, une installation d'un coût équivalent à 8 milliards d'euros subventionné à plus de 40% par le gouvernement nippon.

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Et TSMC a récemment confirmé qu'il allait construire une deuxième méga-usine au Japon, là aussi avec un important soutien financier de Tokyo et d'entreprises privées japonaises comme Sony et Toyota. Le Taïwanais songe aussi à construire une troisième, voire une quatrième usine géante au Japon à plus long terme, selon la presse. TSMC, qui compte Apple et Nvidia parmi ses clients, contrôle plus de la moitié de la production mondiale de puces, utilisées dans tous les domaines.

Cette annonce du Japon intervient alors que, sur le Vieux continent, le gouvernement néerlandais a dévoilé jeudi dernier un plan d'une valeur de 2,5 milliards d'euros pour retenir aux Pays-Bas des groupes mondiaux comme l'équipementier ASML. Les législatives de novembre dernier ont vu arriver en tête le Parti pour la liberté PVV du leader d'extrême droite Geert Wilders. Or, ce dernier a promis de réduire drastiquement l'immigration, comme d'autres partis à la table des négociations.

ASML avait aussitôt fait part de ses craintes de ne pouvoir, avec de telles mesures, recourir à la main d'œuvre étrangère. « Si nous ne pouvons pas amener les gens ici, nous les attirerons ailleurs. C'est très simple », avait déclaré en janvier dernier le directeur général du groupe Peter Wennink lors de la publication de son rapport annuel.

Les Etats-Unis au soutien d'Intel

Le financement annoncé jeudi proviendra de l'Etat, mais aussi de la région autour d'Eindhoven, dans l'est des Pays-Bas, où ASML a son siège. « C'est l'une des entreprises les plus importantes des Pays-Bas, un acteur mondial », a souligné jeudi la ministre de l'Économie néerlandaise Micky Adriaansens, selon l'agence de presse locale ANP.

« ASML est notre Messi et une telle vedette amène toute une équipe avec lui », a-t-elle ajouté.

Les fonds annoncés serviront à investir dans le développement de nouveaux talents, ce qui rendra plus attractif la vie et le travail dans la région, mais répondra également aux préoccupations concernant les insuffisances en matière d'alimentation électrique, a précisé le gouvernement. ASML emploie 42.000 personnes dans le monde, dont plus de la moitié sont basées dans son immense complexe de Veldhoven, au sud-ouest d'Eindhoven, et une part importante d'entre elles vient de l'étranger.

Les Pays-Bas et le Japon ne sont pas les seuls à soutenir financièrement leur champion national. Le 20 mars dernier, le président américain avait annoncé un coup de pouce de près de 20 milliards de dollars, pour permettre au géant américain des semi-conducteurs Intel d'augmenter sa production aux Etats-Unis.

« Les amis, il était temps. Nous avons inventé les composants électroniques les plus sophistiqués, mais aujourd'hui nous en fabriquons 0% », parce que cette industrie « a été délocalisée en Asie » avait déploré Joe Biden. « Nous allons permettre à la production des semi-conducteurs les plus sophistiqués de faire son grand retour », avait promis le démocrate de 81 ans, qui se présente comme le champion de la réindustrialisation et le défenseur de l'emploi manufacturier.

Il s'agit du montant le plus élevé annoncé à ce jour par le gouvernement américain pour contrer la puissance chinoise. Il s'agit aussi de protéger l'Amérique de ruptures d'approvisionnement, telles qu'elle en a connues pendant la pandémie de Covid-19.

L'accord conclu avec Intel s'inscrit dans le cadre du « Chips and Science Act ». Cette loi, qui date de l'été 2022, prévoit 52,7 milliards de dollars pour relancer la production de semi-conducteurs aux Etats-Unis, avec l'idée que l'argent public serve de tremplin pour des investissements privés.

(Avec AFP)

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Commentaire 1
à écrit le 02/04/2024 à 8:42
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Vous auriez pu aussi mentionner le Chip Act européen de 50 milliards d investissements public-privé. C est autant qu aux US et ça a déjà drainé 10 MDs d investissements en Allemagne à Magdeburg et plus de 5 MDs en France dans la filière fdsoi de STmi...

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