ChatGPT : l'effondrement de l'EdTech Chegg en Bourse est-il justifié ?

Dans la nuit de lundi à mardi, l'entreprise d'aide aux devoirs Chegg a en partie expliqué ses performances financières décevantes par l'impact de ChatGPT sur son fonds de commerce. Son cours en Bourse s'est écroulé de près de 50% dans la foulée. Mais une question se pose désormais : le marché a-t-il surréagi ?
François Manens
ChatGPT, bourreau de l'EdTech?
ChatGPT, bourreau de l'EdTech? (Crédits : Reuters)

Pour la première fois, une entreprise impute à ChatGPT une partie de ses mauvais résultats. « Depuis mars, nous avons observé un pic significatif de l'intérêt des étudiants pour ChatGPT. Nous pensons désormais que cela a eu un impact sur notre taux d'acquisition de nouveaux clients », a ainsi déclaré Dan Rosensweig, le CEO de l'entreprise américaine d'aide aux devoirs Chegg, lors de la présentation de ses résultats trimestriels. Le dirigeant exposait aux investisseurs la mauvaise passe traversée par le groupe, avec un nombre d'abonnés en baisse de 5% à 5,1 millions et un chiffre d'affaires en chute de 7% à 187,6 millions de dollars par rapport à l'an dernier.

Suite à sa présentation, non seulement le cours du groupe a lourdement chuté en Bourse (-49%), mais il a aussi entraîné tout le marché de la EdTech dans sa dégringolade. Les actions de ses homologues Pearson, Duolingo et Udemy ont baissé respectivement de 15%, 10% et 5% dans la journée de mardi. Le marché n'a pas seulement sanctionné les mauvais résultats d'une entreprise qui stagnait déjà dans sa croissance, il a lourdement frappé un secteur jugé vulnérable à la nouvelle vague d'intelligence artificielle générative.

ChatGPT peut-il vraiment remplacer l'aide aux devoirs ?

Si Chegg est autant affecté par la popularisation de ChatGPT, c'est parce que le chatbot semble en capacité de remplacer une partie de ses services, à commencer par son produit d'appel - par ailleurs accusé d'être de l'aide à la triche - qui permet aux étudiants de faire relire leurs devoirs par des experts.

Concrètement, ChatGPT peut aider gratuitement et en quelques secondes à rédiger une dissertation, à la mettre en forme ou encore à en corriger les fautes de grammaire. En apparence, il se présente aussi comme un expert de nombreux sujets... mais c'est aux risques et périls de l'utilisateur. Comme le rabâchent les spécialistes de l'intelligence artificielle et OpenAI lui-même, les données qui ont nourri ChatGPT n'ont pas été qualifiées. Autrement dit, personne n'a vérifié leur véracité. En conséquence, le chatbot « hallucine » régulièrement, c'est-à-dire qu'il ment et invente des faits avec assurance, et qu'il pourrait complètement rater une dissertation sur le fond.

Malgré les apparences, ChatGPT ne peut donc pas faire office de foire aux questions géante. Il a été créé pour exceller dans la compréhension et l'écriture du langage, et c'est seulement sur les usages liés à la rédaction qu'il est fiable. En ignorant ce constat, les investisseurs pourraient avoir surestimé la menace ChatGPT sur le marché de l'éducation, car le robot ne remplace pas l'expertise thématique de professeurs ou de spécialistes. Comme le rappelle The Information, l'engouement pour l'IA génératrice a moins de six mois, et il est encore trop tôt pour déterminer quelles entreprises vont être le plus affectées, en bien ou en mal, par la nouvelle vague technologique. Les experts appellent d'un côté à ne pas tomber dans le techno-scepticisme, et de l'autre à ne pas tomber dans le techno-solutionnisme. Mais c'est bien de ce dernier écueil que pourrait être victime Chegg, les investisseurs sous-estimant l'intérêt pour les élèves de faire face à des humains dans l'aide aux devoirs.

Combattre le feu par le feu

Pour faire face à la menace de l'intelligence artificielle générative, Chegg l'adopte. « Nous allons continuer à prioriser nos investissements vers l'IA pour répondre à l'opportunité qui se présente », déclare ainsi Dan Rosensweig. Le dirigeant rappelle que son entreprise dispose d'une masse importante de données qualifiées, construite sur plus d'une décennie, ainsi que de l'expertise de plus de 150.000 spécialistes.

Pour exploiter ces atouts, Chegg a fait appel à nul autre que OpenAI, le créateur de ChatGPT. De ce partenariat doit naître un nouveau service d'apprentissage, CheggMate, une sorte de ChatGPT, mais véritablement expert dans les sujets des devoirs. Si cette initiative mise en avant lors de la présentation des résultats n'a pas convaincu les investisseurs, elle correspond pourtant au standard du déploiement de l'IA générative dans les entreprises. Les grands modèles de langage sont nourris de données, pour les transformer en outils spécialistes. Dans ce cas de figure, leur valeur provient autant du modèle de base que des jeux de données constitués par l'entreprise, ce qui redonnerait du galon à Chegg auprès des investisseurs.

Une question se pose alors : comment le marché va-t-il valoriser cette donnée experte à l'avenir ? En tout cas, Dan Rosensweig se montre confiant : « comme nous l'avions dit en janvier, nous pensons que l'IA générative et les LLMs vont affecter la société et l'économie, en bien et en mal, plus rapidement qu'à l'habitude. L'éducation est déjà touchée, et nous pensons qu'à long terme, cette tendance va avantager Chegg ».

François Manens

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Commentaire 1
à écrit le 04/05/2023 à 9:17
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Eh oui, encore les conséquences de l'IA. Mais à y regarder de plus prêt, quel avenir pour les étudiants qui ne prennent pas la peine de réfléchir à une problématique et trouver une (ou des) solutions ? Cela devrait-il mettre un terme au controle cont...

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