Le voyage virtuel débute en vidéo, dans un sous-bois. Une musique douce, diffusée dans le casque, atténue les bruits ambiants. Le parcours se prolonge pendant plusieurs minutes. Immergé dans un environnement en 3D, le spectateur survole des ruisseaux et des montagnes. Le voyage s'achève comme un rêve dans les nuages, à côté d'un aigle en vol plané. La voix qui accompagne la vidéo invite le patient à se détendre, à orienter ses pensées vers le monde virtuel qui défile devant ses yeux. Le film crée un environnement propice à l'hypnose. Détaché de la réalité, le patient est prêt pour son opération chirurgicale. Ce type d'expérience est appelée à se diffuser dans les blocs opératoires. L'hypnosédation est une technique reconnue : importée de Suisse, elle se pratique dans les établissements de santé depuis les années 1970. Pour le patient, les impacts peuvent être bénéfiques : moins d'effets secondaires, moins de complications liées à l'anesthésie et un parcours post-opératoire plus facile.
En France, l'anesthésie concerne près de 6 millions de patients par an. Convaincu de son intérêt pour le système de soins, Hypno VR entend conquérir ce marché. « Le développement de l'hypnose en anesthésie est limité par le nombre insuffisant de médecins formés et par l'impossibilité pour un anesthésiste de suivre plusieurs patients en même temps, comme c'est le cas en anesthésie classique », souligne Denis Graff, le médecin strasbourgeois à l'origine de ce projet avec sa consoeur Chloé Chauvin.
Un business model qui repose sur les abonnements
Pour répondre aux souhaits des patients, Hypno VR a développé deux univers complémentaires qui constituent désormais une gamme de voyages hypnotiques : l'un se situe dans le monde sous-marin, l'autre sur une plage paradisiaque. Nicolas Schaettel, troisième cofondateur de la startup, a voulu porter un soin particulier aux images et à la bande sonore qui les accompagne : la réalisation est confiée à des prestataires externes. Les patients qui ont l'habitude de regarder des films américains en version française reconnaîtront la voix de Harrison Ford. Ou plus exactement celle de Richard Darbois, le comédien francophone qui assure ses doublages depuis trente ans. Les premiers dispositifs ont été commercialisés dans une dizaine d'établissements de soins en septembre 2018.
Lancée en 2016, Hypno VR a eu besoin de deux ans pour valider les études cliniques au CHU de Strasbourg et réaliser sa première levée de fonds de 700.000 euros auprès de Bpifrance et de business angels. Son modèle économique repose sur des abonnements au logiciel qui permet la lecture des images virtuelles. Pour un seul poste de travail, le tarif est de 99 euros par mois. Pour plusieurs postes en utilisation simultanée, le montant s'élève à 249 euros. Les lunettes 3D qui permettent de voir le film sont de type Oculus ou Samsung Gear : elles proviennent du marché grand public. Membre de la délégation du Grand-Est pour le CES à Las Vegas, la startup espère taper dans l'oeil des médias et accélérer son développement. « Nous voulons nous ouvrir au marché international, rechercher des clients et partenaires et analyser la concurrence dans l'univers de la réalité virtuelle »,détaille Nicolas Schaettel.
Par Olivier Mirguet,
correspondant de La Tribune pour la région Grand Est
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