Comment l'université Technion est devenue l'épicentre de l'innovation israélienne

REPORTAGE. Parmi les universités les plus prestigieuses au monde, le Technion d'Israël, situé dans la ville d'Haïfa au nord du pays, est à l'origine d'innovations majeures dans les domaines de l'informatique ou encore des biotechnologies. Tour d'horizon.
Sylvain Rolland
La nano-Bible développée par le Technion tient sur le bout d'un doigt et fait partie des nombreuses innovations issus de la prestigieuse université technologique.
La nano-Bible développée par le Technion tient sur le bout d'un doigt et fait partie des nombreuses innovations issus de la prestigieuse université technologique. (Crédits : Technion)

On le surnomme le « MIT du Moyen-Orient », en référence à la célèbre université américaine, le Massachussets Institute of Technology, considérée comme la meilleure au monde dans les nouvelles technologies. Perché sur le mont Carmel à Haïfa, au nord du pays, le Technion s'étale sur 120 hectares et des bâtiments à perte de vue. « C'est une véritable ville qui surplombe Haïfa et qui est desservie par un téléphérique et son propre réseau de bus », décrit Yariv Becher, le vice président Innovation Diplomacy du Start-Up Nation Central, une ONG israélienne qui promeut la tech locale.

Créé en 1912, comptant Albert Einstein parmi ses pères fondateurs, le Technion est la plus ancienne institution universitaire du pays. Spécialisé dans les sciences et les nouvelles technologies, ce campus regroupant 18 facultés et 15.000 étudiants, dont 5.000 résidents à l'année, s'est forgé une solide réputation au fil des décennies, au point d'être cité dans les divers classements, dont celui de Shanghaï, parmi la crème de la crème des universités mondiales, aux côtés du MIT ou encore des universités de Cambridge, Stanford, Oxford ou encore Lausanne. Trois prix Nobel de chimie en sont issus, et de nombreux autres illustres scientifiques mondiaux y sont brièvement passés.

Des innovations majeures, notamment dans la santé

Le poids économique du Technion pour Israël est non négligeable : ses 100.000 anciens élèves représentent plus de la moitié des ingénieurs du pays. Ainsi, 51% de l'export industriel israélien est réalisé par des sociétés détenues par des diplômés du Technion, d'après l'institution. Et c'est pour la qualité de sa recherche et l'esprit entrepreneurial propre à l'histoire et à la culture d'Israël, la fameuse « chutzpah » (audace typiquement israélienne) que de nombreuses multinationales, à commencer par IBM, Apple, Samsung, Microsoft, Qualcomm ou encore Google, ne cessent d'y installer des centres de recherche et développement.

On le sait peu, mais de nombreuses innovations majeures ou devenues incontournables ont été inventées au Technion. C'est le cas notamment du pacemaker, mais aussi du « snakebot », ou robot-serpent, développé par le professeur Alon Woft au sein du laboratoire de biorobotique et biomécanique du département de génie mécanique du Technion. « Initialement, le robot-serpent a été conçu pour localiser et sauver les survivants d'une catastrophe naturelle grâce à sa capacité à se mouvoir dans les décombres. Mais le professeur Alon Woft a développé ensuite, via sa startup Medrobotics, une version médicale baptisée FLEX, équipée d'une caméra et de petits instruments chirurgicaux, téléguidable à distance par un chirurgien pour se mouvoir à l'intérieur du corps du patient », explique à La Tribune une représentante du Technion lors d'une visite qui s'est tenue début juin.

De manière générale, le Technion excelle dans les biotech et l'intelligence artificielle. La rasagiline, qui traite la maladie de Parkinson, a été développée au Technion dans les années 1990 avant d'être valorisée par l'entreprise spin-off Teva Neuroscience et distribuée partout dans le monde pour traiter la maladie.

Aujourd'hui, la bio-impression 3D a particulièrement le vent en poupe : au département d'ingénierie du Technion, une équipe de 25 chercheurs travaillent à la vascularisation des tissus bio-imprimés. Avec l'espoir de nombreuses applications, tant dans le domaine de la santé -reconstruction mammaire après l'enlèvement d'une tumeur, réparation des os, bio-impression d'oreilles avec des tissus vivants pour les enfants nés sans oreilles, tests d'antibiotiques sur des tissus bio-imprimés plutôt que sur des animaux...- que de l'alimentation, avec le développement d'un bio-steak composé à partir d'implants de tissus d'animal, ce qui permettrait d'en restituer à la fois l'odeur, le goût et la texture.

Les partenariats public-privés au cœur du succès du Technion

L'Institut technologique est également réputé pour ses inventions dans le domaine de l'informatique, à commencer par le moteur Zend Engine du langage de programmation PHP, l'algorithme Lempel-Ziv-Weilch aujourd'hui utilisé dans le format d'images numériques GIF, ou encore la nano-bible : 1,2 million de lettres de la Bible hébraïque gravées sur une fine couche d'or de 20 nanomètres, censée représenter les capacités extraordinaires de la miniaturisation.

En plus de l'état d'esprit israélien propice à l'innovation et au soutien financier massif de l'Etat, le succès du Technion -et de la recherche et développement israélienne en général- repose aussi sur l'imbrication entre la recherche académique et les entreprises privées. Les transferts de technologie sont au cœur de l'ADN du Technion : il n'est pas rare qu'une innovation développée dans l'un des centres de recherche soit ensuite valorisée à l'extérieur dans une entreprise cofondée par son inventeur.

C'est en partie pourquoi l'investissement en R&D en Israël équivaut à 4% du PIB, soit le ratio le plus important au monde. Au Technion, la recherche, même fondamentale, est parfois sponsorisée par un industriel, qui y trouve ainsi une porte d'entrée vers les talents. Un modèle gagnant, que de nombreux pays tentent de copier, à commencer par la France.

Sylvain Rolland

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Commentaires 3
à écrit le 09/08/2023 à 13:05
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Un vrai modèle à copier. Un petit pays comme Israel compte plus et est plus respecté que la France malgré les territoires occupés. La France a dans ses depenses sociales excessives un trésor pour financer l'investissement: les baisser de 2% du pib e...

le 10/08/2023 à 8:31
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Abracadabra ! Et la pensée magique régnera.

à écrit le 09/08/2023 à 8:37
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D'un côté un pays à la technologie avancée, de l'autre des camps de réfugiés partout autour d'eux.

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