Emplois, PIB, impact sur les Français : ce que pèse vraiment la French Tech

Une étude du cabinet Roland Berger indique que les 120 startups les plus prometteuses du pays, qui composent l'indice French Tech 120, sont "le fer de lance de l'économie" française. Ces entreprises emploient actuellement 163.000 personnes et devraient créer 224.000 nouveaux emplois d'ici à 2025. La Tribune fait le point sur le poids économique et sociétal des startups françaises.
Sylvain Rolland
(Crédits : DR)

N'en déplaise aux détracteurs, la French Tech n'est plus un phénomène de bobo parisien mais bien une lame de fond de l'économie française. Et pour la première fois, on sait vraiment mesurer l'impact de ses 120 entreprises-stars -le fameux French Tech 120, qui abrite en son sein le Next40-, sur l'économie et la société. A l'occasion du salon VivaTech, le cabinet de conseil Roland Berger a présenté une étude de référence, réalisée en collaboration avec la Mission French Tech et d'autres acteurs comme la Banque de France ou encore Bpifrance, qui donne enfin des chiffres clairs sur le poids économique présent et à venir, ainsi que l'impact sociétal, des plus grandes startups françaises.

Le constat est clair : "ces 120 entreprises sont le fer de lance de l'économie", affirme Olivier de Panafieu, senior partner et directeur général du bureau de Paris de Roland Berger.

"Elles doublent leur chiffre d'affaires presque tous les deux ans. Dans les prochaines années, certaines d'entre elles deviendront des acteurs économiques incontournables, avec 5 à 10 entreprises qui se coteront au SBF 120 et au moins une au CAC 40", ajoute-t-il.

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  • Plus d'un Français sur deux utilise des produits et services de la French Tech tous les mois

Si les acronymes "French Tech 120" ou "Next 40" peuvent paraître flous, les entreprises qui se cachent derrière sont de moins en moins confidentielles. L'étude indique que 53% des Français utilisent au moins une de leurs innovations, au moins une fois par mois. "Pour 40% des adultes de moins de trente-cinq ans, les entreprises du French Tech Next40/120 sont même des compagnons du quotidien", relève l'étude, qui note encore des disparités géographiques (grandes villes vs campagne) et de catégorie socio-professionnelle (actifs vs retraités, jeunes vs personnes âgées, urbains vs ruraux) dans l'utilisation des solutions des startups.

L'appli de prise de rendez-vous et de téléconsultations médicales Doctolib, le site de covoiturage BlaBlaCar, l'assurance en ligne Alan, l'appli de paiements faciles Lydia, les plateformes de e-commerce Back Market et ManoMano, l'hébergeur OVHCloud, le média viral Brut, les enceintes de luxe Devialet, la plateforme de livraison de repas Frichti, le champion du streaming musical Deezer, l'appli de télévision sur Internet Molotiv, ou encore le pionnier des tickets resto dématérialisés Swile, entrent de plus en plus dans le quotidien des Français... au point qu'ils en oublient que ce sont des startups.

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  • 163.000 emplois créés en 2020, 224.000 emplois supplémentaires d'ici à 2025

Loin du phénomène de mode, les startups sont aussi un vivier important d'emplois, et donc une arme dans la lutte contre le chômage. En 2020, les 120 pépites du French Tech 120 ont créé à elles seules 163.000 emplois directs et indirects en France, et 233.000 à l'international. Si la part des emplois directs est faible -26.000 contre 136.000 emplois indirects en France-, c'est parce que ces entreprises créent d'importants effets de ruissellement.

"Chaque emploi direct qu'elles créent permet, à son tour, de créer 5,2 emplois indirects qui dépendent de son activité, qu'ils soient fournisseurs, sous-traitants ou prestataires de services. La moyenne de l'ensemble des entreprises industrielles en France s'établit plutôt à 1,4 emplois indirects créés pour chaque emploi direct", explique l'étude.

Autre bonne nouvelle : le salaire médian dans les entreprises du French Tech 120 est 60% plus élevé que la médiane française. 82% des emplois sont en CDI, contre 73% dans les autres secteurs. Globalement, "les emplois du French Tech Next40/120 sont à la fois mieux rémunérés, plus stables et davantage tournés vers la jeunesse", résume l'étude. Seule ombre au tableau : la place des femmes dans les instances de direction -26%- et au poste de dirigeants -9%-. Mais ces chiffres faibles sont plus élevés que ceux des grands groupes français et européens, d'après l'index de la Commission européenne.

D'ici à 2025, Roland Berger estime que ces entreprises vont créer 224.000 nouveaux emplois directs et indirects en France. Ce qui fait de la tech le secteur le plus dynamique de l'économie française en termes de croissance des emplois. En revanche, les inégalités territoriales persistent : 76% des emplois directs dans les startups se concentrent en Ile-de-France.

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  • Un taux de croissance annuel moyen du chiffre d'affaires de 40%

C'est la grande différence entre les startups et des entreprises "classiques" : les premières vivent dans l'hyper-croissance. D'après l'étude, le taux de croissance annuel moyen est de 41%. Mais il peut monter à plus de 100% par an pour les produits et solutions à destination des consommateurs (BtoC) et des professionnels (BtoB). A titre de comparaison, les entreprises du CAC40 ont atteint entre 2015 et 2019 une croissance annuelle moyenne de leur chiffre d'affaires de... 3%.

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  • 6% de la croissance du PIB, et 14% de celle des exportations, en 2025

Logiquement, "la contribution du French Tech Next40/120 à la relance économique et au rayonnement international de la France, à l'horizon 2025, sera déterminante", écrit l'étude. Ses entreprises devraient ainsi représenter 6% de la croissance du PIB de la France. Signe d'une ouverture toujours plus importante à l'international, elles devraient peser 14% de la croissance des exportations françaises de biens et de services entre 2020 et 2025. De leur côté, les nouveaux emplois créés -224.000 d'ici à 2025- "contribueront notamment à la reconstitution du tissu industriel français".

  • 15 "licornes" valorisées au moins 1 milliard de dollars

Aujourd'hui, aucune startup de la French Tech ne peut prétendre entrer dans le SBF120 et le CAC 40, qui regroupent les 120 plus grandes entreprises du pays. Mais ce n'est qu'une question de temps. La France reste en retard sur le nombre de licornes -15 sur 77 en Europe d'après l'étude-, c'est-à-dire les pépites non cotées valorisées au moins un milliard de dollars. Mais l'Hexagone progresse vite : rien qu'en 2021, cinq nouvelles startups sont devenues des licornes : Vestiaire Collective, Alan, Shift Technology, Back Market et Ledger, rejoignant les BlaBlaCar, Doctolib, Mirakl, ContentSquare, Meero, Deezer ou OVHCloud.

Et les perspectives de développement sont radieuses. L'étude estime que 20 à 30 des startups du French Tech 120 pourraient s'introduire en Bourse sur Euronext Paris d'ici à 2025, et que cinq pourraient rejoindre le SBF120 à la même date. Mais surtout :

"Au regard de leur rythme de développement, il est même envisageable qu'une entreprise du French Tech Next40/120 rejoigne le CAC40, d'ici 2030 voire dès 2025".

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  • 4 grands domaines d'activité : produits et solutions / places de marché / technologies de pointe / infrastructures digitales

Plutôt que d'aborder la French Tech sous le prisme des secteurs d'activité que ces startups disruptent -fintech, agritech, mobilités, publicité, e-santé...-, l'étude de Roland Berger prend un parti pris intéressant qui consiste à les classer en groupes selon leur modèle d'activité. Une petite révolution méthodologique, car c'est la première fois qu'on pense la tech en tant que secteur à part entière, avec ses propres caractéristiques et ses propres modèles économiques, indépendamment des secteurs "d'origine" des startups. "Inédite, cette segmentation a permis de distinguer les spécificités propres à chaque groupe et motrices de leur succès, et de tracer des trajectoires de croissance différenciées pour chacun" précise l'étude.

L'étude fait ainsi ressortir quatre modèles d'activité pour l'ensemble des startups de la French Tech. Tout d'abord, les produits et solutions pour les particuliers et les entreprises : ces solutions à la fois matérielles et logicielles se caractérisent par de gros besoins marketing et commerciaux, l'exigence de qualité dans la relation client et une forte innovation d'usage qui garantit un bon niveau de prestation. Plus de la moitié des startups du French Tech 120 (66) tombent dans cette large catégorie.

La deuxième catégorie de startups est celle des places de marché en ligne comme Backmarket, dédié aux produits reconditionnés, ou Vestiaire Collective, spécialisé dans la revente d'articles de luxe de seconde main. L'enjeu principal de croissances pour ces entreprises est de fédérer des communautés larges d'utilisateurs et de professionnels autour d'elles, avec une offre diversifiée. 24 startups du French Tech 120 sont des places de marché en ligne.

La troisième catégorie est celle des startups orientées sur la R&D et le développement de technologies de pointe, ce qui comprend les biotech et toutes les deeptech. Leur point commun ? Des innovations à très forte valeur ajoutée technologique, souvent issues de la recherche fondamentale, qui se caractérisent par un processus d'industrialisation internalisé, le dépôt de brevets et un temps de développement long avant la mise sur le marché de leurs produits. A nouveau, 24 startups du French Tech 120 en font partie.

Enfin, la dernière catégorie est celle des opérateurs d'infrastructures digitales, comme les réseaux et serveurs ainsi que les opérateurs de flottes. Ces startups fonctionnent via une facturation à l'usage et nécessitent des investissements élevés en amont. 6 entreprises du French Tech 120 tombent dans cette catégorie.

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Sylvain Rolland

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Commentaires 2
à écrit le 20/06/2021 à 1:15
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"prometteuses" Tout est dit ! Les promesses n'engagent ....

à écrit le 18/06/2021 à 14:08
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Cela donne toujours pour "environnement" que l'emploi doit être créer! Non, l'emploi n'est que la résultante d'une demande que "le marché de l'offre" limite par sa demande! "L'offre" n'a qu'une origine... celle d'intérêt particulier!

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