Santé : la startup dijonnaise Cohésives invente un adhésif résistant sur des tissus biologiques

Comment étanchéifier une suture pulmonaire par agrafage ? Pour l’instant, les chirurgiens n’ont pas d’autres solutions que de laisser le poumon cicatriser en plusieurs jours et maintenir le patient avec un drain thoracique en réanimation. C’est un exemple d’application à laquelle la startup Cohésives, située à Dijon, apporte une solution technologique, en rupture avec les dispositifs existants. Il s’agit du premier adhésif capable de coller sur des tissus biologiques humides.
Application du produit Cohésives sur une peau artificielle qui simule une brûlure thermique chez l'homme.
Application du produit Cohésives sur une peau artificielle qui simule une brûlure thermique chez l'homme. (Crédits : Amandine Ibled)

Le marché des sutures chirurgicales représente 27 millions d'interventions par an, pour un chiffre d'affaires de 7 milliards d'euros, selon une étude réalisée par Medmarket Diligence. Selon elle, il est détenu à 80% par des sociétés basées aux Etats-Unis, telles B. Braun Melsungen AG, Teleflex Incorporated, Johnson & Johnson, Medtronic PLC, Smith & Nephew PLC. Au global, le marché des produits d'étanchéité - ou colles chirurgicales - représente, lui, 2 milliards d'euros, et là encore, il est exclusivement capté par des firmes américaines. Dans ce contexte de domination économique, la plateforme technologique Cohésives, développée à Dijon, veut répondre à l'appel du retour de la souveraineté de la France dans la fabrication de dispositifs médicaux innovants.

Aussi, les fondateurs de Cohésives ont obtenu un financement d'environ 500.000 euros au travers du plan de relance France 2030 et du concours i-Nov. Mais également un financement de l'Agence Innovation Défense (AID) dans le cadre du dispositif RAPID, qui s'est engagée dans le projet à hauteur de 480.715 euros. « L'armée française s'intéresse à notre technologie pour soigner les plaies traumatiques des soldats sur le champ de bataille ainsi que les brûlures », précise Julien Steinbrunn, directeur R&D et CTO chez Cohésives.

Application du produit Cohésives sur une peau artificielle

Une technologie inspirée des dentistes

Protégée par 20 brevets, la technologie a été développée par le docteur Bertrand Perrin, président et fondateur de Cohésives. Chirurgien cardiaque de formation, ce dernier a mené sa thèse sur cette problématique d'adhésion des colles chirurgicales aux tissus biologiques lors d'opérations. « En chirurgie cardiaque, on utilise ce qu'on appelle « des colles chirurgicales ». Dans les colles chirurgicales (ndlr : qui coûtent 1.000 euros par intervention), il y a des hémostatiques, mais il y a surtout des « sealant » en anglais, dont le but est de rendre étanche les sutures vasculaires », explique le docteur Bertrand Perrin.

Toutefois, ces dispositifs médicaux ne fonctionnent pas parfaitement. « Ce sont des colles industrielles qui ont été adaptés pour être biocompatibles mais qui sont peu performantes », précise-t-il. Depuis une dizaine d'années, le docteur Bertrand Perrin s'est penché sur ce sujet, en consultant des chimistes et en s'inspirant des méthodes dans le dentaire. « L'idée est d'appliquer un liquide qui pénètre dans l'extrême surface du tissu et qui dépasse les premières couches de la peau, qui ne sont pas cohésives, et ensuite de les transformer en un polymère grâce aux rayons UV d'une lampe », explique le docteur Bertrand Perrin. « On obtient ainsi une surface solide ancrée dans l'extrême surface du tissu », poursuit-il.

Test UV

Du pansement en pharmacie à la suture chirurgicale interne ou cutanée

Plusieurs dispositifs médicaux sont développés à partir de cette technologie innovante. La plus avancée est un produit qui a vocation à être vendu sans prescription médicale, en pharmacie. « C'est un petit pansement destiné plus spécifiquement à l'indication « crevasse » qui va permettre de fermer les plaies, de soulager la douleur et de favoriser la cicatrisation », précise Louis Blohorn, directeur général de Cohésives.

Pour ce dispositif médical en phase de développement, l'entreprise va déposer des dossiers réglementaires nécessaires à l'obtention des autorisations de mises sur le marché à la fois européen avec le marquage CE et américain, auprès de la FDA. « Nous contactons les laboratoires qui pourraient être intéressés pour devenir nos partenaires commerciaux et apposer leurs marques sur ce produit », poursuit Louis Blohorn.

Ensuite, la plateforme technologique développe deux autres produits. Le premier destiné à la suture cutanée qui a fait l'objet d'un financement de la BPI. Le second, qui intéresse particulièrement l'Agence Innovation Défense, répond au traitement des plaies. « Nous nous adressons à des plaies plutôt complexes, type ulcères de jambes, kyste sacro-coccygien, plaies du pied diabétique », explique le DG. Toutes ces applications requièrent des développements dans des univers différents.

C'est pourquoi l'équipe dirigeante a choisi le modèle de la plateforme technologique afin de pouvoir continuer à développer plusieurs applications grâce à sa technologie. « Développer un produit est extrêmement long et coûteux. Nous souhaitons plutôt créer des partenariats commerciaux avec des grands groupes qui sauront vendre nos produits dans le monde entier », précise Louis Blohorn. D'ici un an, la medtech réalisera une nouvelle levée de fonds d'environ 5 millions d'euros.

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