Après avoir obtenu de l'UE la suspension de la taxe numérique, Washington suggère de revoir le pacte de stabilité

Face à l'ampleur des dépenses liées au Covid-19, l'Union européenne comptait sur son projet de taxe numérique, dite "taxe GAFA" pour amortir le choc des déficits. Mais l'accord récent obtenu lors du G20 sur la taxe mondiale de 15% sur les bénéfices des multinationales vient, aux yeux de l'administration Biden, rebattre les cartes. La Maison Blanche préfère en effet que l'UE creuse davantage ses déficits plutôt que de voir surgir de nouvelles barrières fiscales pour ses entreprises.
Janet Yellen, secrétaire au Trésor aux États-Unis.
Janet Yellen, secrétaire au Trésor aux États-Unis. (Crédits : Christopher Aluka Berry)

L'appel du pied avait été clair, dimanche soir, lorsque Janet Yellen, la secrétaire au Trésor appelait l'Union européenne à reconsidérer son projet de taxe numérique. Moins de 24 heures plus tard, l'Europe y consent, annonçant le gel de son projet de taxe numérique pendant les négociations. La France avait d'ailleurs été la première à reculer sur un projet d'impôt numérique, pour éviter les représailles américaines en taxant davantage ses exportations de vins et fromage. Déjà sous l'administration de Donald Trump, cette taxe numérique, prévue pour remettre des frontières nationales sur les bénéfices déclarés à l'étranger par les Google, Facebook et consorts, avait été jugée discriminante. Avec Joe Biden qui poursuit le protectionnisme de son prédécesseur, cette taxe GAFA est aussi jugée "discriminatoire à l'égard des entreprises américaines".

"Nous avons décidé de mettre en attente notre travail sur notre nouvelle taxe numérique en tant que nouvelle ressource de l'UE", a dit Daniel Ferrie, porte-parole de la Commission européenne, lors d'une conférence de presse à Bruxelles.

"La réussite de ce processus nécessitera une dernière impulsion de la part de toutes les parties, et la Commission s'est engagée à se concentrer sur cet effort. C'est pourquoi nous avons décidé de mettre en pause notre travail sur une proposition de taxe numérique", a-t-il précisé.

De son côté, Janet Yellen avait mis en avant l'accord sur la taxation des multinationales conclu le 1er juillet sous l'égide de l'OCDE et approuvé samedi par le G20. De quoi "invite(r) les pays à accepter de démanteler les taxes numériques existantes que les États-Unis considèrent comme discriminatoires et à s'abstenir d'instaurer des mesures similaires à l'avenir", a-t-elle déclaré lundi à Bruxelles lors d'une rencontre avec les ministres des Finances européens (Eurogroupe).

La nouvelle taxe mondiale va permettre de remplir les caisses des Etats exsangues, suite aux dépenses massives pendant et après le Covid-19. Avec un taux minimum de 15%, la nouvelle taxe mondiale rapporterait ainsi 5 milliards d'euros par an à la France, selon une estimation du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO). Soit un complément mineur, comparé aux 100 milliards prévus - pour l'instant - pour la relance, en plus des 20 milliards dans le budget rectificatif de 2021.

Aussi, comme pour la France, cette taxe numérique devait venir aider les Etats à se refinancer, tandis que l'UE a du débloquer 750 milliards d'euros d'aides.

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Irlande, Hongrie et Estonie à convaincre

Mais ce projet européen pourrait "faire dérailler complètement" les négociations internationales en cours sur la réforme fiscale, a prévenu Washington.

Reste qu'outre les 132 pays qui ont accepté le principe de la taxe mondiale à 15%, trois pays de l'UE, dont l'Irlande - qui abrite le siège européen de nombreuses entreprises américaines grâce à ses faibles taux d'imposition -, n'ont pas adhéré à l'accord de l'OCDE. Les deux autres pays européens sont la Hongrie et l'Estonie.

"Dans certains cas, il y a des problèmes techniques très spécifiques qu'il est possible de traiter, et là où c'est possible je sais que nous allons tous œuvrer en ce sens dans les prochains mois pour faire monter ces pays à bord", a promis Mme Yellen.

Les Etats-Unis recommandent de modifier le pacte de stabilité

Janet Yellen va même plus loin lundi. Elle a demandé à l'UE d'envisager "des mesures budgétaires supplémentaires", notamment un assouplissement de ses règles de déficit qui permette plus d'investissements, pour consolider la reprise économique mondiale après la pandémie.

Pour l'heure, alors que les règles ont été exceptionnellement suspendues jusqu'en 2023, les Etats membres rendent des comptes au Pacte de stabilité et de croissance (PSC). Il est censé limiter les déficits excessifs des Etats (3% du PIB par an) et de la dette publique (60% du PIB).

"Il est important que les États membres envisagent sérieusement des mesures budgétaires supplémentaires pour assurer une reprise robuste au niveau national et mondial", a déclaré Mme Yellen à l'Eurogroupe.

Une position d'ailleurs également soutenue par Christine Lagarde à la tête de la BCE.

Elle a notamment évoqué "la création d'un cadre budgétaire européen suffisamment souple pour permettre aux pays de réagir avec force aux crises et d'investir dans des infrastructures durables, dans la recherche, le développement et la technologie", dans une allocution transmise aux médias par un communiqué.

"Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que l'incertitude reste élevée. Dans ce contexte, il est important que l'orientation budgétaire reste favorable jusqu'en 2022", a-t-elle souhaité.

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Commentaires 5
à écrit le 13/07/2021 à 8:41
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Une entité UE supranationale à la botte des financiers et des pouvoirs nationaux cosa nostra, il est bien évident que c'est tellement facile pour une puissance souveraine totale que sont les États Unis de nous ridiculiser régulièrement de la sorte......

à écrit le 13/07/2021 à 2:25
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L'Europe à tout bien fait ,surtout les fromages qui puent .Washington est content avec la TVA mis sur les produits chinois ,leurs GAFA sont tranquille .

à écrit le 12/07/2021 à 18:23
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Ok pour la demande américaine, mais on passe le taux de 15 à 25%. 15%, c'est tout juste une aumône.

à écrit le 12/07/2021 à 17:36
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Va y avoir du grain de qualité pour mon ami Zemmour ce soir !!! Je ne vais pas rater ça :-))

le 12/07/2021 à 18:26
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@ Frank. Zemmour est un nostalgique de l'Algérie, de l'OAS. Zemmour est un homme du passé.

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