Elon Musk vs Twitter : pourquoi la date du procès à venir est le nerf de la guerre

D'un côté, Elon Musk ne veut plus acheter Twitter. De l'autre Twitter veut forcer Elon Musk à débourser les 44 milliards de dollars promis. La situation inédite dans l'histoire devra donc être tranchée par la Cour de chancellerie du Delaware. Problème : si Twitter compte régler le problème au plus vite et demande à ce que le procès se tienne en septembre, Elon Musk exige de son côté à ce qu'il n'ait pas lieu avant février 2023. Sur ce point aussi la justice devra trancher. En jeu : l'équilibre des forces entre les deux partis dans la bataille à venir.
François Manens
Elon Musk a déclenché les hostilités le 9 juillet en annonçant qu'il refusait de faire aboutir son rachat du réseau social pour 44 milliards de dollars.
Elon Musk a déclenché les hostilités le 9 juillet en annonçant qu'il refusait de faire aboutir son rachat du réseau social pour 44 milliards de dollars. (Crédits : BRENDAN MCDERMID)

La guerre juridique tant redoutée entre Twitter et Elon Musk démarre sur les chapeaux de roue. L'homme d'affaires a déclenché les hostilités le 9 juillet en annonçant qu'il refusait de faire aboutir son rachat du réseau social pour 44 milliards de dollars, pour lequel il s'était engagé 3 mois plus tôt. Twitter a immédiatement répliqué en déclarant qu'il irait en justice pour forcer Elon Musk à respecter son engagement.

Désormais, les deux camps se rendent coup pour coup, avec au centre des débats la date du procès, qui pourrait grandement influencer la santé économique de Twitter et les rapports de force entre les deux protagonistes. Le réseau social insiste pour que le procès se tienne dès septembre, tandis que le camp Musk tente de repousser l'échéance à février 2023. La Cour de chancellerie du Delaware, en charge de l'affaire, pourrait trancher dès cette semaine.

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Un procès en septembre pour sauver Twitter ?

Dans un document officiel déposé le 18 juillet, Twitter a de nouveau insisté auprès de la cour de justice du Delaware pour que le procès soit tenu mi-septembre, un souhait déjà prononcé 4 jours plus tôt qu'il qualifie "d'impératif". Comme le rapporte le Wall Street Journal, l'entreprise explique dans sa demande que chaque jour supplémentaire de dispute publique lui cause des dommages économiques et réputationnels. En ce sens, elle accuse Elon Musk de refuser un procès rapide pour causer tort à l'activité de l'entreprise, et gagner en pouvoir de négociation. Elle rappelle aussi que le milliardaire utilise son compte Twitter pour dénigrer publiquement l'entreprise, comme lorsqu'il a répondu un "émoji caca" à des messages du CEO Parag Agrawal ou lorsqu'il met en doute la viabilité économique de son modèle. L'entreprise va même jusqu'à dénoncer un "délai tactique" destiné à l'affaiblir.

"Aucune entreprise publique de cette taille et échelle n'a jamais eu à supporter ce genre ce niveau d'incertitude", insiste Twitter auprès de la justice.

Pour justifier sa demande de procédure accélérée, Twitter met en avant les risques liés au climat économique dégradé pour la tech ainsi que les difficultés liées au quasi-gel de ses projets engendré par la procédure de rachat. Son action a chuté de 23% par rapport à la première participation de Musk en avril, mais elle n'a perdu que 9,93% sur l'année, une baisse certes impressionnante mais relativement faible dans le contexte actuel. A titre de comparaison, Meta (Facebook, Instagram...) a perdu 50% de sa valeur sur l'année. Reste qu'à chaque nouvelle dispute avec Elon Musk, le cours replonge.

Dernier argument avancé par Twitter, et non pas des moindres : la Cour de la chancellerie du Delaware a précédemment jugé des dossiers similaires sous 60 à 75 jours, soit le délai qu'elle demande.

Débat insoluble sur le nombre de "bots"

Les avocats d'Elon Musk ont quant à eux demandé à ce que le procès soit fixé le 13 février 2023 soit plus de 4 mois après la date souhaitée par Twitter. La raison ? Ils souhaiteraient prendre plus de temps pour affiner leur estimation du nombre de "bots" [comptes sans humain derrière, ndlr], au centre de la rétractation du milliardaire. Twitter estime régulièrement depuis 2019 dans ses déclarations à la SEC (le régulateur des marché) avoir moins de 5% de faux comptes sur sa plateforme. Elon Musk affirme de son côté que ce nombre s'élèverait à près de 20%. Il argue ainsi que le réseau social surestime son nombre d'utilisateurs monétisables, et donc la valeur de l'entreprise. Selon son raisonnement, il serait lésé par rapport au prix du rachat, ce qui justifierait son retrait de l'opération.

Toujours d'après le camp Musk, l'estimation de ce nombre serait "extrêmement demandeuse en indicateurs et en expertise", ce qui nécessiterait "un temps substantiel" et donc un procès dans plus de 6 mois. Pourtant, le milliardaire a bien eu du temps pour présenter ses propres chiffres. Début juin, l'entreprise a accepté de lui ouvrir l'accès à sa base de données qui regroupe tous les tweets en temps réel, afin qu'il puisse effectuer ses propres tests.

Le problème, c'est que même cet accès ne permet pas au camp Musk de reproduire le calcul de Twitter. En effet, l'estimation officielle s'appuie sur des métadonnées liées aux tweets, qui entrent dans la catégorie des données personnelles et Twitter ne peut donc pas les partager... Cette impasse légale permet au milliardaire de jouer la montre à la recherche d'une méthode de calcul satisfaisante qui lui permettrait de vérifier son estimation faite au doigt mouillé. En attendant, il peut maintenir que le réseau social ment -une accusation grave, passible de peine de prison si elle était avérée- sans que ce dernier puisse prouver le contraire.

En réaction à cette demande de 6 mois de délai pour le procès, Twitter a qualifié l'argument des bots d'"attraction contractuellement hors sujet", et les nombreux experts en fusions et acquisitions interrogés par La Tribune vont dans ce sens. Le contrat comporte certes une clause MAC (material adverse change), classique dans ce genre d'opération. Si elle permet à chacun des deux partis d'annuler le contrat, elle ne peut en revanche être activée qu'en cas de changement économique drastiquement majeur entre l'accord et la signature définitive du contrat. Autrement dit, même si le camp Musk parvenait à prouver en chiffres sa position sur les bots, le tort causé pourrait ne pas suffire à déclencher la clause. D'où son intérêt à faire traîner l'affaire : plus la situation économique de Twitter se dégrade, plus le pouvoir de négociation d'Elon Musk pour une rupture à l'amiable augmente.

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