Bitcoin, Nasdaq, actions mèmes, SPAC… : les mini bulles de 2021 se dégonflent

L’année 2021 a été atypique, avec l’apparition de mouvements de marché parfois irrationnels, alimentés par des liquidités abondantes. La saga GameStop, qui fête son premier anniversaire, l’envolée des cours des cryptomonnaies, les valorisations démentes de certaines Tech ou bien la folie des SPAC, ont tous un point commun : attirer des investisseurs avec une forte appétence au risque en quête de rendement rapide. La banque centrale américaine semble avoir sifflé la fin de la récréation. Explications.
L'introduction en Bourse de Robinhood en juillet 2021 devait marquer l'intronisation de la finance 2.0 à Wall Street.
L'introduction en Bourse de Robinhood en juillet 2021 devait marquer l'intronisation de la finance 2.0 à Wall Street. (Crédits : Reuters)

Après la fête, la gueule de bois. Les valeurs fétiches de 2021 sont massacrées en ce début d'année sur les marchés. Comme si la banque centrale américaine (Fed), en confirmant son resserrement monétaire, avait sifflé la fin de partie. Le plus spectaculaire est bien sûr la chute du bitcoin, entraînant dans son sillage, l'ensemble des 12.000 cryptomonnaies du marché recensées par CoinGecko. Les plus anciens se souviennent de la chute de la cryptomonnaie star en 2018 : un cours divisé par cinq en quelques semaines, avant d'entamer une lente remontée pour franchir enfin le seuil des 20.000 dollars à la fin 2020.

Aujourd'hui, le monde financier a évolué et il est désormais convaincu de l'intérêt des cryptomonnaies (et de ses protocoles sous-jacents). Surtout, le bitcoin a atteint un pic à près de 69.000 dollars l'unité en novembre 2021, suscitant autant de défiance que d'attirance, y compris parmi les fonds d'investissement institutionnels. Il a cependant lourdement chuté de 50 % depuis ce record et de 26 % depuis le début de l'année.

Pour Vincent Boy, stratégiste chez le courtier IG France, « cette chute s'explique par la baisse des valeurs actions et surtout des valeurs technologiques du Nasdaq ». Ce qui relativise l'assertion, souvent répétée l'an dernier, selon laquelle le bitcoin et consorts est un actif refuge, notamment contre l'inflation, décorrélé des marchés. Être indépendant des marchés (et des puissances de l'argent en général) était, il est vrai, la profession de foi des mystérieux créateurs du bitcoin en 2009. Au passage, l'or retrouve son attrait auprès des investisseurs soucieux de se protéger des turbulences.

Un marché financier comme les autres

De fait, l'entrée dans le jeu des fonds, via des produits dérivés, ce que l'on appelle parfois l'institutionnalisation des cryptoactifs, a paradoxalement amplifié la volatilité de ce nouveau marché, surtout par rapport aux temps héroïques où ces actifs étaient dans les mains de quelques milliers de geeks malins. « Les cryptos deviennent un marché financier à part entière », note Vincent Boy. Avec ses hauts et ses bas.

Cette corrélation entre le bitcoin et les actions, notamment les plus risquées, pourrait s'expliquer. De fait, ce sont souvent les mêmes investisseurs qui investissent à la fois sur des cryptos ou des valeurs de croissance et/ou spéculatives. Dès lors, quand ils gagnent de l'argent sur un pied, ils investissent dans l'autre... et inversement quand les investisseurs tentent de compenser leurs pertes en vendant des actions.

Pour autant, faut-il jeter le bébé avec l'eau du bain ? « Pour l'heure, l'utilité du bitcoin n'est pas encore clairement affirmée, sinon de peser avec son jeton sur le fonctionnement de la blockchain. Seule la spéculation ou l'appétit pour le risque lui donne actuellement de la valeur. Mais les blockchains, les NFT seront demain de plus en plus utilisés par les entreprises et les acteurs ne sont pas prêts à se désintéresser de ces cryptoactifs comme il y a cinq ans. Au contraire, les investisseurs attendent un point bas pour revenir. Mais il faudra cependant s'interroger si le seuil des 20.000 dollars est franchi à la baisse », estime Vincent Boy.

Un sévère coup de frein donné par les autorités monétaires et financières pourrait donner un coup de grâce. Plusieurs pays, et non des moindres comme la Chine, ont interdit le minage sur leur sol, voire même les transactions. Et la question énergétique, c'est-à-dire la surconsommation d'électricité de cette finance décentralisée, commence à prendre de l'ampleur.

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La chute du Nasdaq

La nervosité saisit également les afficionados de la valeur de croissance, particulièrement aux Etats-Unis où les valorisations de certaines valeurs pouvaient rappeler la bulle Internet des années 2000. L'indice Nasdaq perd ainsi près de 13,5% depuis le début de l'année. Mais le recul de l'indice masque des sanctions bien plus sévères.

Comme en trompe-l'œil, près des trois quarts de la performance du Nasdaq l'an dernier repose en réalité sur une poignée de GAFA. Beaucoup de valeurs « surachetées » ont commencé leur dégringolade à l'automne. Ainsi, en trois mois, l'ancienne star Peloton (le champion du vélo en appartement), - la valeur Covid par excellence -, a cédé plus de 70% en trois mois.

Les vendeurs à découvert, pourtant durement étrillés en 2021, reviennent en force sur le Nasdaq et gare aux valeurs Tech qui n'ont pas su prouver leur capacité à générer du cash-flow. La chasse est clairement ouverte et même des valeurs aussi emblématiques que Tesla (-13% depuis janvier) ou Netflix (-39%) n'échappent plus à la spirale de baisse.

L'étoile du Nasdaq, Cathie Wood, incontournable sur les réseaux sociaux et patronne du fonds Ark, spécialisé sur les valeurs disruptives, commence à sérieusement pâlir. Son principal fonds, Ark Innovation ETF, a perdu plus de 40% sur les trois derniers mois. Outre Tesla (8% du portefeuille), les principales lignes du portefeuille plongent depuis trois mois : Zoom Video (-47%), Teladoc (-49%) ou Roku (-55%), toutes des valeurs montantes l'an dernier du Nasdaq.

Autre position importante, Coinbase, première plateforme américaine d'échange de cryptos, dont l'introduction en Bourse été dernier devait sacrer la finance 3.0, a également fondu de 40% sur la période.

L'esprit envolé de GameStop

On n'entend également plus beaucoup parler de ces meme stocks (actions mèmes, les mèmes étant des caricatures virales,Ndlr), ces valeurs décotées qui ont défrayé la chronique de Wall Street il y a tout juste un an, et qui devaient être aussi le symbole d'un nouveau monde où les petits actionnaires feraient enfin entendre leurs voix grâce aux forums de Reddit face aux géants de la finance.

Un an plus tard, le tableau de chasse est maigre. La valeur emblématique des « rebelles » de Wall Street, GameStop, le désormais fameux distributeur de jeux vidéo en magasin, accélère sa chute en Bourse : près d'un tiers depuis le début de l'année, à 97 dollars... après avoir fait preuve d'une remarquable résilience en 2021, sachant que l'action valait 5 dollars en janvier 2020 (et 347 dollars au plus fort de la spéculation fin janvier 2021).

D'autres actions décotées, portées aux nues dans le sillage de GameStop, sont moins résistantes : depuis janvier, AMC Entertainment glisse de 42% ou Koss Corp de près de 30%. Comme si le marché souhaitait donner (enfin) un sens à la valorisation souvent irrationnelle de ces valeurs.

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Le porte-étendard de cette saga GameStop, la plateforme de trading Robinhood, qui a bouleversé le monde du courtage en ligne en proposant des services gratuits, n'a pas échappé à cette correction du temps : elle perd 26% depuis le début de l'année et 67% depuis trois mois. Et ce malgré son virage sur l'aile vers les cryptos.

Robinhood est sans doute l'introduction en Bourse de 2021 la plus décevante de Wall Street : introduite au prix de 38 dollars l'action, soit une valorisation de 32 milliards de dollars, le cours de l'action vaut aujourd'hui 13 dollars, soit 11 milliards de capitalisation. Deux tiers de sa valeur envolés en six mois.

Les SPAC en question

Autre phénomène de la Bourse 2021, les SPAC n'échappent pas à la déroute. Ces véhicules cotés, dont la seule mission est de réaliser une acquisition dans 18 ou 24 mois, ont connu une explosion fin 2020 et début 2021, à la fois en nombre d'émission (près des deux tiers des introductions en Bourse aux Etats-Unis) et en montants levés (114 milliards de dollars au 30 septembre, selon Dealogic). Sur le seul premier trimestre 2021, près de 300 SPAC ont levés des fonds à Wall Street, contre 132 opérations au dernier trimestre 2020 !

Ces « chèques en blanc » ont été aux confins de l'absurde, ce qui a contraint à faire réagir le puissant patron de la SEC, Gary Gensler pour mettre en garde les épargnants tentés par l'aventure et les sponsors des SPAC sur leur devoir de transparence.

Désormais, tout le monde a les yeux rivés sur le SPAC DWAC qui doit absorber prochainement Trump Media & Technology Group qui doit créer un réseau social ultra-conservateur au service de Donald Trump. Introduite à dix dollars, l'action vaut 70 dollars, après un pic à 175 dollars à l'automne dernier. Ce qui représentent néanmoins une capitalisation de 2,5 milliards de dollars, sans compter l'engagement des investisseurs de remettre au pot un milliard de dollars quand l'acquisition sera faite. Soit 3,5 milliards de dollars pour une société qui existe à peine sur un projet politique !

Normalisation

Mais la plupart des SPAC lancés en 2020 et 2021 vont devoir réaliser leurs projets : 120 projets d'acquisition étaient dans les tuyaux à la fin septembre et le principe de réalité va s'imposer aux investisseurs. Selon le Wall Street Journal, la moitié des entreprises qui ont finalement été rachetées ces deux dernières années par un SPAC ont vu leur cours chuter de 40% ou plus par rapport au cours de référence de dix dollars.

Du coup, un nombre croissant de cibles renoncent à se faire racheter, comme la fintech Arcorns qui a annulé la semaine dernière une opération à 2,2 milliards de dollars. En France, le SPAC 2MX Organic a bien du mal à trouver sa cible et a essuyé de nombreux refus.

La vague des SPAC s'est singulièrement calmé depuis le deuxième trimestre mais elle pourrait se heurter de plein fouet à des conditions de marché plus difficiles. Déjà, en 2022, les annonces de lancement de SPAC se font de plus en plus rares.

De nombreux stratégistes de grandes sociétés de gestion tablent sur une année 2022 de « normalisation » : normalisation de la croissance, des politiques monétaires et donc des taux, de l'inflation et des valorisations du secteur technologique.

Cette normalisation semble s'attaquer en priorité à ces « phénomènes de marché » de 2020 et 2021 avec l'éclatement de « mini bulles », les unes et les après les autres, avec une vitesse qui peut surprendre. Finalement, chacun redécouvre ce principe intangible des marchés, celui d'un « retour sur la moyenne ». Les néoinvestisseurs, qui n'ont connu que des phases haussières, l'apprennent à leurs dépens.

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Commentaires 2
à écrit le 26/01/2022 à 16:49
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he ben vu comme les banques centrales ont gonfle la baudruche avec leur argent ' paye par personne quoi qu'il en coute', faut esperer que ca degonfle et pas que ca explose; et certains vont se faire rincer....cela dit, le calme ne reste jamais tres l...

à écrit le 26/01/2022 à 10:00
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L'énorme bulle immobilière elle, dévastatrice pour les humains que nous sommes et non tout ces jouets que l'on propose à ceux qui possèdent et détruisent le monde en ronflant, continue de gonfler et de tout détruire sur son passage. Système pourri so...

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