Le partage des mots de passe sur Netflix, c'est fini !

100 millions de foyers dans le monde, dont 5 millions en France, profitaient gratuitement du compte de membres de leur famille ou d'amis, une pratique que Netflix connaissait et tolérait jusqu'à présent. Mais le numéro un mondial de la SVoD cherche à diversifier ses revenus et à renforcer son nombre d'abonnés payants. Les abonnés qui partagent leur compte devront payer 5,99 euros par mois en plus pour continuer à le faire.
Sylvain Rolland
(Crédits : DENIS BALIBOUSE)

« Aimer, c'est partager un mot de passe », proclamait Netflix sur Twitter en 2017. Le message a mal vieilli : le numéro un mondial de la SVoD (vidéo à la demande sur abonnement) avec 232,5 millions d'abonnés au premier trimestre 2023, a annoncé mardi soir que les utilisateurs américains, français et d'une centaine d'autres pays dans le monde, devraient payer un supplément de 5,99 euros par mois (7,99 dollars aux Etats-Unis) pour partager leur code d'accès avec des personnes extérieures au foyer.

Une douche froide pour les quelque 100 millions de foyers dans le monde - dont environ 5 millions en France - qui profiteraient des codes d'accès de membres de leur famille ou d'amis pour regarder Netflix gratuitement.

La mesure prend effet dès le 24 mai. Netflix a informé que les abonnés qui partagent leurs codes d'accès recevront dans les prochains jours un courriel leur expliquant la démarche à effectuer pour supprimer les comptes intrus, les transférer vers un nouveau compte, ou les conserver moyennant le paiement d'un surplus mensuel. Le repérage des comptes intrus se fera via la reconnaissance des appareils associés au compte et de l'adresse IP, mais l'entreprise rappelle aussi que les abonnés continuent de pouvoir regarder leurs programmes lorsqu'ils sont en déplacement.

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Retrouver la croissance et diversifier ses revenus

Pourquoi ce revirement ? Jusqu'en 2021, Netflix s'accommodait très bien du partage des comptes. Et pour cause : cette pratique était perçue comme positive en terme de « soft power ». Elle permettait à Netflix d'étendre sa notoriété et celle de ses programmes, et de démocratiser la SVoD auprès d'un public à conquérir sur un usage nouveau, qui ne s'est vraiment généralisé que post-Covid. L'entreprise espérait in fine convertir une partie de ces passagers clandestins à une offre payante en misant sur leur envie de ne plus dépendre de tiers, mais n'en faisait pas un objectif prioritaire. Netflix considérait alors que la pratique servait ses intérêts malgré l'évident manque à gagner.

Tout a changé en 2022, lorsque Netflix a subi, au premier et au deuxième trimestre, la première perte sèche d'abonnés de son histoire. Cette crise de croissance, dans un contexte d'inflation qui a favorisé les résiliations et d'une concurrence devenue acharnée avec l'explosion des Disney+, HBO Max ou encore Peacock aux Etats-Unis, a poussé Netflix a chercher de nouveaux relais de croissance. D'autant plus que la plateforme avait déjà atteint en 2021 ce qu'elle considérait comme un plafond d'abonnés aux Etats-Unis. La contre-performance du premier semestre 2022 a inquiété les marchés sur la pérennité du modèle économique du streaming vidéo : le cours de Bourse de Netflix s'est effondré de plus de 60% en six mois à la fin juin 2022, avant de se reprendre en fin d'année.

Paniqué, Netflix s'est mis en quête de retrouver à tout prix la croissance du nombre d'abonnés et de diversifier ses revenus. Le géant a mis en place deux chantiers. Le premier a été de tester en 2022 dans plusieurs pays - Amérique latine, Canada - la suppression du partage des comptes. Sur les 100 millions de foyers qui profitaient de Netflix gratuitement, le streamer espère en convertir en abonnés payants plusieurs dizaines de millions à terme.

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La deuxième initiative, prise en novembre dernier, est le lancement d'une offre moins chère avec publicités (à 5,99 euros par mois en France), pour enfin donner une alternative aux consommateurs pour lesquels l'offre Essentiel sans pub (8,99 euros par mois en France), est trop chère dans un contexte de concurrence accrue, d'inflation et de crise énergétique. Près de 5 millions d'utilisateurs ont déjà basculé vers un abonnement avec pubs.

« Ce n'est pas une coïncidence que Netflix mène de front les deux approches », a commenté Ross Benes, d'Insider Intelligence. « Les personnes qui se servent des comptes des autres, tout comme celles qui choisissent la formule avec de la publicité, cherchent à faire des économies. Pour les profiteurs qui vont perdre leur accès, le nouvel abonnement sera donc une option attractive », a détaillé l'analyste, qui y voit une initiative « gagnant-gagnant » pour Netflix comme pour les annonceurs.

Risque d'un détournement vers la concurrence

« Plus de 100 millions de foyers partagent leur compte, ce qui affecte notre capacité à investir dans de grands films et séries télévisées », avait souligné Netflix en février dans un communiqué.

La stratégie de restriction du partage de mots de passe avait pris du retard, mais les tests et déploiements en Amérique latine, et plus récemment au Canada, ont été concluants, d'après Greg Peters, le co-directeur général de la société.

« Au début, il y a des annulations. Et puis les personnes qui se servaient d'identifiants empruntés créent leurs propres comptes et ajoutent des profils, et nous regagnons du terrain en termes d'abonnements et de revenus », avait-il assuré lors d'une conférence aux analystes en avril.

Le pari comporte des risques. « Si les profiteurs réalisent qu'ils peuvent vivre sans Netflix et se raccrochent aux comptes Prime Video (Amazon), Disney+ ou Max (HBO) de leurs amis et familles au lieu de souscrire à leur propre abonnement », a souligné Ross Benes.

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En mars, Insider Intelligence a prédit qu'en 2024 les adultes américains utilisateurs de TikTok passeront plus de 58 minutes par jour en moyenne sur cette application, juste derrière Netflix (62 minutes), et loin devant YouTube (48,7 minutes). Pour conserver sa place de choix sur les écrans, Netflix compte sur ses séries à succès, notamment celles qui deviennent des phénomènes culturels à l'image des séries The Crown, Emily in Paris, Stranger Things ou encore Wednesday.

Sylvain Rolland

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Commentaires 7
à écrit le 25/05/2023 à 6:50
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Et sinon ils vont peut-être avoir plein de désabonnements de gens qui trouvent qu'un seul compte netflix c'est cher pour ce que c'est, c'est à dire prendre des leçons de morale woke ultratolerantes car de gauche, le tout pour financer des productio...

à écrit le 24/05/2023 à 21:03
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"membres de leur famille ou d'amis pour regarder Netflix gratuitement" Ben non, quelqu'un de la famille a payé pour x connections, comme un film en DVD que l'on se prête. Pourquoi netflix à besoin d'argent ? Pour compenser les taxes que lui impose ...

à écrit le 24/05/2023 à 14:20
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Netflix, portable, box, et demain chatgpt ? Autant de besoins que je n'avais pas il y a 20 ans.

à écrit le 24/05/2023 à 13:36
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Netflix ? Connais pas non plus.

à écrit le 24/05/2023 à 12:32
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Netflix? Connais pas. Un livre avec des pages, des mots, des phrases, une histoire, ça me parle.

à écrit le 24/05/2023 à 11:43
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Alors que la créativité commence à s'y essouffler, mauvais timing.

le 24/05/2023 à 13:30
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En effet ma fin d abonnement est proche

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