Drôle de situation. Jeudi, Snap annonçait une moindre croissance de son chiffre d'affaires, à 13%, et son cours s'effondrait de plus de 33% dans la foulée. Ce vendredi, Twitter a présenté un recul de son chiffre d'affaires, de 1%. Cette fois, Wall Street a à peine bronché, et l'action a perdu moins d'1%. Pourtant, les deux entreprises présentent une taille similaire et dépendent toutes deux de la publicité en ligne.
La différence ? Du côté de Twitter, tous les regards sont tournés vers la procédure d'acquisition par Elon Musk plus que vers les résultats économiques. En avril, le milliardaire s'était engagé à acheter l'intégralité des actions de l'entreprise, à 54,20 dollars l'unité, pour un total de presque 44 milliards de dollars. Trois mois plus tard, l'action s'échange à 39,20 dollars, un cours similaire à celui d'avant l'annonce. Et si Elon Musk a annoncé au début du mois qu'il ne voulait plus aller au bout de l'acquisition, Twitter compte bien l'y forcer en justice. Si le litige soulève des doutes sur l'avenir à moyen terme de l'entreprise, il lui donne une certaine stabilité pour l'instant.
Perte de chiffre d'affaires et gain d'utilisateurs monétisables
Dans le détail, Twitter a réalisé 1,18 milliard de dollars de chiffre d'affaires sur le trimestre, un bilan inférieur à celui du second trimestre 2021 donc, et en dessous des projections d'analystes. Pour justifier cette stagnation, le réseau social évoque "les vents contraires" de la publicité en ligne, la conjoncture économique maussade (inflation, crainte d'une récession, guerre en Ukraine, crise des matières premières et de l'énergie...), et surtout "l'incertitude" liée à l'acquisition en cours par Elon Musk.
Par ailleurs, le réseau social -qui n'a toujours pas réalisé de profit depuis son introduction en Bourse en 2013- accuse une perte nette de 270 millions de dollars sur le trimestre, trois fois supérieure à celle attendue par les analystes. Comme les Gafam et la plupart des géants de la tech, Twitter a déjà annoncé qu'il allait geler en partie ses recrutements pour réduire ses coûts. Par ailleurs, l'entreprise précise qu'elle chiffre à 33 millions de dollars les coûts liés à l'acquisition en cours sur le deuxième trimestre.
Du côté des bonnes nouvelles, Twitter a gagné 8,8 millions "d'utilisateurs quotidiens monétisables" -le nombre mis en avant auprès des annonceurs- par rapport à l'an dernier (+16,6%), pour un total de 237,8 millions. Bien que positif, cet indicateur n'aurait pas suffit en temps normal à compenser les pauvres résultats financiers.
L'espoir de vendre à 54,20 dollars
Mais si les investisseurs ne se précipitent pas pour vendre, c'est notamment parce qu'ils sont dans l'attente de la procédure d'acquisition. Si la transaction aboutit comme le souhaite Twitter, les actions seraient achetées à 54,20 dollars l'unité par Elon Musk. Soit une jolie plus-value de 15 dollars par rapport au cours actuel qui s'élève à 39,20 dollars. Ce qui laisse également de la marge quand bien même le prix serait renégocié à la baisse. Sans en partie pour cette raison que l'action de Twitter n'a perdu que 10% sur l'année, contre plus de 20% pour le reste du Nasdaq, et bien plus pour les entreprises très dépendantes de la publicité en ligne comme elle.
En ne vendant pas, les actionnaires misent donc sur une victoire, au moins partielle, de Twitter en justice. Ce mardi, les avocats de l'entreprise et ceux d'Elon Musk étaient pour la première fois entendus par la justice du Delaware, pour décider de la date du procès. Le réseau social en est sorti doublement gagnant. D'abord, il a obtenu que le procès se tienne rapidement -en octobre-, alors que le camp Musk voulait le faire traîner jusqu'à février 2023. Ensuite, l'argument matraqué par les avocats du milliardaire a semblé très peu convaincant. L'homme d'affaire matraque depuis le début que Twitter sous-estime le nombre de faux comptes sur sa plateforme. Sauf que Elon Musk n'arrive pas à prouver ses propos, et quand bien même il y parviendrait, ce pourrait être largement insuffisant pour rompre le contrat d'acquisition.
A cause de cette situation administrative Twitter n'a ni tenu de conférence, ni écrit à ses actionnaires, ni indiqué ses projections, pour un deuxième mois d'affilée. Et pour cause : si l'acquisition aboutit, Twitter deviendra une entreprise privée, qui n'aura plus à publier ses résultats financiers. Mais quelque soit l'issue du litige, l'entreprise devra cette fois vraiment se poser face aux limites de son modèle économique.
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