Santé : allô, docteur Google ?

Google a transformé la façon dont on accède à l’information en ligne et entend désormais faire de même avec les données médicales.
Google ambitionne de devenir un futur géant de la santé, au dam de ses détracteurs soucieux de la protection des données des patients.
Google ambitionne de devenir un futur géant de la santé, au dam de ses détracteurs soucieux de la protection des données des patients. (Crédits : DR)

Mardi 4 août, la Commission européenne a ouvert une enquête antitrust sur le rachat de Fitbit par Google, notamment à cause des données de santé que le géant de la Toile récupérerait dans l'affaire. « Notre enquête vise à s'assurer que le contrôle de Google sur les données collectées à travers les wearables à la suite de cette transaction ne nuise pas à la compétition », a commenté Margrethe Vestager, commissaire européenne à la Concurrence. Mais de l'autre côté de l'Atlantique, Google a depuis plusieurs années mis en place divers partenariats avec des institutions de santé lui permettant d'accéder aux données médicales des Américains.

C'est le cas du discret projet Nightingale. Celui-ci appartient à la division Google Cloud et est le fruit d'un partenariat démarré en 2018 avec Ascension, une chaîne de 2 600 hôpitaux, cabinets de docteurs et autres instituts de santé répartis à travers le pays. Il permet à Google d'accéder aux données de santé de dizaines de millions de patients, de les stocker dans son cloud et de les analyser. Cela comprend des données de nature médicales, tirées de résultats de laboratoires, de diagnostics, et de dossiers d'hospitalisation, mais aussi des données d'état civil, comprenant le nom, l'adresse et la date de naissance des individus.

Des contrats similaires ont été tissés avec la Mayo Clinic, dans le Minnesota, et le Centre médical de l'université de Chicago. Des projets pilotes avec l'UC San Francisco, Stanford Medicine et Chicago Medicine visent également à collecter et standardiser les données difficiles à traiter, comme celles issues des radiographies ou les notes de médecins. Google entend ainsi rassembler d'immenses quantités d'informations pour faire avancer la recherche médicale et mettre au point de nouveaux traitements. Et pour rendre exploitable cette vaste quantité de données, Google a racheté en 2016 Apigee, une entreprise qui met au point des interfaces de programmation pour gérer les données médicales.

Lire aussi : Le nouveau projet de Google dans la santé est-il vraiment si scandaleux ?

Organiser l'information

Lancée en 2006, abandonnée en 2012 puis ressuscitée en 2018, la division Google Health compte aujourd'hui 500 employés. Fidèle à son ADN de départ, centrée sur l'organisation de l'information, Google entend à travers cette structure faire dans la santé ce qu'il a fait pour la recherche internet. Mettre en place une gigantesque base de données assortie d'outils permettant d'y naviguer et d'en extraire les bonnes informations. L'idée étant de la rendre accessible aux professionnels de la santé, qui pourront y puiser pour faire de la recherche et mieux soigner leur patient. En avril dernier, alors que l'épidémie de Coronavirus faisait rage partout dans le monde, Google Cloud a ainsi ouvert son interface de programmation Cloud Healthcare API pour aider le corps médical à traiter la multitude de données auxquels ils sont confrontés.

Citons également le produit BigQuery, un service cloud pour traiter les masses de données qui, appliqué à la santé, permet aux professionnels de combiner les informations issues des carnets de santé des patients avec des données externes pour trouver des corrélations et proposer des traitements novateurs. L'École de médecine de l'université du Colorado et le Colorado Center for Personalized Medicine (CCPM) s'en sont par exemple servi (1) pour croiser les données de 6 millions de patients avec des données de santé publiques, environnementales et issues de demandes d'assurance pour mettre en place des thérapies personnalisées pour les patients.

Une question de confiance

Mais cette base de données permet également à Google d'entraîner ses algorithmes d'intelligence artificielle pour proposer des techniques de traitement révolutionnaires reposant sur les nouvelles technologies. Un algorithme de Google, testé (2) par des chercheurs de Stanford, s'est ainsi montré capable de diagnostiquer un mélanome aussi bien qu'un dermatologue, tandis qu'un autre s'est avéré aussi apte (3) qu'un ophtalmologiste à détecter certaines maladies oculaires. Les techniques d'intelligence artificielle utilisées pour concevoir ce type de produits sont très gourmandes en données, et plus la base de données de Google en la matière est étendue, plus sa capacité à entraîner ses algorithmes s'accroît.

Celle-ci vient également alimenter les projets les plus expérimentaux de Google. À travers sa filiale Verily, Google effectue ainsi de la recherche avancée dans les sciences du vivant. La jeune pousse a récemment créé, en partenariat avec la startup DexCom, un appareil permettant aux diabétiques de contrôler facilement leur taux de sucre. Verily a également conçu sa propre montre connectée prévue pour des applications de santé, la Study Watch (4), actuellement testée par la Stanford Medicine et l'université Duke (Caroline du Nord) dans le cadre d'un projet visant à prédire plus efficacement les maladies cardiaques.

Conquérir la confiance du public

Citons également Calico, qui cherche des remèdes contre le vieillissement, en passant par le traitement des masses de données. En collectant la plus large base de data de santé au monde, Google sert les projets de ses deux filiales et contribue à créer un écosystème vertueux susceptible d'en faire un futur géant de la santé. Il lui reste toutefois à conquérir la confiance du public. Du fait de ses erreurs commises par le passé en matière de gestion des données personnelles, l'offensive du groupe dans la santé n'est pas toujours vue d'un très bon œil. La révélation du programme Nightingale par le Wall Street Journal (5), en novembre dernier, a ainsi créé un scandale outre-Atlantique.

Lire aussi : Données personnelles : le Conseil d'État confirme l'amende de 50 millions d'euros contre Google

1. https://cloud.google.com/customers/colorado-center-for-personalized-medicine/

2. https://news.stanford.edu/2017/01/25/artificial-intelligence-used-identify-skin-cancer/

3. https://www.advisory.com/daily-briefing/2018/09/05/black-box

4. https://blog.verily.com/2017/04/introducing-verily-study-watch.html

5. https://www.wsj.com/articles/google-s-secret-project-nightingale-gathers-personal-health-data-on-millions-of-americans-11573496790

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Commentaires 4
à écrit le 17/08/2020 à 15:15
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Et dire que Trump accuse Tik Tok d'espionnage !!! ( En sachant en plus que FBI et CIA ont accès gratuit aux données de Google ).

à écrit le 12/08/2020 à 10:45
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Allo Google ?🖕

à écrit le 11/08/2020 à 21:44
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Ces données appartiennent à l'état et peuvent être misàdisposition d'autres centre de recherche. L'état nepeut pas donner l'exclusivité de l'exploitation des données à Google. Si c'etait le cas le coupable serait l'état et non Google et cette exclu...

à écrit le 11/08/2020 à 16:03
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Chaque déclaration de responsables européens, des gens non élus donc, empeste la défaite ! Ouin ouin on est nul mais on va leur mettre des bâtons dans les roues pourplus qu'ils soient aussi bons vous allez voir !" Vite un frexit.

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