Alors qu'il faudra investir des centaines de milliards d'euros pour décarboner l'énergie en France, comment contenir la hausse des factures pour les consommateurs ? C'est un casse-tête qui promet d'agiter le régulateur dans les prochains mois. Et pour cause : les réacteurs nucléaires, éoliennes et autres panneaux solaires que la France devra mettre sur pied d'ici à 2050 ne seront pas les seuls à gonfler la note : en parallèle, il faudra bien raccorder ces infrastructures. Si bien que les coûts d'entretien et d'adaptation du réseau électrique à ce nouveau système exploseront, eux aussi...
...Mais peut-être pas autant que prévu. Tandis que le gestionnaire des lignes à haute tension, RTE, a dévoilé jeudi son plan de modernisation du réseau, qu'il évalue à 100 milliards d'euros d'ici à 2040, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) entend mettre cette estimation à l'épreuve. En effet, après une consultation publique qui se clôturera le 30 avril, cette autorité administrative épluchera les calculs de RTE et, selon nos informations, compte bien les challenger.
L'idée : vérifier, pour chaque projet d'investissement, s'il est possible de s'en passer, et étudier toutes les alternatives le cas échéant. Puisque ces dépenses passeront notamment par la taxe d'acheminement de l'électricité (Turpe) et s'ajouteront à celles prévues par le gestionnaire du réseau de distribution moyenne et basse tension Enedis (96 milliards sur 2022-40), cela permettrait ainsi de limiter la casse.
Limiter les congestions sur le réseau
A priori, une bonne partie des investissements seraient néanmoins inévitables : l'adaptation des équipements peu résistants au dérèglement climatique (hausses de températures, tempêtes...), par exemple, que RTE prévoit de renouveler en priorité, ou encore le raccordement des industriels afin de les électrifier, et des sources de production d'énergies renouvelables, souvent éclatées sur le territoire.
Mais certains outils pourraient, théoriquement, permettre de soulager le réseau et ainsi limiter les investissements. La CRE va donc les étudier, afin d'exploiter au maximum ce qu'on appelle les « flexibilités », c'est-à-dire la capacité à moduler la puissance de production ou de consommation pendant une période définie, afin de maintenir l'équilibre du réseau électrique. L'objectif : écraser la pointe, c'est-à-dire le pic de demande lors des moments les plus critiques. Et par là-même limiter les phénomènes de congestion sur le réseau, qui nécessitent d'investir massivement afin de pouvoir les absorber.
Vers une modification du tarif heures pleines/heures creuses ?
Côté offre, il s'agirait, par exemple, de mobiliser davantage les batteries électriques pour stocker de l'électricité afin de la réinjecter au bon moment. De fait, ces appareils deviendront cruciaux avec la croissance des énergies renouvelables à la production intermittente, c'est-à-dire variable selon la météo.
Côté demande, cela pourrait passer par davantage de capacités mises en réserve. Comme tous les gestionnaires de réseaux en Europe, RTE dispose, en effet, de réserves sollicitées en cas de besoin pour corriger les déséquilibres, auquel tous les moyens de production de plus de 120 mégawatts (MW) doivent participer. La « primaire », d'abord, doit réagir dans les 15 à 30 secondes, avant que la « secondaire » n'intervienne en cas de besoin, appelée en moins de quatre-cent secondes. Par ailleurs, la CRE devrait plancher sur le développement de certains instruments comme GOFLEX, un indice pour valoriser la flexibilité énergétique des bâtiments, c'est-à-dire leur capacité à « s'effacer » du réseau au moment le plus approprié.
Enfin, le régulateur devrait s'attaquer à la question des tarifs heures pleines/heures creuses, auxquels près de la moitié des Français au tarif réglementé de vente d'EDF ont souscrit. Car cette option, dont les horaires sont fixes, ne se soucie pas des creux et les pics réels sur le réseau à chaque instant. Résultat : en hiver, certaines heures considérées comme creuses interviennent pourtant lors des moments de tension sur le réseau (entre 17 heures et 19h et vers midi). Un problème, alors que l'objet même de cet abonnement est justement d'inciter les clients à décaler leur consommation afin de soulager le réseau. Par conséquent, la CRE pourrait expérimenter de nouveaux horaires, avec, potentiellement, des tests déployés dans certaines régions.
Sujets les + commentés