Le parti du milliardaire Babis favori des élections tchèques

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Le parti du milliardaire babis favori des elections tcheques[reuters.com]
(Crédits : David W Cerny)

par Jan Lopatka

PRAGUE (Reuters) - Les Tchèques ont commencé à voter vendredi pour élire leur nouvelle Chambre des députés, une élection qui, selon les sondages, devrait voir la victoire du parti populiste ANO d'Andrej Babis, un riche homme d'affaires souvent comparé à Donald Trump.

Le mouvement ANO, hostile à l'immigration et méfiant envers l'Europe, ne devrait cependant pas être en mesure de former un gouvernement sans alliance.

Les bureaux de vote ont ouvert à 14h00 (12h00 GMT) et fermeront samedi à 14h00. Les premiers résultats sont attendus quelques heures plus tard.

La République tchèque connaît une rapide croissance économique, une bonne santé budgétaire et le taux de chômage le plus bas des pays de l'Union européenne (3,3%) mais les enquêtes d'opinion révèlent toutefois une forte attirance des électeurs pour les partis protestataires, notamment ANO.

Bien que l'immigration soit pratiquement inexistante dans le pays, ce dossier a joué un rôle important dans la campagne, presque tous les partis s'engageant à refuser des quotas de migrants que voudrait imposer l'Union européenne.

Une préoccupation partagée par d'autres pays de la région, comme l'ont prouvé les élections législatives autrichiennes de dimanche dernier, où la droite et l'extrême droite ont recueilli plus de 57% des suffrages.

ANO, un parti fondé en 2011 par Andrej Babis, a su séduire à droite comme à gauche par ses prises de position "anti-système", ses promesses de réduire les impôts, de lutter contre la corruption et de contrôler les frontières du pays.

DEUXIÈME FORTUNE DU PAYS

Le mouvement participait pourtant à la coalition gouvernementale sortante aux côtés des sociaux-démocrates du Premier ministre Bohuslav Sobotka et des chrétiens-démocrates.

Les derniers sondages - ils sont interdits depuis mardi - créditaient ANO, qui signifie "Oui" en tchèque, d'environ 25-27% des voix, deux fois plus que son rival le plus proche, le Parti social-démocrate.

Andrej Babis, 63 ans, est le fondateur d'un empire financier qui a fait de lui la deuxième fortune et le premier employeur du pays, à la tête d'Agrofert, une société de plus de 200 entreprises opérant dans l'agroalimentaire et la pétrochimie.

Sa personnalité et son poids économique inquiètent ses rivaux.

"Ne livrons pas le pays aux oligarques", a mis en garde vendredi sur Twitter le ministre de l'Intérieur sortant, le dirigeant social-démocrate Milan Chovanec.

Ces élections législatives pourraient conduire à une coalition semblable à celle qui dirige le pays depuis quatre ans mais avec ANO à sa tête, et non plus les sociaux-démocrates.

Ce glissement ne devrait pas se traduire par de gros changements en politique étrangère: relations privilégiées avec les voisins polonais et hongrois, approche pragmatique des relations avec les partenaires de l'UE et surtout l'Allemagne, principal investisseur en République tchèque et premier marché à l'exportation.

EUROSCEPTIQUE

Mais l'euroscepticisme de Babis, qui répond à celui de nombre de ses compatriotes, fait craindre des relations plus conflictuelles avec Bruxelles, à l'image de ce qui se passe déjà entre la Pologne, la Hongrie et l'UE.

Andrej Babis s'oppose à une plus grande intégration européenne et à l'adoption de l'euro par son pays. Il reconnaît toutefois ce que la République tchèque doit à l'UE et estime que Prague doit jouer un rôle plus important dans la réforme de l'Union.

"Je ne m'attends pas à un séisme", dit Martin Mejstrik, expert en sciences politiques à l'Université Charles de Prague.

"L'option la plus probable, c'est la reconduite de la coalition qui existe déjà. Les sociaux-démocrates et les chrétiens-démocrates n'ont pas exclu de travailler avec ANO."

Mais des voix se sont élevées pour exiger que Babis ne fasse pas partie du prochain gouvernement en raison de ses ennuis avec la justice. L'homme d'affaires a été mis en examen, soupçonné de détournement de deux millions d'euros de fonds européens.

Andrej Babis pourrait aussi, une hypothèse moins probable, former un gouvernement minoritaire avec le soutien des communistes et du parti d'extrême droite Liberté et Démocratie directe (SPD), qui pourrait obtenir un bon résultat.

(Avec Jiri Skacel, Robert Muller et Jason Hovet; Guy Kerivel pour le service français)