Les déboires des banques italiennes à l'aune des tests

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La situation des banques italiennes continue de preoccuper[reuters.com]
(Crédits : © Stefano Rellandini / Reuters)

par Huw Jones et Valentina Za

LONDRES/MILAN (Reuters) - Banca Monte dei Paschi di Siena devrait figurer une fois de plus parmi les mauvais élèves des tests de résistance organisés à l'échelle de l'Union européenne (UE), ce qui ne finit pas d'inquiéter des investisseurs qui redoutent que sa situation financière fragile ne déstabilise le système bancaire de l'ensemble de la région.

Les résultats de l'examen de 2016 sur la capacité de 51 établissements de l'UE à résister à une récession économique seront publiés vendredi à 20h00 GMT par l'Autorité bancaire européenne (ABE).

Monte dei Paschi, la plus ancienne banque au monde encore en activité, ploie sous 47 milliards d'euros de créances douteuses ou irrécouvrables, l'encours le plus élevé de toutes les grandes banques européennes.

La banque toscane est en train de monter une augmentation de capital de cinq milliards d'euros pour assainir son bilan, ce qui n'empêche pas les autorités européennes de préparer des plans d'urgence dans le cas d'une liquidation de la banque italienne si les tests étaient effectivement ratés et si aucun soutien, privé ou public, ne se manifestait, selon un haut fonctionnaire européen.

La performance de Deutsche Bank et de Commerzbank, les deux premières banques allemandes, intéressera aussi les investisseurs au plus haut point dans la mesure où leur rentabilité est à la peine ces derniers mois.

Les tests n'étant pas sanctionnés par une quelconque note, les investisseurs attendront que les analystes aient compulsé les données individuelles pour déterminer quelles banques auraient besoin d'étayer leurs fonds propres.

Le fait que l'ABE ne dise pas clairement si tel ou tel établissement aura réussi ou raté les tests ne peut être que source de confusion dans la mesure où chacun tentera de présenter les résultats sous leur jour le meilleur, estiment des analystes de Kepler Cheuvreux.

La BCE a dit cette semaine que le niveau global des fonds propres dans l'ensemble du secteur bancaire de la zone euro qu'elle supervise était déjà satisfaisant et que les tests ne devraient pas révéler le moindre besoin de fonds propres additionnels à grande échelle.

BANQUES ITALIENNES

Ces tests de résistance ("stress tests") ont été instaurés à la suite de la crise financière de 2007-2009, dans le but de rétablir la confiance des investisseurs et de pousser les banques à prêter à nouveau aux entreprises et aux ménages.

Les valorisations des banques européennes font toutefois pâle figure face à celles de leurs homologues américaines, dont les autorités de tutelle semblent avoir adopté une attitude résolument intransigeante en matière prudentielle, et certains pays de l'UE sont bien moins avancés que d'autres.

"Nous pensons que les stress tests de l'ABE qui seront publiés le 29 juillet auront pour conséquence que les autorités devront s'atteler à la recapitalisation des banques italiennes", observent des analystes de Morgan Stanley, qui estiment que Banco Popolare risque également de faire piètre figure.

Ils ajoutent que Monte dei Paschi risque de devoir combler un trou dans son capital de deux à six milliards d'euros, alors qu'il avait été évalué à 2,1 milliards à l'issue des tests de résistance de 2014.

"La mauvaise nouvelle c'est que les problèmes révélés en 2014 sont toujours là", dit l'analyste Nicholas Veron, du cercle de réflexion Bruegel. "D'un point de vue politique, nous en sommes encore au début d'un long voyage vers la supervision bancaire européenne et l'Italie reste à la traîne".

POINTS FAIBLES

Lors des tests de 2014, les banques devaient conserver un ratio de fonds propres rapportés aux actifs pondérés du risque de 5,5%, après avoir subi un choc économique et financier simulé.

Les analystes disent qu'ils appliqueront ce critère aux résultats de vendredi, ce qui implique, selon Morgan Stanley, que l'espagnole Banco Popular risque d'accompagner Monte dei Paschi et Banco Popolare dans le bas du classement.

Réaliser 4,5% de ratio, voire moins, provoquera sans doute une action immédiate des régulateurs, pense Crédit Suisse.

Des poids lourds tels que Barclays se préparent des moments difficiles sur les marchés s'ils ne peuvent prouver qu'ils font mieux que 6,5% et d'une manière générale être en deçà de 7% risque de déplaire aux investisseurs car c'est le seuil à partir duquel beaucoup d'emprunts, convertibles ou pas, émis par les banques commencent à être dépréciés, expliquent les analystes.

Les deux premières séries de tests pratiquées dans l'UE ont permis d'exposer les déficits de fonds propres liés à la crise financière et ceux-ci sont dorénavant en grande partie comblés, tandis que celle de cette année aura pour tâche de mettre au jour les points faibles des "business models".

Des autorités telles que la BCE s'appuieront pour la première fois sur les résultats de ces tests pour rédiger leurs directives annuelles sur les montants de fonds propres jugés les plus adéquats.

Cependant, les banques qui seraient en dessous de la norme ne s'exposent pas forcément à des coupes automatiques dans les dividendes et les primes.

La dernière série de tests couvre 70% des actifs bancaires de l'UE et reproduit un choc économique et financier qui durerait trois ans, en rajoutant de nouveaux éléments comme d'éventuels litiges et amendes. En revanche, elle ne donne aucune évaluation des retombées de taux d'intérêt négatifs, une nouvelle menace pour un secteur bancaire qui tend déjà à être sur la corde raide.

(Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Marc Joanny)