Le Maryland retire la statue d'un juge esclavagiste

reuters.com  |   |  669  mots

par Susan Heavey

WASHINGTON (Reuters) - L'Etat du Maryland a retiré la statue d'un influent magistrat esclavagiste du XIXe siècle alors que la polémique provoquée par les propos de Donald Trump sur l'extrême droite et les symboles confédérés se transforme en crise politique majeure.

La statue en bronze de Roger Taney, qui trônait depuis près de 150 ans devant le parlement d'Annapolis, la capitale du Maryland, a été retirée à l'aide d'une grue dans la nuit de jeudi à vendredi.

Roger Taney fut le cinquième président de la Cour suprême des Etats-Unis et l'artisan en 1857 d'un arrêt affirmant que les Afro-Américains, n'ayant pas le statut de membres de la nation américaine lors de la rédaction de la Constitution, ne pouvaient prétendre au titre de citoyens des Etats-Unis.

Le gouverneur républicain du Maryland, Larry Hogan, avait exigé mercredi le retrait immédiat de la statue de l'ancien magistrat affirmant que "c'était la bonne chose à faire".

"Si nous ne pouvons pas - et nous ne devons pas - échapper à notre histoire, le temps est venu d'établir une différence claire entre la reconnaissance exacte de notre passé et la célébration des moments les plus sombres de notre histoire", expliquait le gouverneur Hogan dans un communiqué.

Les militants des droits civiques et plusieurs parlementaires de l'Etat avaient demandé de longue date le retrait de la statue de Roger Taney qui, dans l'arrêt Dred Scott v. Sandford, écrivait : "le nègre doit être justement et légalement réduit à l'esclavage pour son propre bien".

Cette initiative des autorités du Maryland vient un peu plus accentuer l'isolement politique de Donald Trump dont les atermoiements puis le revirement sur les violences survenues samedi dernier à Charlottesville en Virginie ont cristallisé les critiques, y compris dans le camp républicain.

Après avoir renvoyé dos à dos les militants de l'extrême droite et les manifestants antiracistes qui se sont affrontés à Charlottesville, Donald Trump a vivement défendu le maintien des symboles sudistes, statues et monuments érigés à la mémoire des confédérés esclavagistes lors de la guerre civile américaine.

FRUSTRATION DE TRUMP

Dans une série de messages sur son compte Twitter jeudi, le président américain a exprimé sa frustration face à la décision de certains Etats de se débarrasser de ce que lui considère comme des témoignages historiques irremplaçables.

C'est la volonté des autorités de Charlottesville de retirer d'un parc de la ville la statue équestre du général Robert E. Lee, chef des armées sudistes, qui avait incité les organisations d'extrême droite à se rassembler samedi dernier.

Les heurts avec les manifestants antiracistes se sont soldés par la mort d'une jeune femme de 32 ans, Heather Heyer, fauchée par une voiture qui a foncé sur la foule dans le centre-ville.

La mère de la victime, Susan Bro, a déclaré vendredi sur la chaîne ABC qu'elle ne souhaitait plus adresser la parole au président américain. "Vous ne pourrez pas effacer ça en me serrant la main et en me disant 'je suis désolé'. Je ne lui pardonne pas cela", a-t-elle dit.

Interrogée jeudi soir sur MSNBC, elle avait estimé que Donald Trump avait trouvé des électeurs attentifs parmi les gens qui se sentaient marginalisés et qu'il entendait exploiter cette marginalisation.

"J'ai déjà reçu des menaces de mort simplement parce que je m'exprime comme je le fais à ce moment même", avait-elle ajouté.

Selon les estimations du Southern Poverty Law Center, organisation qui documente les actions des groupes extrémistes et racistes, il y a plus de 1.500 symboles confédérés dans les espaces publics aux Etats-Unis dont environ 700 sont des monuments ou des statues.

Depuis samedi, un peu plus d'une demi-douzaine ont été retirés.

(Pierre Sérisier pour le service français, édité par Gilles Trequesser)