One Planet Summit : les villes en première ligne

Des fonds dédiés et de nouvelles initiatives reflètent le rôle désormais reconnu des villes en matière de climat et vont leur permettre d’accroître leur action.
Dominique Pialot
Les villes sont les premières victimes du changement climatique mais en détiennent les clés.

En tant que telles, les villes ne figuraient qu'à l'un des panels du One Planet Summit organisé ce 12 décembre, intitulé « Accélérer l'action locale et régionale en faveur du climat » et présidé par Anne Hidalgo. Mais en filigrane, elles ont été très présentes. À la fois victimes et clés de la lutte contre le changement climatique, elles sont apparues de plus en plus clairement dans le paysage depuis la COP21. Cette conférence climat organisée par l'ONU était en effet la première à accorder une place aussi importante aux acteurs non étatiques. En outre, Anne Hidalgo avait profité de l'occasion pour organiser à l'Hôtel de Ville de Paris une réunion baptisée « Sommet des 1.000 maires » dont plusieurs intervenants affirment, deux ans plus tard, qu'elle a initié une dynamique sur laquelle ils continuent de surfer.

Rien d'étonnant si les plus déterminés, aux côtés de la présidente du réseau C40 qui a prédit que :

« la fraîcheur, l'ombre et l'air pur en ville deviendront bientôt aussi précieux que l'or »,

ont été les maires ou gouverneurs d'États américains. Nombre d'entre eux sont en effet entrés en croisade ces derniers mois contre leur président Donald Trump et, entre autres, sa décision de sortir de l'accord de Paris. Le président américain a fait l'objet de critiques systématiques de la part de toutes les personnalités américaines présentes, condamnant une décision qui n'est fondée sur aucune justification scientifique et sera durement jugée par l'histoire.

Exposition au changement climatique et profil de crédit des villes

Dans « Regional & Local Governments - Europe : Climate change will pose increasing credit challenges for cities », une nouvelle étude publiée ce 12 décembre, Moody's souligne une exposition croissante des villes européennes aux changements climatiques, qui pourrait peser sur leur profil de crédit. « Si le changement climatique n'est pas un facteur de risque de crédit explicitement pris en compte dans la méthodologie de notation Moody's applicable aux collectivités territoriales, les notations ont néanmoins vocation à appréhender de manière prospective tous les paramètres susceptibles d'affecter sensiblement la qualité de crédit d'un secteur ou émetteur donné», peut-on lire dans le communiqué accompagnant l'étude.

« Face à la montée du risque climatique, le degré de préparation et la faculté d'adaptation des villes sont destinés à revêtir, de fait, une importance croissante dans notre analyse », conclut l'agence de notation.

L'Europe veut accompagner ses villes

Plusieurs annonces faites lors du One Planet Summit doivent précisément permettre d'accroître les moyens, notamment financiers, à disposition des villes tout à la fois pour atténuer leur impact négatif en matière d'émissions de gaz à effet de serre et pour devenir plus résilientes face aux effets du changement climatique.

Sous l'impulsion de la Banque européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD), le Global Covenant of Mayors, la Commission européenne et la Banque européenne d'investissement, le programme « Global Urbis » (Urban investment support) doit permettra aux villes et aux régions européennes et du bassin méditerranéen d'accéder plus facilement à des fonds publics et privés pour mettre en œuvre leur plan Climat et accélérer  leur transformation vers des villes durables.

Il s'agit là de l'extension d'une initiative destinée à aider les villes à planifier et mettre en œuvre leurs stratégies d'investissement en améliorant leur qualité et leur viabilité financière.  Elles peuvent trouver auprès de ce service de conseil dédié un point d'entrée simple et unique pour accéder aux compétences techniques et financières de la banque européenne d'investissement (BEI). Les experts de la commission européenne aideront les autorités publiques et les équipes municipales à s'orienter parmi les fonds et programmes existants pour trouver la solution de financement la plus appropriée. Ils les renseigneront sur les possibilités de financement innovantes, telles que les plateformes d'investissement des centres urbains.

Le président de la BERD Suma Chakrabarti a également dévoilé une initiative baptisée "Green Cities Climate Finance Accelerator", lancée en partenariat avec le Global Covenant of Mayors for Climate and Energy, qui regroupe quelque 7.500 villes et gouvernements territoriaux. Il s'agit d'accompagner les initiatives d'une soixantaine de villes, dont de nombreuses qui n'avaient pas bénéficié jusqu'ici de soutiens particuliers en matière de climat. À partir d'une mise initiale de 500 millions de dollars, les partenaires espèrent mobiliser auprès de tiers 1,5 milliard de dollars dédiés au développement et à la mise en œuvre de projets urbains.

La Banque mondiale mobilisée

Le Global Covenant of Mayors for Climate & Energy et la Banque mondiale ont par ailleurs annoncé un nouveau partenariat destiné à soutenir les programmes climat de 150 villes dans le monde. L'investissement de la Banque mondiale sous l'égide de son programme CRP (City Resilience Program), d'un montant de 4,5 milliards sur les trois prochaines années, doit garantir que les villes disposent des fonds suffisants pour mettre en œuvre les initiatives en matière de soutenabilité et de résilience face au changement climatique. Il s'agit également de leur permettre de faire levier sur la finance privée en élaborant des modèles économiques viables, en structurant des partenariats public/privé, et en mettant en œuvre des mécanismes permettant au secteur privé de financer les villes. Cette alliance réunit le plus important réseau de villes et la principale institution financière de développement afin mobiliser de nouvelles sources de financement au service d'investissements résilients en faveur du climat dans les villes du monde entier. Le programme est ouvert à tous les types d'investisseurs, banques de développement multilatérales, institutions financières  internationales, investisseurs institutionnels, investisseurs privés et banques commerciales locales.

Le plus grand marché du monde

En outre, le C40, le Global Covenant of Mayors, CGLU et ICLEI s'allient pour lancer des commandes publiques vertes (infrastructures durables, mobilité verte, logement zéro émission, efficacité énergétique, etc.), dans un cadre concerté et créer ainsi un marché d'envergure pour les technologies bas carbone.

Comme l'a rappelé John Kerry, ancien secrétaire d'État de Barak Obama, ce marché de l'économie décarbonnée, qui compte aujourd'hui plus de six et bientôt neuf milliards d'usagers, est le plus important au monde.

"Sur tous ces produits et services, il y a de l'argent à gagner", a-t-il martelé. Et aucun besoin de renoncer à quelque confort ou qualité de vie que ce soit."

Se faire entendre dans l'enceinte du G20

Par ailleurs, Anne Hidalgo, en tant que présidente du réseau de villes C40, a  annoncé conjointement avec le maire de Buenos Aires Horacio Rodríguez Larreta le lancement de l'initiative d'Urban 20 (U20). Cette nouvelle initiative diplomatique s'inscrit dans l'engagement des villes aux Nations Unies menée par ICLEI et CGLU et surfe sur l'élan acquis lors du sommet des chefs d'État du G20 en Chine en 2016 puis en Allemagne en 2017 Les maires de nombreuses villes du C40 avaient alors publié des lettres ouvertes appelant les pays du G20 à être plus actifs dans la lutte contre le changement climatique.

U20 a vocation à sensibiliser l'opinion aux problématiques propres aux villes via des messages collectifs et à en souligner le rôle dans le cadre du G20. Le premier U20 Mayors Summit se tiendra en octobre 2018 en Argentine, en amont du prochain G20 dont le pays assure la présidence. L'initiative regroupe 30 grandes villes situées dans des pays du G20 mais aussi de nombreuses autres villes.

« Une grande partie du pouvoir économique, social et diplomatique dont disposent aujourd'hui les pays du G20 résulte des réussites de leurs villes, a rappelé  Anne Hidalgo. Grâce à leur collaboration dans des réseaux comme le C40, les maires répondent progressivement aux principaux défis auxquels nos villes font face, comme le changement climatique, la question des réfugiés et les inégalités. Il est normal que les voix des villes soient entendues du G20, a-t-elle conclu. »

Dominique Pialot

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