ITAR : Comment les Etats-Unis jouent contre l'autonomie stratégique française et européenne

Les Etats-Unis tentent d'entraver des initiatives françaises et européennes en vue de desserrer le nœud coulant de la réglementation extraterritoriale américaine ITAR.
Michel Cabirol
Naturellement les États-Unis cherchent à les entraver et misent sur la frilosité de certains États où leur influence est forte, explique le ministère des Armées.
"Naturellement les États-Unis cherchent à les entraver et misent sur la frilosité de certains États où leur influence est forte", explique le ministère des Armées. (Crédits : © Benoit Tessier / Reuters)

Les Etats-Unis ne desserrent jamais leur leadership mondial. C'est notamment le cas sur le plan technologique. Ainsi, Washington cherche à maintenir la France et l'Europe sous son emprise technologique afin de contrôler, voire de limiter, les exportation de systèmes d'armes de leurs alliés européens, via notamment la réglementation extraterritoriale ITAR (International traffics in arms regulation). Dans une réponse adressée au député LR François Cornut-Gentille dans le cadre du projet de loi de finances 2021 et rendue publique, le ministère des Armées fait explicitement mention d'entraves de la part des Etats-Unis pour contrecarrer des initiatives européennes pour développer des filières européennes de composants critiques permettant de disposer d'un premier niveau d'autonomie.

"Naturellement les États-Unis cherchent à les entraver et misent sur la frilosité de certains États où leur influence est forte", explique le ministère des Armées. Parmi les arguments qu'ils opposent, les Etats-Unis expliquent que ces initiatives font perdre l'interopérabilité des systèmes d'armes. Réponse du ministère des Armées : cet argument "est bien évidemment fragile, on peut parfaitement être interopérable dès lors que l'on respecte un standard d'interopérabilité avec des solutions techniques souveraines".

DésITARisation des systèmes d'armes français

Depuis trois ans environ, la France tentent de désITARiser au maximum ses systèmes d'armes pour éviter de se retrouver à la merci d'un refus des Etats-Unis dans le cadre de l'exportation d'un matériel militaire comme cela a été le cas pour les missiles de croisière SCALP et les missiles air-air Meteor vers l'Egypte, ou encore de satellites espions aux Emirats Arabes Unis (EAU). "Nous spécifions dorénavant quasi systématiquement, sauf impossibilité, les licences "ITAR free" dans nos nouveaux programmes", a expliqué vendredi dernier lors de sa conférence de presse le Délégué général pour l'armement Joël Barre. C'est le cas pour le nouveau missile MICA NG, vendu récemment au Caire par MBDA à bord des frégates allemandes Meko.

"L'investissement pour disposer de l'ensemble des filières stables et pérennes pour garantir et maintenir une autonomie suffisante est inatteignable en national", constate le ministère dans sa note. C'est pour cela que le ministère a lancé "des actions de recherche de composants alternatifs" à la fois dans le cadre d'études amont en interne en France et au niveau européen, a indiqué Joël Barre. "Nous avons proposé à nos partenaires européens dans le cadre de la préparation du FED un programme qui s'appelle Mac-EU", a expliqué le Délégué. C'est un programme qui vise à doter l'Europe de la fabrication de composants critiques pour lesquels elle est complètement dépendante essentiellement des Américains, voire d'autres pays, a-t-il précisé.

Il est donc crucial que les initiatives que la France encourage en Europe pour disposer de filières souveraines aboutissent en dépit des entraves américaines. Sur le plan européen, il y a eu le développement d'une filière de composants programmables, et également celui du système Galileo, qui rend possible l'autonomie stratégique européenne, ce d'autant plus qu'il sera relayé par le projet CSP (coopération structurée permanente) de solution de radio-navigation militaire européenne, afin de disposer de l'ensemble de la chaîne jusqu'aux récepteurs, note le ministère.

Un coût supplémentaire

À ce jour, quelques dépendances ITAR subsistent de façon incontournable sur certains des systèmes d'armes encore en service en France. À une époque où l'exportabilité était moins prise en compte dans les programmes nationaux, "il n'y avait pas raison d'assumer des surcoûts pour permettre à l'industriel d'engager ultérieurement de meilleurs bénéfices à l'export, et le risque était par ailleurs perçu comme moins élevé", explique le ministère. Il a donc fallu payer le prix cher pour voir... "Le principal risque réside dans une dérive vers des objectifs commerciaux qui pourrait limiter les exportations de produits français en faveur de matériels américains", souligne-t-il.

Aujourd'hui, l'exportabilité est systématiquement prise en compte dans les programmes d'armement. D'autant que le bénéfice de l'export est mieux partagé entre les industriels et l'Etat (autofinancement industriel, mécanismes de révision des prix de série en cas de succès export, meilleure perception des redevances). L'objectif de désensibilisation est donc pris en compte de manière conjointe. "Ce point est crucial au regard du coût d'une désensibilisation, qui reste nettement plus important à posteriori d'un programme existant, qu'à l'origine d'un programme", explique le ministère.

Michel Cabirol

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Commentaires 3
à écrit le 30/10/2020 à 10:43
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Faut dire que c'est tellement facile pour le politicien américain de manipuler le consortium européen financier, surtout en ces temps de crise profonde, comment le leur reprocher ? Si vous aviez besoin d'argent et qu'en appuyant simplement sur un...

à écrit le 30/10/2020 à 0:51
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Par exemple, chacun sait que les américains ont pillés les avançées technologiques allemandes, nous aussi d'ailleurs comme la russie. En revanche personne n'a entendu parler des technologies françoises transférées outre atlantique... et pour cause.....

à écrit le 29/10/2020 à 19:35
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Et ce qu'ils ont fait contre moi pour m'empecher de developper les technologies dont le monde a besoin mais que les militares americains et britanniques veulent supprimer et garder pour eux memes et ne jamais laisser entre la domaine civle pour le be...

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