Il n'y a pas qu'avec les pays de l'Union européenne que la France fraternise pour relancer le nucléaire sur le Vieux continent. Car après avoir annoncé, fin février, le coup d'envoi d'une « alliance » sur le sujet avec dix membres des Vingt-Sept, Paris tisse cette fois sa toile au Royaume-Uni. Et projette d'entamer une coopération encore plus étroite avec Londres sur le sujet, alors que l'entreprise tricolore EDF participe déjà à la construction des deux réacteurs EPR dans le Somerset (Hinkley Point C), mais aussi au projet de nouvelle centrale à l'est du pays, baptisée Sizewell C.
En effet, à l'occasion du sommet franco-britannique organisé ce vendredi 10 mars à l'Élysée, le Premier ministre anglais Rishi Sunak a signé avec le gouvernement français deux partenariats majeurs, en-dehors des textes sur la lutte contre l'immigration illégale ou la défense. L'un porte sur l'énergie en général, et cible une collaboration globale plus poussée qu'avec « n'importe quel autre pays » entre Paris et Londres afin de « coordonner leurs positions », explique le cabinet de la ministre tricolore de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.
Déploiement de l'hydrogène issu du nucléaire
L'autre se focalise sur le nucléaire en particulier, et « illustre une convergence assez unique » sur cette question. « Il s'agit de textes symboliquement très forts » qui se traduiront par des « échanges sur les plans technique et politique », notamment pour ce qui est du « développement des compétences » et des « technologies nucléaires innovantes », précise-t-on dans l'entourage de la ministre.
Dans la déclaration de coopération sur l'atome, signé en présence des PDG d'EDF et d'Orano, de l'administrateur général du CEA, de la directrice du projet Sizewell C et de son homologue à Hinkley Point C, les deux pays s'engagent ainsi à renforcer leur collaboration pour « les nouvelles constructions, la diversification énergétique, le démantèlement, la gestion des déchets, la recherche et le développement (y compris pour le déploiement sûr et sécurisé de petits réacteurs modulaires, les SMR), les compétences, la chaîne d'approvisionnement, la fusion et la sûreté ».
Alignés sur l'hydrogène bas carbone
Et pour cause, « les événements mondiaux récents ont mis en évidence l'importance et la valeur de l'énergie nucléaire pour parvenir à un approvisionnement énergétique résilient et diversifié », peut-on lire dans le document.
Par ailleurs, Londres et Paris y réaffirment leur intention de s'attaquer aux obstacles au déploiement de l'hydrogène bas carbone (c'est-à-dire issu du nucléaire), un sujet pour le moins électrique dans l'UE, puisque l'Allemagne, le Luxembourg, l'Autriche ou encore l'Espagne se montre très réticents. A défaut de s'entendre avec son voisin allemand, décidément opposé à la fission de l'uranium, l'Hexagone peut donc compter sur la Grande-Bretagne pour l'épauler en la matière, trois ans après le Brexit.
700 millions de livres sterling pour le lancement de Sizewell C
Il faut dire que Londres a fait du développement du nucléaire l'une des priorités de sa stratégie énergétique. Alors que la plupart de ses quinze réacteurs arrivent en fin de vie et que la seule centrale en construction, Hinkley Point C portée par EDF et le chinois CGN, a vu ses coûts s'envoler et n'entrera pas en service avant 2027, l'exécutif a lancé un vaste programme de renaissance de l'atome. Dès avril 2022, l'ancien Premier ministre Boris Johnson a en effet annoncé son intention de bâtir huit nouveaux réacteurs, avant de promettre en septembre 700 millions de livres sterling (788 millions d'euros) pour le lancement des deux EPR Sizewell C - le premier soutien de l'État à un projet nucléaire en Grande-Bretagne depuis plus de 30 ans.
En novembre dernier, CGN est d'ailleurs sorti du capital de Sizewell C, et ses parts ont été rachetées à proportion égale par EDF et la Grande-Bretagne. Une « décision historique » qui « réitère la confiance que le Royaume-Uni accorde à la technologie EPR et au nucléaire dans sa politique énergétique », s'était alors félicité EDF. « Vous nous aidez à sécuriser notre approvisionnement en nucléaire grâce à l'incroyable travail d'EDF à Sizewell C », a ainsi déclaré Rishi Sunak ce vendredi. Reste néanmoins à trouver un accord de financement avant de pouvoir prendre une décision finale d'investissement, et commencer la construction de la fameuse centrale.
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