« Notre spécificité ? Une parfaite connaissance de nos clients et notre capacité à nous engager à leurs côtés. »

Entretien avec Patrice Mavilla, Directeur Économie Sociale, Santé et Institutionnels de la Caisse d’Épargne Île-de-France. La Caisse d’Épargne Île-de-France est le premier financeur de l’économie sociale dans la région francilienne. C’est un métier de longue haleine qui nécessite un investissement sur le long terme auprès de ses multiples acteurs.
Patrice Mavilla, Directeur Économie Sociale, Santé et Institutionnels de la Caisse d’Épargne Île-de-France.

LA TRIBUNE - Vous avez fait tout votre parcours professionnel via de nombreuses banques. Qu'est-ce qui vous passionne aujourd'hui ?


PATRICE MAVILLA -  « Ce qui me passionne, c'est d'agir au sein d'une banque appartenant à l'économie sociale au service de l'économie sociale, de mesurer chaque jour la formidable capacité d'adaptation de notre entreprise. La Caisse d'Épargne Île-de-France est une banque de plein exercice depuis 1987, date à laquelle nous avons seulement été autorisés à développer notre activité auprès des entreprises. En quelques années nous avons su nous hisser au niveau des meilleurs standards bancaires sur l'ensemble de nos services que ce soit dans la gestion des flux complexes, le cash management, l'ingénierie financière ou la gestion du passif social. Nous avons réalisé cette mutation en même temps que nos clients de l'économie sociale qui se reformaient eux aussi profondément. Cela nous permet aujourd'hui de répondre à leurs nouveaux besoins. J'ajouterai que nous avons réalisé cette performance sans rien renier de nos origines et des valeurs qui constituent les fondements des Caisses d'Épargne.

Comment la Caisse d'Épargne Île-de- France se différencie-t-elle ?

L'engagement de la Caisse d'Épargne dans l'ESS est profond, historique et sincère. En complément de notre banque commerciale nous participons pleinement à l'ensemble des actions nationales des Caisses d'Épargne. Notre association Finance et Pédagogie continue d'apporter son savoir-faire en pédagogie financière avec ses actions de sensibilisation et de formation à la maîtrise des budgets. Je rappelle que l'éducation à l'épargne, constituait un des éléments clefs du projet de la création de la caisse d'épargne de Paris... en 1818 !

Notre association Parcours Confiance étudie environ 1 500 dossiers de microcrédits par an. Elle travaille en partenariat avec le Crédit municipal de Paris, avec les plus grandes associations caritatives françaises (Croix- Rouge, Secours catholique, Restos du coeur...)

Dans le cadre de la charte Phare, notre mission handicap rassemble l'ensemble de nos initiatives en faveur de l'intégration et du maintien dans l'emploi des personnes handicapées. Nos achats aux structures d'insertion spécialisées correspondent à 39 équivalents temps plein. Sur la seule année 2013, nous avons soutenu près de 40 projets solidaires et culturels. Nous sommes partenaires depuis sa création d'Antropia, une émanation de la Chaire Entrepreneuriat Social de l'ESSEC, le premier incubateur social lancé par une école de management en France. C'est un outil radicalement innovant, né de la rencontre de la tradition entrepreneuriale de l'ESSEC et de l'engagement de la Caisse d'Épargne Île-de- France dans l'ESS.

Comment définir ce marché de l'ESS ? Selon les interlocuteurs, on parle de social business, de coopératives ou de caritatif, qu'en est-il ?

En France, l'économie sociale a longtemps été définie par la nature juridique de ses
acteurs. Elle désignait jusqu'à présent l'ensemble des organismes à but non lucratif
créés sous forme d'associations, de fondations, de mutuelles et de coopératives. La
majeure partie de ces structures s'est développée pour répondre à des besoins collectifs
ou sociaux non pris en charge par l'État ou le marché. Elles occupent principalement les
champs de l'action sociale (crèches, protection de l'enfance), la santé, le médico-social (accueil des personnes en situation de handicap, personnes âgées), mais également l'enseignement, la formation, l'insertion, la culture et bien d'autres secteurs.

Tout récemment, la loi ESS de juillet 2014 a acté le fait que la finalité d'une entreprise pouvait également être un marqueur d'appartenance en élargissant le champ de l'économie sociale et solidaire aux entreprises de droit commercial, sous réserve qu'elles remplissent les critères leur permettant d'obtenir l'agrément « entreprise solidaire d'utilité sociale ». La France se rapproche ainsi de la conception de l'Union Européenne qui parle d'« entreprises sociales » et qui a créé récemment un nouveau label « fonds d'entrepreneuriat social européen ». Il y a une vraie réflexion sur ces sujets dans de nombreux pays et des lois cadres existent ou sont en cours de préparation dans plusieurs pays.

Aujourd'hui, que représente la Caisse d'Épargne en Île-de-France ?
Il est important de rappeler que nous sommes une banque coopérative régionale et que nous puisons notre force dans nos 650000 sociétaires franciliens. Notre autre spécificité est d'être le seul établissement bancaire dont le territoire d'exploitation correspond exactement aux contours de la Région Île-de-France. Nous sommes également le seul établissement à financer l'ensemble des acteurs économiques, entreprises, collectivités, SEM, professionnels de l'immobilier..., ce qui nous permet d'intervenir aux différents niveaux des nombreux projets d'infrastructure qui voient le jour sur notre territoire. Par ces deux spécificités nous nous situons pleinement au coeur du développement économique de notre région.

Financeurs de l'économie locale nous sommes également un acteur économique important de notre région qui emploie plus de 4 800 collaborateurs. Sur la banque de détail, nous disposons d'un réseau de 459 agences au service de 3,4 millions de clients particuliers et de 33 000 professionnels. Sur l'économie locale, l'ensemble de notre activité est regroupé sous une direction de développement spécialisée, la Banque du Développement Régional, qui coiffe les directions commerciales dédiées à chacune de nos clientèles, entreprises, collectivités, logement social et économie sociale. Compte tenu de la densité du tissu économique francilien, nous avons opté pour une organisation spécialisée où chaque direction commercialedispose de ses propres entités intégrées
(29 directions adjointes et centres d'affaires). Cette organisation donne à nos directions commerciales une profonde connaissance métier et une grande réactivité. 

Et sur l'économie sociale  ?

23 000 associations sont clientes de la Caisse d'Épargne Île-de-France. Nous accueillons les associations de proximité dans nos agences de la banque de détail. Les entreprises de l'économie sociale, principales associations, employeurs, fondations, mutuelles, sont traitées par notre Direction Économie Sociale, Santé et Institutionnels. Nous disposons de quatre centres d'affaires dédiés répartis sur le territoire, renforcés par deux organisations grands comptes, un pôle dédié à notre clientèle des institutionnels (mutuelles, groupes de protection sociale, grandes associations caritatives, établissements à statuts spéciaux...) et un pôle dédié aux grands comptes du secteur de la santé et du médico-social, original dans le paysage bancaire puisqu'il traite l'ensemble des opérateurs de ces secteurs, indistinctement de leur nature juridique.

Tous secteurs confondus ce sont un peu plus de 1 500 entreprises de l'ESS à qui nous avons consenti près de 200 millions de crédits au cours du dernier exercice et pour lesquels nous gérons plus de 3 milliards d'euros de flux commerciaux. J'ajouterai que notre principale force vient des commerciaux spécialisés qui travaillent au sein de notre direction. Par leurs parcours professionnels et personnels, leurs expériences, ils disposent d'une connaissance approfondie de leurs clients, de leur environnement et de leur modèle économique. Nos nouveaux clients se disent d'ailleurs impressionnés par le niveau technique de nos commerciaux et c'est souvent cette connaissance fine des problématiques qui est à l'origine de nos entrées en relation.


Comment le marché de l'ESS traverse-t-il la crise actuelle ?
Les entreprises de l'ESS doivent résoudre le paradoxe suivant : elles font face à des besoins sociaux en augmentation du fait de la crise et de la montée du chômage quand leurs ressources se raréfient sous l'effet des politiques de maîtrise des dépenses publiques. Mais il faut cependant avoir conscience que cette crise agit avant tout comme l'accélérateur d'un processus de mutation qui avait commencé bien avant.
Dans de nombreux secteurs (le médicosocial, la santé, l'action sociale...) on a assisté à une transformation majeure des relations entre l'État, les collectivités et le monde associatif. Le point de départ a été la transformation progressive des subventions publiques en commandes publiques. Pour la gestion des établissements ou services, l'État et les collectivités locales procèdent désormais par appels d'offres ouverts à tous. Les associations se trouvent donc confrontées à une concurrence interne, mais également externe. Dans les secteurs où la demande est solvable, par exemple les EHPAD (le nom officiel des maisons de retraite) ou les crèches, les associations doivent désormais compter avec la concurrence des entreprises commerciales. La diminution des financements publics est aussi un accélérateur de l'émergence de financements de substitution. En premier lieu, l'augmentation de la participation des usagers au service rendu dans les secteurs marchands et l'augmentation de la participation des adhérents dans les autres secteurs. Les associations font également un appel accru à la
générosité publique et commencent à mettre en place des politiques de fundraising.

Les 1 300 fonds de dotation créés en France depuis la loi de modernisation de l'économie
de 2008 sont à ce titre révélateurs. Et puis, même si ce phénomène n'est pas lié à la crise, le monde associatif, comme l'ensemble des acteurs économiques, doit faire face à l'augmentation de contraintes réglementaires : performance énergétique, accueil des populations à mobilité réduite. C'est tout un parc immobilier, parfois vieillissant qui est à adapter.

Pour faire face à cette nouvelle donne les associations se professionnalisent fortement et se regroupent. On assiste à l'émergence rapide de groupes associatifs d'envergure régionale ou nationale. Ce phénomène est particulièrement accentué en région parisienne, qui concentre historiquement les principales structures nationales. Dans tous les secteurs, les dirigeants repensent leur projet associatif, leur modèle économique, leur mode de gestion. Nous sommes dans l'ère de la rationalisation. Mais la crise offre également un terreau formidable pour l'économie sociale face à un modèle économique qui montre ses limites. De nouvelles entreprises sociales voient le jour. Mêmes si elles sont souvent à l'état embryonnaire, ces jeunes structures sont résolument dans le domaine marchand, elles sont souvent innovantes, avec une finalité qui peut-être sociale mais également sociétale ou environnementale. C'est un mouvement encore récent, qui se cherche et qui tend à s'organiser. Il y a là un foisonnement qui offre de réelles perspectives de développement.

Comment se situe la Caisse d'Épargne Île-de-France dans ce mouvement ?
Pour être capable d'accompagner nos clients dans cette période de transition, il nous est nécessaire de connaître les spécificités de chaque secteur où ils opèrent et les modes de financement propre à chacune de leur activité afin de déterminer leur capacité à assurer l'équilibre financier de leur développement. Notre engagement historique et notre organisation nous permettent de bénéficier d'une expertise forte que nous mettons au service de nos clients pour nous engager à leurs côtés sur des projets à long terme. Je crois que ce sont cette compétence et l'esprit d'accompagnement qui nous anime qui sont déterminants pour nos clients.

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