C'était il y a un an. L'année 2014 s'achevait péniblement. En Grèce, le gouvernement Samaras appelait à des élections anticipées. L'improvisation habituelle, pensait-on. En Syrie, le sang continuait à couler. Rien de nouveau. Des millions de réfugiés étaient déjà massés au Liban, en Jordanie, en Turquie. Le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) rognait les portions dans les camps et prêchait une action résolue. En vain. Le mot de « quota » ne noircissait encore aucune note de la Commission européenne et on continuait de compter sur les autorités grecques ou italiennes pour faire barrage à la vague montante.
En Belgique, l'attentat de mai contre le Musée juif - quatre victimes - était presque oublié, tout comme son auteur, Mehdi Nemmouche, qui croupissait en prison. Dans les bases de données des services de renseignement, la liste des jeunes Européens radicalisés revenus de Syrie s'allongeait... sans que l'on sache trop quoi en dire. Mauvais augures. Mais augures seulement.
Une année sanguinaire
On fêta l'année nouvelle puis... les graines du désastre germèrent l'une après l'autre. Le 7 janvier, la rédaction de Charlie Hebdo était décimée en quelques minutes par les frères Kouachi, deux islamistes français dans leur trentaine. Le 25, Alexis Tsipras clamait la victoire de Syriza, le fin du bipartisanisme clientéliste grec... et le début d'une guerre médiatico-politique de six mois, qui finit avec le défaut de son pays et les plus invraisemblables acrobaties politiques que l'on puisse imaginer : référendum aussitôt démenti, nouvelle victoire de l'extrême gauche... et tour de vis supplémentaire. Une véritable saignée financière qui fit franchir à la Grèce quelques marches de plus vers l'abîme. La violence perpétrée par Bachar El Assad contre sa population redoubla, l'État islamique étendit son emprise, la pression des réfugiés augmenta... jusqu'à ce que se forment sur les routes balkaniques des colonnes de migrants, tout un peuple en exode vers l'eldorado allemand : 500. 000, 800. 000, 1 .000. 000... le flux intarissable devint le feuilleton de l'été.
L'Europe sans frontières, vieille de trente ans, s'évanouit en quelques semaines. Puis le13 novembre, Paris bascula dans l'horreur. Cent trente morts en quelques heures, sous les balles d'une brochette d'autres jeunes Européens fanatisés. Trois semaines plus tard, le Front national arrivait en tête avec 28 % des voix au premier tour des régionales. Sur chacune de ses échelles : populisme, finance, géopolitique, la crise a franchi plusieurs grades d'intensité. L'année se termine avec le thermomètre dans le rouge.
La question des réfugiés en suspens
À quoi pourrait bien ressembler 2016 ? Du côté d'Athènes, autant le dire, les choses s'annoncent mal. Le pays est plus que jamais en récession, les grèves générales se succèdent, la majorité d'Alexis Tsipras s'effrite et le « Grexit » reste une hypothèse tout à fait possible, comme l'a encore rappelé récemment Klaus Regling, le patron du fonds de sauvetage européen. Côté migrants, la situation met les gouvernements les plus solides - à commencer par celui d'Angela Merkel - sous une pression sans précédent. Les artifices comptables et financiers ne fonctionnent pas : on ne déplace pas les gens comme les virgules. Berlin aimerait « relocaliser » 500 000 réfugiés...
Le HCR explique qu'au maximum il peut procéder à 90 000 par an... dans le monde entier. On parle d'une police européenne pour protéger les frontières extérieures de l'UE... sans savoir comment la financer. Cette migration a déjà eu raison de la libre circulation. Les Danois, après les Suédois, sont sur le point de rétablir des contrôles systématiques aux frontières. Elle pourrait faire une autre victime : le pacte de stabilité dont plus personne, ni à Francfort ni dans aucune salle de marché, n'est plus capable de décrypter comment il est appliqué par la Commission européenne. L'euro n'est plus une monnaie fondée sur les règles mais sur un désir désespéré de survivre. Et dans les grandes villes d'Europe, les citoyens s'apprêtent à aller faire leurs achats de Noël convaincus que le prochain « 13 novembre » n'attendra pas l'automne 2016. Joyeuses fêtes !
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