Le Président de la République vient d'annoncer un allègement de 30 milliards d'euros des charges pour les entreprises. Le patronat, dans sa diversité, a toujours mis en avant ce point fondamental tout en assumant les coûts du développement de notre outil de production. Depuis les assises de l'entrepreneuriat, il attendait un signe. Est-ce le bon ?
Un aggiornamento nécessaire
Dans un pays qui ne fera pas mieux que 0,9 % de croissance en 2014, il convient, sans attendre, de mettre des actes après des paroles, développer une activité industrielle de pointe, effectuer à l'épreuve de la mondialisation un aggiornamento, sauvegarder les savoir-faire et l'emploi dans les territoires. La situation est critique pour les entrepreneurs et pour les salariés car la crise financière et économique dure. Et si dans l'industrie chacun voit avec gravité son avenir, cette angoisse ne passe pas par la prise en otage des dirigeants d'entreprises. De telles pratiques sont inexcusables. D'autant qu'elles donnent une mauvaise image de notre histoire industrielle et éloignent les investisseurs. Notre industrie s'est bâtie sur des valeurs.
Un manque de compétitivité
Elle est aussi faite d'une multitude de branches et d'activités, de PME patrimoniales, de filiales de grands groupes, d'ETI et d'entreprises de dimensions internationales. C'est pourquoi notre industrie connaît, ici et là, des réussites régionales. Et des fleurons dont parle régulièrement la presse tels que l'Air Liquide, EADS ou l'Oréal. Mais ces lauriers ne doivent pas nous leurrer. Notre industrie, qui est une mosaïque, connaît depuis de nombreuses années de graves difficultés et, à l'international, un manque durable de compétitivité. Les gouvernements de ces vingt dernières années en ont été informés. Et tous ont tenté sans succès ou sans volonté forte d'y remédier. Note industrie a besoin d'un coup de main. Et, dans un environnement économique et social qui les bride, les industriels ne peuvent faire seuls, ni faire mieux.
La France cantonnée dans le milieu de gamme
Nos politiques s'en rendent-ils compte ? Le monde a changé profondément et nos entreprises ne trouvent pas « leur » place sur notre territoire. Face à la mondialisation des échanges, la plupart des grands groupes font l'essentiel de leurs résultats à l'étranger. La polémique soulevée, il y a quelques mois, à l'occasion de la publication des résultats de Total ou l'embrasement à l'occasion des révélations du montant des salaires des grands patrons montrent que l'on s'attache aux conséquences sans s'attaquer aux causes. Nos faiblesses réjouissent nos concurrents.
Et dans la compétition mondiale qui nous oppose la France est cantonnée sur le milieu de gamme. Nous nous trouvons « coincés » entre les pays industrialisés émergents « lowcost » où tout est réduit même les droits élémentaires et les pays fortement spécialisés sur le haut de gamme qui se sont débarrassés de leurs complexes. Et puisque notre taux de marge est trop faible la montée en gamme est rendue difficile voire impossible en l'état de notre économie. De 2010 à 2012, pour les grandes entreprises les taux ont baissé de 5 points. Des taux de marge déjà inférieurs de 12 points par rapport aux concurrents allemands, italiens ou espagnols, même pour les PME ! D'autre part, il est difficile de protéger notre marché intérieur.
La France, une vraie passoire
La France est devenue une vraie passoire. Nos appels d'offres publics sont parmi les plus ouverts au monde. Un certain nombre de pays européens comme l'Allemagne ou l'Italie, tout en restant pro-européens, savent protéger leur industrie. Pourquoi pas nous ? Enfin, alors que la concurrence sur les coûts fait rage, les taux horaires sont parmi les plus élevés : 35 € par heure pour la France, 21€ par heure pour l'Espagne… Sujet tabou et terrain glissant, les charges sociales qui pèsent sur notre industrie sont un vrai problème dans une économie en crise qui cherche à rebondir. Ils expliquent en partie la faiblesse des salaires et le manque de compétitivité de nos entreprises. Car ces charges qui pèsent sur les salaires et sur les taux de marge découragent l'embauche, limitent les longs efforts d'investissements d'innovation ou freinent la recherche de marchés nouveaux qui sont des procédures risquées, difficiles et coûteuses.
Réduire d'abord la dépense publique
Des solutions, il en existe. Encore faut-il accepter d'aller à contre-courant et mettre au cœur de notre projet économique une vraie ambition industrielle et s'en donner les moyens. Laissons donc aux préaux le lyrisme de Zola et de Victor Hugo. Et réconcilions l'industrie et son peuple pour retrouver une économie dynamique et le plein emploi. Cette révolution industrielle passe, tout d'abord, par la réduction drastique de notre dette publique, tant nationale que locale.
Tout récemment la Cour des Comptes a tiré, une nouvelle fois, la sonnette d'alarme. Des engagements viennent d'être pris. Il faudra en dresser le bilan. Engageons-nous clairement, progressivement et durablement dans cette voie sans attendre la reprise mondiale. Il s'agit ensuite d'engager une vraie réforme de notre code du travail afin de donner à notre industrie souplesse et élasticité. Sur les conditions de travail, et sur la durée du travail, les mentalités bougent. Beaucoup de salariés sont prêts à faire des efforts. Un CDD n'est-il pas mieux qu'une recherche vaine à pôle emploi ?
Cesser de diaboliser les actionnaires
N'ayons pas peur de discuter de la durée du travail si l'on s'engage sur des objectifs, des moyens et de nouveaux droits. Et arrêtons de diaboliser les actionnaires, les bénéfices ou les investisseurs. C'est le conservatisme social qui, dans la mondialisation, tue nos entreprises. Rendons plus efficace les 32 milliards de la formation professionnelle et orientons notre effort vers les technologies porteuses. Enfin, pour rejoindre la moyenne européenne signons un contrat d'objectifs de 5 ans, tant en matière de bénéfices que d'emplois, pour baisser les charges et réduire fortement l'impôt des bénéfices réinvestis. La suppression des charges famille et la modernisation annoncée de l'impôt société pour les PME sont un premier pas. Est-ce suffisant ? Si l'on veut donner une chance à notre industrie ces changements en profondeur ne peuvent attendre demain.
Bernard COHEN-HADAD
Président du Think tank Etienne Marcel, président de la Commission financement de la CGPME.
Gerard HAUSER
Ancien PDG de NEXANS, Administrateur de Sociétés
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