Expérience patient : pour une approche globale et innovante en matière de prise en charge des soins

OPINION. Touchés de plein fouet par l'inflation, de plus en plus de Français renoncent à se soigner. Une tendance plus qu'inquiétante, que peuvent heureusement freiner certaines innovations, qu'il convient de soutenir et encourager. Par Xavier Quérat Hément, administrateur de l'Institut Français de l'Expérience Patient.
(Crédits : Reuters)

Le constat est alarmant : un Français sur quatre a déjà renoncé à des soins ou équipements médicaux pour des raisons financières, d'après un sondage publié en septembre dernier par l'Ifop pour le compte du Crédit Mutuel. En hausse, ce phénomène de renoncement aux soins a, bien entendu, un impact direct sur la santé des personnes concernées, immédiat ou à moyen terme, et, plus spécifiquement, sur la qualité du parcours patient dans son ensemble. Une dégradation de l'expérience des patients qui tient à une conjonction de facteurs dépassant la seule question de la hausse des tarifs.

Ceux-ci augmentent en effet sous l'effet du vieillissement de la population, de la hausse des prix des consultations ou encore de l'introduction sur le marché de nouveaux traitements, souvent plus coûteux. Mais concourent aussi à ce phénomène multifactoriel l'inégalité engendrée par la multiplication des déserts médicaux, l'allongement des délais avant consultation, de même que la complexité, pour ne pas dire l'opacité, qui caractérise le système de santé français : lourdeurs administratives, difficultés à identifier le bon interlocuteur, dossiers patients incomplets, données de santé mal utilisées ou mal protégées, sigles et termes incompréhensibles, etc.

De plus en plus de Français renoncent aux soins et aux médicaments

Si elle ne représente pas l'unique frein, la question du prix demeure cependant centrale dans l'appréhension de l'expérience patient. Ce sont eux qui le disent : 42 % des personnes ayant renoncé aux soins invoquent le reste à charge trop élevé, contre 30 % pour l'impossibilité d'avoir un rendez-vous chez un spécialiste et 26 % pour la difficulté à trouver un médecin près de chez elles. Dans un fort contexte inflationniste, près de neuf Français sur dix estiment que se soigner devient plus cher. Sans surprise, près de quatre sur dix (37%) ont déjà renoncé à des soins ou des équipements médicaux, dentaires ou optiques alors qu'ils en avaient besoin - et même 17 % à plusieurs reprises. Les soins peu ou non couverts par la sécurité sociale, comme les implants dentaires (34%) ou l'ostéopathie (32%), sont particulièrement cités.

Les retraités subissent de plein fouet les augmentations (des hausses qui peuvent aller jusqu'à 30%), alors même que la consommation de soins croît avec l'âge (4.000 euros par an pour les 17-59 ans, 6.000 euros pour les 75-84 ans et 8.000 euros pour les 85 ans et plus) et qu'ils ne sont plus couverts par les contrats collectifs... Une situation qui pourrait quelque peu s'améliorer pour les plus fragiles d'entre eux du fait du relèvement récent du plafond de la Complémentaire Santé Solidaire (C2S), plus de 7 millions de personnes en bénéficient déjà. En fonction des revenus, cette complémentaire est en effet gratuite ou coute au maximum 30 euros par mois pour les plus de 70 ans. Selon les derniers chiffres de l'assurance maladie, 3 millions de personnes éligibles à la C2S n'y ont toutefois pas recours.

L'inflation a aussi des répercussions sur l'accès aux médicaments. Six Français sur dix ont déjà renoncé à en acheter en raison de leur prix, une proportion qui a presque doublé en dix ans. Alors que le budget annuel consacré à la santé a, lui aussi, doublé entre 2018 et 2023, et représente désormais des sommes considérables dans le budget de la nation, les jeunes et les plus modestes sont les premiers à renoncer à certains médicaments - une tendance encore plus lourde dans nombre de pays qui nous entourent. A ces difficultés financières se superpose, comme on l'a dit, la complexité inhérente à certains dispositifs. Ainsi, par exemple, les solutions d'avance du reste à charge demeurent mal connues par la population, seul un tiers des Français disant avoir connaissance de ces services.

Ces solutions pour ne plus renoncer à se soigner

De nouveaux acteurs se lancent en promettant de renouveler la promesse patient grâce à la digitalisation des process, pour plus de simplicité et de rapidité. Plus généralement, des solutions existent pour tenter d'amoindrir l'effet de la hausse des tarifs médicaux sur l'expérience patient. Mis en place depuis 2019, le « 100 % santé » va incontestablement dans le bon sens. Garantissant un reste à charge nul pour les lunettes, soins dentaires et appareils auditifs, le « 100 % santé » est accessible à tous les Français disposant d'une complémentaire santé dite « responsable », ce qui est le cas de l'écrasante majorité des contrats proposés par les mutuelles. Non sans que celles-ci ne supportent le coût significatif d'une telle mesure : pour la seule année 2021, le « 100 % santé » a représenté un montant de 2,5 milliards d'euros à la charge des organismes complémentaires.

Autre piste pour améliorer l'expérience patient : la dispense d'avance de frais pour certaines prestations et certaines populations. Un service rendu possible par des sociétés comme MoneyTrack, une plateforme de paiement dirigé qui permet au patient de verser au professionnel de santé, directement et grâce à un système de paiement intégré à l'application mobile de sa mutuelle, la part assumée par sa complémentaire. Le bénéfice, en termes d'expérience patient, est évident : l'avance de ces frais constituant une cause importante de renoncement aux soins, ne plus avoir à la verser soi-même est un moyen simple de favoriser l'accès aux soins pour tous.

Innovantes, ces solutions de paiement dirigé ont aussi pour elles d'assurer une meilleure compréhension par les patients de leurs contrats de complémentaires santé. Un clic suffit ainsi au patient pour comprendre ce que sa mutuelle paie et ce qui restera à sa charge. Et, parce qu'aucun parcours patient ne peut se concevoir sans confiance, ce service garantit aussi la qualité des praticiens accrédités dans son réseau. De leur côté, les mutuelles sont assurées que leurs fonds parviennent bien aux destinataires souhaités. Ce qui devrait aussi limiter les cas de fraude.

En faisant sauter certains verrous financiers par la solidarité et l'innovation et en permettant à chacun de redevenir acteur de son parcours, un chemin se dessine dans l'intérêt des patients. Renoncer aux soins, même dans un contexte inflationniste, n'a donc rien d'une fatalité.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 02/05/2024 à 20:02
Signaler
"Un clic suffit ainsi au patient pour comprendre ce que sa mutuelle paie et ce qui restera à sa charge." Ouais mais bon s'il lui manque 100 balles il lui manquera toujours 100 balles.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.