Fin de partie pour le seul concurrent sérieux d'Android

Avec l'arrêt de Cyanogen, on a laissé filer une société combattant l'obsolescence des smartphones,et permettant aux développeurs d'accéder aux ressources profondes du smartphone pour plus d'innovation. Et qui, de plus, créait de la concurrence ! Par Charles Cuvelliez, Ecole Polytechnique de Bruxelles, ULB

Le seul concurrent d'Android qui n'était ni Apple ni Windows et qui proposait gratuitement son propre Android, non contrôlé par Google a fini par jeter l'éponge : Cyanogen. Il avait pris Google au mot lorsque ce dernier publiait, il y a des années, le code source d'Android pour attirer les fabricants de smartphones, tout heureux d'avoir un système d'exploitation gratuit pour habiller leur mobiles. Le pari fut gagné avec la prédominance d'Android qui en est le revers de la médaille.  Car Google oblige maintenant, d'après la Commission qui en est à sa troisième enquête, ces mêmes fabricants de téléphones à installer son propre écosystème sur Android (Play Store,...) et à ne pas développer leur propre Android sans Google pour assurer la compatibilité d'Android à travers l'énorme marché des smartphone.

Or, Cyanogen avait justement utilisé le code source d'Android pour créer un autre Android indépendant de Google. Alors que Linux s'est révélé un formidable concurrent à Microsoft, pourquoi Cyanogen a-t-il échoué ?

Des versions personnalisées d'Android

En 2007, peu de temps après le premier IPhone, Google, inquiet de la dominance de Apple fonde l'Open Handset Alliance avec de grands constructeurs et fabricants de smartphones et dans les semi-conducteurs ainsi que quelques grands noms des télécoms pour développer Android. Certains adhérents au programme ont commencé à personnaliser les versions d'Android qu'ils utilisaient. Alibaba et Baidu ont ainsi mis au point leur propre Android non sans tensions avec Google. Inquiet, Google avait alors forcé Acer à faire marche arrière. Un fabricant chinois, Xiaomi, qui fut dans le top 5 mondial, est passé outre et a installé son propre dérivé d'Android. Pendant ce temps, Cyanogen s'était contenté de télécharger le code source pour son propre Android sans se compromettre avec Google tout en veillant à la compatibilité avec son Android. Il a pu revendiquer jusqu'à 50 millions de smartphones équipés avec son Android, notamment en équipant les smartphones de Micromax, un fabricant bien implanté en Inde.

Cyanogen s'est arrêté le 31 décembre dernier : en cause, non pas la difficulté à créer son propre système d'exploitation mais à créer l'écosystème autour ! Précisément ce qu'on reproche à Google d'imposer comme condition pour utiliser son Android. Google a, il est vrai, enlevé du code open source d'Androïd qu'il publie tout ce qui a contribué au succès d'Android : Google Music, Google Play,...tous ces services lui appartiennent, code compris.

Les deux projets de Cyanogen

Cyanogen gérait deux projets : Cyanogen OS, un vrai Android bis, donc indépendant de Google et CyanogenMod, un open source ouvert à tous pour installer un Android moderne sur de vieux smartphones quand le fabricant ne les met plus à jour (une très sérieuse faille de sécurité soit dit en passant !). Cyanogen s'est même diversifié. Il a développé des modules Cyanogen intégrables dans un Android de Google pour rendre Android ouvert, ce qu'il n'était plus. Il s'agissait de permettre d'exploiter les couches basses d'Android, qui donnent accès au cœur du smartphone, inaccessibles aux applications tierces sinon. Cyanogen aurait pu mettre fin à la fragmentation d'Android : les fabricants abandonnent trop vite le suivi des vieux modèles qui, sans mise à jour, deviennent une passoire sans compter les app qui petit à petit ne fonctionnent plus au fur et à mesur de leurs mises à jour. Cyanogen ne jouait pas ce jeu.

On a donc laisser filer une société qui combat l'obsolescence des smartphones, qui permet aux développeurs d'accéder aux ressources profondes du smartphone pour plus d'innovation et qui crée une concurrence !

Comme toujours, des problèmes de gouvernance et une difficulté à monétiser un projet open source sont à l'origine de ce crash : en octobre 2016, Cyanogen licenciait, un an après avoir levé 80 millions de dollars, 20 % de son personnel (20 personnes sur 136).

Les raisons de l'échec

Cyanogen avait expliqué ne pas pouvoir être rentable avec la seule vente de son Android. Ces derniers étaient peu nombreux : Micromax et Oneplus. Puis, il y a eu l'alliance avec Microsoft qui y voyait l'opportunité de placer dans les smartphones « Android » Cortana et prendre la place de Google Now. On trouvait, dans la dernière version de Cyanogen, rien de moins que la suite Office (Word, Excel et PowerPoint), OneNote, OneDrive et Skype mais la communauté qui supportait Cyanogen y a vu une trahison. Un clone de Cyanogen a vu le jour, Lineage, pour s'affranchir de Cyanogen cette fois !

Cyanogen aurait pu être une magnifique porte de sortie au contentieux entre la Commission et Google et lui couper l'herbe sous le pied: Google aurait pu fournir à son concurrent tout ce qui lui est reproché, à savoir l'écosystème d'applications qu'il force à installer lorsque son propre Android est pris. Car là est la force de Google : un utilisateur s'attend à trouver certains app sur les smartphones Android. Google a beau dire qu'un utilisateur final peut toujours désinstaller ses propres app ou installer des alternatives. Sur Internet, règne toujours la règle : the winner takes al et le gagnant la subit aussi.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 31/01/2017 à 14:39
Signaler
Trop de gros intérêts font que les petits ne peuvent s'épanouir, mal principal du néolibéralisme.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.