Wall street : comment achever la bête immonde ?

La chute des bourses n'est que le résultat d'une culture de la dette et du risque à outrance, mise en pratique par plusieurs générations de banquiers, considérant l'augmentation régulière de leur bonus année après année comme un fait acquis, voire naturel. Par Michel Santi, économiste

Quelle est la raison profonde - intime -des crises financières ? Comment sont provoqués les krach et pourquoi les bulles implosent-elles ? Toujours pour une simple et unique raison qui est que les paris irraisonnés et démesurés entrepris par le monde de la finance le sont avec de l'argent emprunté ! Le dernier épisode de crise grave - les subprimes - n'ayant à cet égard pas failli à cette règle élémentaire d'un secteur bancaire repu, toujours et éternellement préoccupé de majorer ses profits, mais qui finit par imploser sous le poids d'un levier contracté faramineux.

Culture de la dette et du risque à outrance

Culture de la dette et du risque à outrance est mise en pratique par plusieurs générations de banquiers considérant l'augmentation régulière de leur bonus année après année comme un fait acquis, voire naturel. Pour ce faire -gagner toujours plus-, c'est l'ensemble de cette corporation qui s'est retrouvée à la manœuvre pour développer comme à l'infini le bilan de leur banque-employeur et en récolter logiquement les fruits sonnants et trébuchants. Ainsi, Citigroup - qui avait mis un siècle à parvenir en 2001 à un bilan de 1'000 milliards de dollars- put-elle le doubler en six ans puisque celui-ci avait atteint la taille de 2'000 milliards en 2007, juste avant les subprimes.

La course globalisée au profit

Il faut nourrir la bête, donc, et tout le monde s'est mis à ce petit jeu fort lucratif, même les émergents et les nations en développement qui ressentent aujourd'hui rudement le choc des endettements tant privés que publics. C'est donc la course globalisée aux profits qui règne sur le monde depuis le démarrage de ce millénaire, mais à condition évidemment que ces bénéfices soient engrangés le plus rapidement possible.

Dans cette optique, il va de soi que les investissements à destination de l'économie réelle - rentables sur le moyen voire le long terme - sont totalement délaissés au profit de tous les instruments à même de cracher des profits sur le très court terme. Un tel paradigme - combinant l'endettement, le levier et la raréfaction des investissements productifs - a donc imposé la nécessité de politiques monétaires révolutionnaires - en tout cas inédites - dont l'objectif est de venir au secours d'une économie cruellement en manque de liquidités.

 La croissance hyperbolique du système financier

En effet, les baisses de taux quantitatives n'ont été lancées et amplifiées qu'à la faveur d'un constat sans appel, qui est que seule la création monétaire serait susceptible de tirer nos économies de la torpeur où les ont plongées et la déficience des investissements et la croissance hyperbolique d'un système financier parasitique. Et pour cause: tous ces artifices - qui appartenaient à l'arsenal théorique des banques centrales - étaient considérés avec une sorte d'effroi jusque là car suspectés d'attiser l'hyperinflation

Près de dix ans après la plus grosse crise financière depuis la Grande Dépression, après plusieurs trillions de dollars, d'euros, de yens et de yuans créés à partir du néant, nos banquiers centraux donneraient beaucoup pour obtenir un taux d'inflation de seulement 2% au sein de nos nations occidentales étouffées par une stagnation caractérisée - voire causée - par une absence morbide d'inflation.

Un lien rompu entre la masse monétaire et les prix

C'est en fait à un autre mal bien plus insidieux qu'elles sont désormais confrontées, celui-là même que le Japon tente désespérément de combattre sans succès depuis vingt ans : la déflation. Le lien de cause à effet entre la masse monétaire et les prix a effectivement été rompu à partir du moment où les banques ont cessé de prêter à l'économie pour se concentrer sur le casino planétaire qui leur permettait de multiplier des profits tout aussi virtuels que massifs. Voilà pourquoi les records des mois et des années précédents enregistrés sur les marchés boursiers étaient aberrants. Voilà également pourquoi ils appartiennent aujourd'hui à des temps révolus. Car on ne peut indéfiniment et impunément spéculer, jouer, se payer avec de l'argent fictif. Aujourd'hui, Wall Street rejoint enfin Main Street dans son infortune.

Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et Directeur Général d'Art Trading & Finance.

Il est également l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience", "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique" et de "Misère et opulence", préface rédigée par Romaric Godin.

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Commentaires 15
à écrit le 12/02/2016 à 16:25
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Le paramètre de l'inflation semble être le casse tété pour réguler l’économie. On oublie une chose primordiale dans l’économie réelle :" les capacités installées de la production mondiale de richesse est telle, que chaque fois que la demande sur le m...

à écrit le 11/02/2016 à 22:34
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La crise financière mondiale a 2 origines parfaitement connues : - les 35 h en France (Mais pas les 35 h qui sont la règle dans la plus grande partie de l'industrie allemande). - Le droit du travail en France. Les autres pays ayant fait des ré...

à écrit le 11/02/2016 à 20:21
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pas besoin de bulle pour avoir ce qu'on a la ......... effectivement pour avoir leurs bonus, certains se mettent short avec effet de levier quand c'est possible... maintenant c'est curieux les bourses europeennes derouillent plus que les americaines...

à écrit le 11/02/2016 à 17:20
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Il est de bon ton de dénoncer la "finance folle" dès que les marchés baissent un peu.Mais c'est oublier toute la richesse crée par l'industrie financière qui a permis de satisfaire une population mondiale en forte croissance.Nous devrions au contrair...

à écrit le 11/02/2016 à 15:24
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Peut-être un changement à venir; c'est la première fois qu'on voit un candidat US s'attaquer à la finance et la concentration de la richesse dans très peu de mains. Il a peu de chances de passer, mais sait-on jamais.

à écrit le 11/02/2016 à 15:23
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Si vous écrivez "un lien rompu entre la masse monétaire et le prix" il faut également écrire "un lien rompu entre le cours de Bourse et le prix". En effet, en extrapolant en dehors de toute logique le cours réalisé par une très faible minorité de tit...

à écrit le 11/02/2016 à 15:07
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Créer de l'argent a partir de rien... pour le mettre dans ...rien, n'a jamais crée ni inflation, ni demande en produits manufacturés ou services. Pour faire un peu d'inflation, il faut injecter de l'argent pour fabriquer des biens ou service que les ...

à écrit le 11/02/2016 à 14:58
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Le milieu financier a aspiré en effet une énorme partie de l'investissement car proposant des revenus obtenu surtout grâce à la capitalisation de l'argent, plus on en a plus on en gagne au détriment de l'économie dans son ensemble. Les plus riche...

à écrit le 11/02/2016 à 14:51
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Mais non Michel SANTI vous vous trompez!! La crise financière actuelle est due uniquement aux 35 heures et à une législation du travail pénalisante pour les entreprises. Un peu d'honnêteté intellectuelle que diable!! Libéralisme et dérèglementation s...

à écrit le 11/02/2016 à 14:44
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Le raisonnement n'est pas tout à fait exact. Les bonus ne sont pas virtuels, ils servent à payer des biens, ils sont aussi le reflet de dividendes versés aux actionnaires qui aux USA servent à payer les retraites. C'est le rôle essentiel de la créati...

à écrit le 11/02/2016 à 14:37
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L'économie est victime de l'effet de levier et des ventes à découvert, le tout cautionné par l'état qui a autorisé la fusion des banques de dépôt et d'investissement. Les déposants se sont trouvés liés à des dettes auxquelles ils n'on pas souscrits, ...

à écrit le 11/02/2016 à 14:04
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c'est pas toujours le cas mais cette fois votre article est joliment bien vu... respects

à écrit le 11/02/2016 à 13:59
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Je découvre avec plaisir cet auteur qui décrit simplement la folie financière soutenue par et encouragée par nos politiques. La finance (le marché et les banques) est prête a tout pour se goinfrer. Les régulateurs ne régulent rien. Il se déverse d...

à écrit le 11/02/2016 à 13:43
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Il a osé prononcer le mot "déflation" !!!

à écrit le 11/02/2016 à 13:38
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Dans les années 2000, les banques ont massivement contribué à developper l'endettement des ménages US principalement. Ce qui veut donc dire : - soit qu'elles sont totalement aveugles aux risques pris en forte hausse - soit que le prix du risque - ...

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