Bordeaux ouvre Neurocampus, son centre mondial des neurosciences

Début décembre, la première pierre du pôle Neurocampus, qui va concentrer les talents dans les neurosciences, a été posée à Bordeaux. Grâce à ce site, et 65 millions d'euros d'investissements, la capitale de l'Aquitaine entend gagner en visibilité et affirmer à l'international son excellence dans la recherche contre les maladies du cerveau.
Alain Rousset, le président du conseil régional d'Aquitaine, a posé la première pierre du bâtiment Neurocampus, future grande place des neurosciences sur la scène internationale, à Bordeaux, en décembre 2014.

Maladie d'Alzheimer, maladie de Parkinson... D'ici à 2030, le nombre de malades doublera si aucun remède n'est trouvé. Dans ce domaine des neurosciences, l'Aquitaine entend être à la pointe au niveau mondial. Elle rassemble déjà 650 chercheurs de haut niveau. Et, avec Neurocampus, qui va réunir à l'été 2016 sur 15.000 m2 l'Institut des maladies neurodégénératives (IMN), l'Institut interdisciplinaire de neurosciences (IINS) et une partie du Bordeaux Imaging Center (BIC), elle va disposer d'un outil, qui va lui permettre de franchir un nouveau cap. Ce sera un « carrefour » des neurosciences qui va regrouper 450 chercheurs spécialisés. Neurocampus devrait créer des synergies et inciter les différentes équipes à travailler davantage ensemble sur des projets d'envergure.

« L'objectif est de faire de l'Aquitaine l'une des grandes places des neurosciences sur la scène internationale », lance Alain Rousset, le président de la Région Aquitaine.

L'investissement du conseil régional dans Neurocampus est à la hauteur des ambitions : pas moins de 65 millions d'euros, dont 20 millions pour l'accompagnement des projets des chercheurs.

« Neurocampus va donner une visibilité internationale à Bordeaux dans les maladies neuropsychiatriques et neurodégénératives », met en avant Pier-Vincenzo Piazza, directeur de recherche à l'Inserm et coordinateur du projet.

Directement connecté au Neurocentre Magendie et à la plate-forme génomique fonctionnelle, dans un écosystème particulièrement riche, à proximité de l'Inserm et du CHU de Bordeaux, il va permettre d'optimiser les interactions entre chercheurs et cliniciens en neurologie, neurochirurgie, rééducation et innovation thérapeutique.

« En Europe, Bordeaux fait déjà partie des tout premiers centres dans les neurosciences. Ce n'est pas un hasard si l'école européenne de neurosciences a été installée ici », fait remarquer Daniel Choquet, directeur de l'Institut interdisciplinaire de neurosciences.

Le projet Neurocampus est l'aboutissement d'une rencontre, impulsée par le conseil régional, le 21 mai 2007, avec tous les acteurs régionaux du secteur pour bâtir une stratégie de développement des neurosciences en Aquitaine. Ensuite, la Région a créé plusieurs outils pour stimuler la recherche, en construisant notamment l'institut consacré au transfert de la recherche clinique et l'Institut des maladies neurodégénératives. Dans le même temps, la Région a contribué à fédérer les chercheurs en structurant, par exemple, l'ensemble des services en imagerie au sein du BIC et a attiré des chercheurs de haut niveau du monde entier grâce au développement de chaires d'accueil. Aujourd'hui, le BIC est une plate-forme chef de file au niveau européen pour la mise à disposition des technologies d'imagerie en haute résolution.

Un traitement avant l'éclosion de la maladie

Les résultats sont là. L'Aquitaine s'est fait remarquer par des travaux de niveau mondial dans les neurosciences.

« Par exemple, sur Alzheimer, grâce aux professeurs Hélène Amiéva et Jean-François Dartigues, nous sommes désormais capables de définir chez une personne, dès l'âge de 50 ans, si elle a un risque de développer la maladie. Quant à Parkinson, nous sommes tout proches de révéler ce qui est la cause de la mort des neurones, ce qui ouvrira la porte à des pistes thérapeutiques dans quelques années », révèle Erwan Bézard, directeur de l'IMN.

En effet, concernant Parkinson, des scientifiques bordelais de l'IMN ont découvert que l'injection de petites quantités dans le cerveau d'animaux de la forme humaine « malade » d'une protéine, nommée alphasynucléine, déclenche la neurodégénérescence, associée à la maladie de Parkinson. De quoi laisser espérer que l'on puisse bientôt retirer de l'organisme ce qui véhicule la pathologie. Reste à vérifier que ces résultats sont bien transposables à l'Homme. C'est une des grandes avancées de l'année concernant les maladies neurologiques. Cette recherche a reçu en 2014 le prix du meilleur travail scientifique par l'American Neurological Association. Dans la même lignée, le grand prix de la Fondation de France a été attribué à Erwan Bézard.

Conséquence du dynamisme de la recherche bordelaise, « nous assistons déjà à un bond en avant des start-up dans les biotech médicales. Les grands groupes pharmaceutiques ne sont pas insensibles à nos travaux. Cela va aussi renforcer notre attractivité économique dans le secteur, souligne Alain Rousset. Les enjeux dépassent la recherche fondamentale. Ils sont sociétaux. Il devient urgent, à l'heure où la population européenne vieillit, de guérir des maladies comme Parkinson ou Alzheimer. »

Pour l'heure, les essais cliniques pour lutter contre Alzheimer ont échoué. Cela étant, les scientifiques bordelais sont parvenus à diminuer le nombre de plaques amyloïdes - le marqueur de la maladie - chez le patient, mais sans endiguer le développement de la maladie. Pour accélérer encore la recherche, Solange Ménival, vice-présidente du conseil régional d'Aquitaine en charge de la santé, a signé le 17 décembre avec Jon Darpón, ministre de la Santé d'Euskadi, un protocole d'entente santé visant à favoriser les échanges sur les maladies chroniques.

Il s'agit d'unir les forces des deux régions.

« Euskadi a mis en place un dossier médical, avec un suivi très pointu de 2,5 millions de Basques atteints d'une maladie chronique (Alzheimer...) vivant à domicile, qui pourrait être utile à nos chercheurs en neurosciences. Et, vice-versa », explique Solange Ménival.

« Ce partenariat devrait nous permettre d'aller chercher des fonds européens, afin d'aboutir, à terme, à des transferts de technologie et au développement d'un nouveau tissu industriel dans le secteur », glisse l'élue. Au regard de toutes ces avancées, « un traitement curatif est espéré d'ici à vingt ans, mais cinq à dix ans pour soigner les symptômes non traités aujourd'hui », dévoile Erwan Bézard.

À ce moment-là, les tests cognitifs permettront de déterminer les individus susceptibles de développer la maladie. C'est l'ambition première des chercheurs bordelais dans les neurosciences : traiter les personnes, avant même qu'elles ne deviennent des malades.

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