Lambert-Manufil investit dans le clou français

Le fabricant nantais de clous et de fils de fer Lambert-Manufil mise sur le redéploiement de son outil de production, l'innovation et l'intégration du numérique pour maintenir une fabrication Made in France fortement concurrencée par les pays de l'Est.
Au lendemain de la crise de 2008, elle décide de créer ses propres clôtures innovantes, occultantes et modulaires, destinées au marché des paysagistes.

L'innovation s'appelle "Pibalis". L'air de rien, c'est peut-être cette clôture végétalisée de nouvelle génération qui va sauver le soldat Lambert-Manufil, une entreprise de la région nantaise, fondée en 1924 à Couéron (44), spécialisée dans la fabrication de fils de fer et de clous et le négoce de clôtures.

Au lendemain de la crise de 2008, elle décide de créer ses propres clôtures innovantes, occultantes et modulaires, destinées au marché des paysagistes. A l'époque, l'invention - brevetée - a été soutenue par Oseo pour investir 400.000 euros dans un nouvel outil de production. Six ans plus tard, profitant de l'engouement pour les jardins, l'activité a généré un chiffre d'affaires de 250.000 euros cette année. Une niche encore modeste mais complémentaire à l'activité de négoce de clôtures assurée pour le compte du leader mondial belge Betafence dans l'ouest de la France.

Avec 6 millions de chiffre d'affaires annuel, cette dernière progresse de 10% par an. Mais la niche du "produit propre" a surtout donné un nouvel élan à une entreprise traditionnelle pas passée loin de la catastrophe. Venue, en 2009, succéder à son père à la direction générale de l'entreprise familiale, Carine Chesneau a senti passé le vent du boulet :

"C'est notre première innovation, notre premier produit propre et déjà nous l'avons décliné sous la forme d'habillages pour des façades ou la création de jardins verticaux. L'épaisseur du produit permet de glisser un substrat pour faire pousser des plantes grimpantes. Commercialement, outre le staff français et l'ouverture de  deux agences à Rennes et Vannes, nous avons mis en place deux agents  sur les pays limitrophes de Belgique et de Suisse. Dans l'univers de la métallurgie, innover a changé l'image de l'entreprise"

Une fragile industrie de "pointes"

Malmenée par la crise, Lambert Manufil accuse alors une redoutable baisse de chiffre d'affaires de 59%. Carine Chesneau s'en sort avec la mise en œuvre de chômage partiel, de plans de formations, de congés, des départs en retraite non renouvelés et maintient l'effectif de soixante personnes dont deux-tiers pour la production. "Il fallait absolument conserver notre savoir-faire", souligne la dirigeante de Lambert Manufil, dont l'activité industrielle (tréfilerie, clous...) représente aujourd'hui 8 millions d'euros de chiffres en 2014, malgré une baisse de -10% .

Tandis que son père initie le bureau d'études et la création de produits propres, elle, s'engage dans le redéploiement de l'outil de production spécialisé dans la fabrication de fils d'acier utilisés pour la fabrication de Caddys, de présentoirs ou d'armatures pour le BTP et la production de clous en tout genre pour les quincailleries, les fabricants de palettes et le bâtiment. Si le secteur a compté jusqu'à 180 entreprises, ils ne sont plus que trois en France aujourd'hui à se partager un marché à faible valeur ajoutée, fortement concurrencé par les pays de l'Est.

D'un process par habitude à un process d'efficacité

"En raison des contraintes réglementaires, il est impossible de lutter contre les produits à bas coûts. Si l'on ne peut rien faire sur les  prix de marché, il était en revanche possible d'intervenir sur nos prix de revient pour améliorer nos process de fabrication, notre qualité de service et accroître notre compétitivité. Or, j'étais persuadé que nous n'étions pas allé au bout de notre performance", dit-elle.

Suivie par ses partenaires financiers, l'entreprise investit 750.000 euros pour s'équiper de quatre nouvelles machines, plus rapides, plus précises, plus ergonomiques... Un plan de formation est organisé pour les opérateurs. Avec le concours de la Chambre de commerce et d'Industrie de Nantes-Saint-Nazaire, elle entreprend un audit des process et fait appel à des compétences extérieures pour dérouler un  plan industriel "Lean".

"Nous sommes passés d'un process par habitudes à un process d'efficacité. Nous avons revu l'organisation des postes de travail, donné de l'autonomie,  dispensé de nouvelles méthodes de travail, mis en œuvre la gestion des déchets, améliorer les délais de livraison et notre réactivité, donné une vision globale de l'entreprise. Mais ça va encore durer quelques années", estime Carine Chesneau.

Elle vise l'usine du futur

Convaincu par la force du Made in France, elle s'apprête à investir dans une nouvelle machine de fabrication de pointes et réfléchit à nouveaux modes de conditionnement robotisés.

"Pour que ça marche, il faut au moins avoir les bons outils et, tout en restant sur son cœur de métier, être proche de ses clients et  ne pas hésiter à sortir de son cadre", justifie celle qui veut faire entrer son atelier de production dans l'ère de l'usine du futur.

"Pour cela, il faut donner du sens aux collaborateurs. Ces transformations, comme la récente vente en ligne de clôtures amènent une nouvelle culture de l'entreprise. Et demain, j'espère bien intégrer davantage le numérique dans l'univers de la métallurgie. Le faire entrer dans l'atelier n'est pas le plus simple, mais par le biais de fiches techniques, la création d'un intranet ou la création d'une communauté, on doit pouvoir y arriver. En tout cas, j'y réfléchis", se réjouit-elle, prête à enfoncer le clou du Made in France pour que l'avenir ne tienne pas qu'à un fil.

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