Le coup d'envoi de la 5G, avec (ou sans) Huawei

La prochaine génération de téléphonie mobile, qui promet d’offrir des débits considérables et de faire entrer les individus et les entreprises dans l’ère du « tout connecté », devrait arriver dans la seconde moitié de l’année prochaine.
Pierre Manière
Avec sa latence faible (la réponse du réseau lorsqu'on le sollicite) et des débits encore plus importants, la 5G se présente comme la technologie qui permettra de connecter à la fois les hommes, les machines et les produits.
Avec sa latence faible (la réponse du réseau lorsqu'on le sollicite) et des débits encore plus importants, la 5G se présente comme la technologie qui permettra de connecter à la fois les hommes, les machines et les produits. (Crédits : Reuters)

Le voile se lève sur une nouvelle technologie de communication mobile. Dans l'Hexagone, la 5G devrait être opérationnelle à partir du printemps 2020. Son arrivée a pris du retard, car le gouvernement a mis plus de temps que prévu à boucler le processus d'attribution des fréquences dédiées à cette technologie. Quoi qu'il en soit, la 5G survient avec son lot de promesses et de questions. Bien malin qui, aujourd'hui, peut précisément prédire quelles innovations de rupture elle apportera. Il y a souvent un monde entre ce que les chercheurs et analystes envisagent dans les labos, et la manière dont les acteurs économiques se saisissent d'une nouvelle technologie de communication. L'exemple le plus saisissant fut celui de la 3G. Initialement calibrée pour la visiophonie, celle-ci a permis, dans un registre très différent, le développement ultra rapide de l'Internet mobile.

La 4G, qui a offert des débits bien plus élevés, a pour sa part permis, au début des années 2010, aux smartphones de devenir une interface de référence, une sorte de « télécommande de nos vies ». Son arrivée a dopé l'apparition d'une myriade d'applications dans des domaines divers, allant de la vidéo en streaming, à la commande de VTC, au « dating », en passant par le développement des jeux sur mobile. Avec sa latence faible (la réponse du réseau lorsqu'on le sollicite) et des débits encore plus importants, la 5G se présente comme la technologie qui permettra de connecter à la fois les hommes, les machines et les produits. Elle ouvre la voie aux usines connectées, aux véhicules autonomes, à la télémédecine ou à la robotique industrielle. Du moins sur le papier.

Les grandes villes couvertes en premier

La 5G ne sera pas d'emblée disponible partout. Certainement pas. Les opérateurs vont d'abord mettre les bouchées doubles pour couvrir les grandes villes, qui sont les territoires les plus denses et les plus rentables, avant de concentrer leurs efforts dans les campagnes. Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free doivent, a minima, offrir ce service dans deux villes au terme de l'exercice 2020. Pour eux, la 5G est synonyme de gros investissements. Mais aussi, à terme, de gros bénéfices. Surtout si les entreprises, comme ils l'espèrent, s'approprient cette technologie sans traîner pour développer de nouveaux services, se différencier, et réduire leurs coûts.  Le développement et la commercialisation de la 5G feront, à n'en point douter, l'objet d'une féroce guerre économique. La première bataille doit débuter prochainement avec le lance- ment du processus d'attribution des fréquences. À cette occasion, Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free chercheront, lors d'un processus d'enchères, à décrocher un maximum d'entre elles. Le prix de réserve est à la mesure de l'enjeu : il a été fixé à 2,17 milliards d'euros.

Des infrastructures hautement sensibles

L'importance des réseaux 5G est, en outre, devenue pour les États un enjeu de souveraineté. Ces infrastructures où transiteront chaque jour des monceaux de données privées, critiques, stratégiques et confidentielles font l'objet de toutes les attentions. En France, une loi visant à assurer leur sécurité a été votée l'été dernier. Le texte vise notamment à limiter les équipements de Huawei dans l'Hexagone. Les produits du géant chinois suscitent l'inquiétude du gouvernement et des services de renseignement. Lesquels redoutent, à l'instar des États-Unis et de nombreux pays européens, que ses infrastructures servent de cheval de Troie à Pékin pour espionner les communications, ou mettre les réseaux hors service.

Dans l'hebdomadaire The Economist, Emmanuel Macron a indiqué que la France et l'Europe ne devaient pas perdre la main sur les réseaux en offrant un boulevard aux technologies chinoises : « Pendant des années, on a délégué aux opérateurs de télécommunications des choix souverains, des sujets d'intérêt qui ne peuvent pas être gérés par des entreprises. » Une inquiétude légitime. Mais le flou de la position française à l'égard de Huawei, de sa limitation ou de son éventuelle interdiction, inquiète au plus haut point les opérateurs. Difficile voire impossible, arguent-ils, de travailler sereinement au déploiement très coûteux de la 5G sans savoir sur quel pied danser.

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LE GÉANT CHINOIS BIENTÔT À L'INDEX ?

Les opérateurs sont très remontés. Tous déplorent le grand flou auxquels ils sont confrontés concernant la possibilité de recourir aux services de Huawei pour déployer la 5G. À travers la loi sur la sécurisation des réseaux, le gouvernement a soumis tous les équipements et logiciels de réseaux mobiles à autorisation préalable. Toute absence de réponse dans un délai de deux mois concernant un produit constituera un refus. Si le gouvernement affirme que cette mesure ne vise aucun équipementier, c'est bien Huawei qui est aujourd'hui ciblé par ce dispositif.

Par le passé, il existait un gentlemen's agreement, c'est-à-dire plusieurs règles non inscrites, entre l'État et les opérateurs concernant le groupe chinois. Celles-ci précisaient que les FAI ne devaient pas utiliser d'équipements Huawei dans les cœurs de réseaux, des infrastructures sensibles où transitent les communications, dans Paris, et à proximité des lieux de pouvoir. Or de nouvelles règles informelles émergent, et différentes zones et complexes industriels sont en train d'allonger la liste des interdictions.

Pour les opérateurs, cette salve de limitations constitue une douche froide.

« Nous sommes toujours en attente de clarification, peste Arthur Dreyfuss, le président de la Fédération française des télécoms, le lobby du secteur, par ailleurs secrétaire général de SFR. Nous comprenons que les lignes rouges sont en train de bouger. Mais il est temps que ce sujet soit traité avec le sérieux qu'il mérite. Comment pouvons-nous avancer dans ce flou alors que nous sommes à la veille d'un processus d'enchères [de fréquences, ndlr] et en pleins programmes d'investissements majeurs ? »

D'après le dirigeant, le gouvernement doit être transparent sur l'évolution de sa doctrine à l'égard de Huawei.

« Si un équipementier doit être interdit, cela nous fera prendre un retard considérable dans le déploiement de la 5G, poursuit-il. Dans cette hypothèse, comment maintenir des obligations [de couverture du territoire] si importantes ? Et tout cela aura un coût : si l'État change de doctrine, il devra naturellement prendre sa part. »

Cette semaine, SFR a déposé une demande d'autorisation d'équipements 5G. Celle-ci concerne les produits de Nokia, mais aussi de Huawei. À travers cette initiative, qui fait office de test, l'opérateur veut forcer le gouvernement à prendre une position claire vis-à-vis du groupe chinois.

Pierre Manière

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Commentaires 4
à écrit le 24/12/2019 à 1:17
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A t-on vraiment besoin de plus quand la destruction planétaire est à nos portes?

à écrit le 23/12/2019 à 11:41
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La 5G où la charrue avant les bœufs pour le seul nom des actionnaires milliardaires ? Vous n'en aviez pas besoin ? Vous ne la vouliez pas ? Elle ne vous servira à rien ? Ben vous l'aurez quand même... Quand l'économie est totalement gangréné...

à écrit le 23/12/2019 à 11:28
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Je suis encore en 2G, je verrai quand la 6G arrivera (les chinois y réfléchissent, quels protocoles, etc etc), le matériel vite obsolète, non merci (les nouveaux iPhone sont encore en 4G je crois, pas la peine d'avoir une compatibilité (coûteuse) ave...

le 04/01/2020 à 8:23
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La 6G, on y réfléchie aussi en France.

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