Confessions d'un analyste à Wall Street...

C'est le titre d'un livre événement sur le point de sortir outre-Atlantique: ces mémoires d'un ancien expert télécoms du temps de la bulle dénoncent le manque d'éthique de la place.

Dan Reingold s'apprête à publier cette semaine aux Etats-Unis ses mémoires intitulées "Confessions d'un analyste à Wall Street" et le milieu de la finance new-yorkaise bruit déjà de rumeurs à son sujet. Cet ancien expert télécoms, désormais à la retraite, qui travailla entre 1989 et 2003 dans les plus grandes maisons de la place, Morgan Stanley, Merrill Lynch et Credit Suisse First Boston, allèche ses futurs lecteurs en présentant sur son site Internet la table des matières et le "casting" de son livre qui rassemble tout le gratin de la bulle: de Mary Meeker, l'analyste Internet vedette de Morgan Stanley, à Joe Nacchio, le patron de Qwest, en passant par le sulfureux banquier Franck Quattrone, star des introductions des valeurs high-tech au CSFB. Truffé d'anecdotes cocasses ou glaçantes, aux dires des critiques, le livre dévoile les arcanes de Wall Street au cours de cette période que certains aimeraient bien oublier.

Le sous-titre donne le ton: il s'agit d'"une histoire vraie de l'information d'initiés et de la corruption sur les marchés d'actions." Il décrit Wall Street comme "la rue où l'on se paie la tête des gens", où seul un petit cercle d'initiés gagne gros aux dépens des petits porteurs, et comme "une jungle dominée par les egos et l'appât du gain, où les standards éthiques étaient tombés si bas qu'il était difficile d'agir correctement et même de discerner le bien du mal."

Il s'en est fallu de peu que Reingold ne bascule du mauvais côté, obsédé par la course à la première place des classements du meilleur analyste de son secteur: son rival, Jack Grubman, fut lui condamné et interdit à vie d'exercer dans la finance, dans le cadre du règlement global sur les conflits d'intérêts dans l'analyse financière en 2003. Reingold raconte la tentation d'utiliser "la fuite à 14 milliards de dollars", dans l'affaire de la fusion Sprint-Worldcom, ou comment résister à l'envie de faire gagner beaucoup d'argent à ses clients en utilisant une rumeur d'OPA si précise qu'elle ne peut être qu'une information d'initiés, donc illégale.

"J'ai vécu aux premières loges la mutation de l'analyste action, du simple employé bon en calcul en un virtuose dont les recommandations étaient suivies sans broncher et dont dépendait le gain ou la perte de 'deals' de plusieurs milliards de dollars pour une banque d'investissement." Un bouleversement qui s'accompagne d'une perte radicale de repères, voire de contact avec la réalité. "Des voyages en jets privés aux cocktails mondains et aux négociations de salaires de plusieurs millions de dollars qui ne font pas ciller les employeurs, ce monde était aussi éloigné de l'investisseur moyen que Pluton l'est de la Terre", observe le critique du magazine Barron's.

Reingold raconte ainsi comment le CSFB le débaucha en lui offrant un bonus indexé sur les deals à venir de la banque dans les télécoms... Un arrangement qui n'est pas sans rappeler le mémo interne de Morgan Stanley stipulant dans les années 1990 à ses analystes: "nous ne faisons pas de commentaires négatifs ou polémiques au sujet de nos clients, c'est une pratique de bon sens pour les affaires ..."

Loin de se livrer à un mea culpa libérateur, Reingold, l'homme aux deux recommandations de vente en treize ans d'exercice du métier d'analyste action, ne donne pas de conseils de sagesse à ceux qui ont pris sa suite... A l'heure où l'engouement quasi unanime des analystes pour des stars du Nasdaq comme Apple ou Google laisse pourtant craindre le retour des mêmes dérives. Il espère surtout que son témoignage incitera le gendarme de la Bourse américaine et la justice à poursuivre le "nettoyage" de Wall Street, incomplet à ses yeux. Et signale que les recettes de son livre seront reversées à 100% à des oeuvres de charité...

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