Carnet de bord décalé. GM : Grande Mystification

Un regard oblique sur l'actualité économique et financière de la semaine. Chaque jour, un fait ou un chiffre saillant.
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Lundi 15 nov. Mr Creosote

Cette fois c?est la bonne ! Marius Kloppers a fini par manger son chapeau de cow-boy du bush australien. Par trois fois éconduits, d?autres auraient fini par se jeter par la fenêtre. Mais lui non ! Il reste là à se demander ce qu?il va bien pouvoir trouver pour alimenter la croissance de BHP Billiton. Passe encore que les autorités de la concurrence aient par deux fois enterrer ses ambitions de rapprochement avec son compatriote Rio Tinto. Mais Potash ? Un leader mondial certes. Mais dans la potasse. Pas de quoi fouetter un chat. Et pourtant. C?est à se demander si BHP n?est finalement pas trop gros pour avaler un actif supplémentaire quel qu?il soit. A l?image de Mr Creosote dans « Le sens de la vie » des Monty Python. A la fin du repas, l?obèse aux dimensions pachydermiques n?est même plus capable d?ingurgiter quoi que ce soit tellement il a mangé ? au risque d?exploser. C?est ce qu?il fait. Avec Potash, pas de problème anti-concurrentiel. C?est juste que le mastodonte minier est tellement gros qu?on l?entend venir de loin quand il accourt. Et depuis quelques années, il se rue sur tous les marchés de biens nécessaires à la subsistance du Gargantua chinois. Une stratégie qui a ses limites. Marius s?en rend compte et faute de mieux, avec les milliards de dollars de trésorerie sur lesquels il est assis, s?en remet au degré zéro de la dynamique et de la croissance industrielle : racheter pour 4,2 milliards de dollars d?actions pour tenter de rassasier ses actionnaires.

Mardi 16. Trou d?Eire

Les yeux rivés sur leurs écrans de contrôle, les opérateurs rêvassent. Ils s?imaginent flottant dans un bain de liquidités alimentées par 600 milliards de dollars de rachats de titres d?Etat programmés par la Fed. Trident à la main, ils se voient déjà harponnés les bonnes affaires boursières, qui ont touché le fond avec la crise grecque. Le tout bercé par un courant chaud et porteur provoqué par le recul de l?aversion au risque. Soudain, tous les voyants virent au rouge. Le réveil est brutal. A force de vouer une confiance sans borne à l?oncle Ben, on a oublié un peu vite le boulet de l?endettement public sur le Vieux Continent. Comme l?Etat hellène il y a sept mois, l?Irlande menace d?être submergée par le tsunami du déficit. Près de 50 milliards d?euros au total, soit environ un tiers de son PIB. Une peccadille face aux 450 milliards de mesures de soutien de la Réserve Fédérale traduites dans la monnaie unique. Mais suffisamment pour faire trembler les marchés qui spéculent déjà sur le prochain état membre susceptible d?allonger la liste des mauvais payeurs. De Paris à Francfort en passant par la City, c?est la débandade. Les bourses décrochent en moyenne de 2%. Le lagon bleuté prend des allures de bain de sang. De cristalline, l?eau est devenue saumâtre.

Mercredi 17. Fièvre zodiacale

Safran a l??il pour les belles mécaniques. En qualité de motoriste des airs averti, il connaît son sujet sur le bout des ailes. Les observateurs, notamment du côté de la communauté financière, ont beau s?étonner de son acharnement, lui jubile. Lui seul cerne réellement l?ampleur des enjeux d?un rapprochement avec Zodiac. Dans un premier temps, le prétendant avait opté pour une approche cordiale en déclarant sa flamme dans une lettre datée du 6 juillet. Sans résultat. La famille nourrissait visiblement d?autres ambitions pour sa progéniture. C?était bien mal connaître, l?entêtement du prétendant. Sa décision est prise : plutôt risquer de se lancer dans un mariage forcé que de laisser filer Zodiac aux mains d?un groupe étranger. D?autant que le temps presse. Dans l?empire du Milieu, l?industrie aéronautique s?organise, les compagnies aériennes grossissent et manifestent des besoins de plus en plus importants. L?heure est venue de montrer l?image d?un équipementier aéronautique généraliste tout aussi capable de remplir un cockpit d?électronique embarquée que de fixer comme personne un siège d?avions. Quitte à s?exposer aux reproches d?une stratégie au tout venant. De son côté, l?Etat, présent dans le tour de contrôle de Safran, n?est plus à un élan de protectionnisme près.

Jeudi 18. GM : Grande Mystification

Depuis le temps qu?il est dit que l?abus de liquidité n?est pas bon pour la santé mentale. Alors forcément, l?annonce récente par la Fed d?une douche collective pour les investisseurs de plusieurs centaines de milliards de liquidité, ça met en joie. Ça monte à la tête. Ça peut même virer à l?hystérie éthylique généralisée. Et forcément à l?amnésie collective le jour de la Grand Messe. Le D-Day. Celui de la résurrection de General Motors en Bourse. La plus grosse IPO de l?histoire, pour la plus grosse faillite (hors secteur financier). La renaissance d?un des fleurons de la mythologie capitalistique « made in US ». Le phénomène est tel que l?offre des actions du nouveau GM ont été sursouscrites six fois. Pour son retour sur le marché, le titre s?offre même une petite ascension à plus de 9 % en séance. La foule est en délire. Totalement lobotomisée, celle-ci croit à la résurrection après la mort. Une résurrection qui ne tient qu?à la perfusion de 50 milliards de dollars étatiques qui ont permis d?effacer l?ardoise de l?ancien GM. Le nouveau est arrivé, lavé de ses dettes, restructuré, délesté de marques de légende mais toujours sous le coup de ses engagements retraites. En soi, l?équilibre financier du constructeur est toujours aussi instable que de la nitroglycérine. Les actifs de ses fonds de pension censés couvrir ses engagements, dépendent essentiellement des marchés financiers. Risqué par les temps qui courent ... Rien de nouveau en soi. Mais dans les rangs des nouveaux actionnaires qui doivent sûrement en compter d?anciens, l?heure est à l?adulation. Et pour cause, l?abondance de liquidité sur les marchés est par nature propice au retour de l?appétit pour le risque.

Vendredi 19. Pékin Express

Ça va trop vite là-bas. Des mois qu?on en parle. La machine chinoise s?emballe. Elle va trop vite. L?inflation gagne du terrain. Cela pourrait mettre sur la paille la classe moyenne sous-éprouvette. Une rumeur de relèvement des taux balancée mardi, le marché se fait à l?idée. Et puis non, ce sera un relèvement du coefficient des réserves obligataires des banques. Dans le jargon, il s?agit du relèvement du coefficient qui s'applique aux dépôts que doivent obligatoirement constituer les banques auprès de la banque centrale. Celui-ci est relevé de 50 points de base à 18,5 %, soit un niveau record. Deux fois en un mois. Ça commence à sentir le roussi. En clair et avec un petit jeu de mot, il s?agit de brider les banques. Histoire d?absorber les liquidités sur le marché, qu?il n?y en ait pas trop sur le marché pour entretenir le jeu dangereux de la spéculation et de l?inflation. Histoire surtout de préserver ses munitions. De ne pas relever les taux tout de suite. De se laisser une marge de man?uvre pour lutter contre une inflation qui ne va s?arrêter en si bon chemin. Forcément avec l?afflux de liquidités qui se profile depuis que la Fed a décidé que la fin de l?année se ferait sous l?afflux de liquidités ou ne se ferait pas. Plus que jamais il s'agit de ronger son frein, façon Bouddha.
 

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