« Redevenir une marque française qui pèse » : les montres Lip reparient sur la production locale

Rapatrier les savoir-faire en France n’est pas à la portée de tous les secteurs. Mais l'horloger Lip a réussi à conserver certaines de ses compétences à Besançon (Doubs), en dépit de nombreuses délocalisations dans les années 2000. Fort de cet ancrage local, l'artisan veut désormais rapatrier progressivement l'ensemble de sa chaîne de fabrication de montres.
Pour faire face à l'attrait de la Suisse et de ses salaires élevés à seulement quelques kilomètres de Besançon, le patron des montres Lip a trouvé la solution : faire appel à des personnes en reconversion professionnelle.
Pour faire face à l'attrait de la Suisse et de ses salaires élevés à seulement quelques kilomètres de Besançon, le patron des montres Lip a trouvé la solution : faire appel à des personnes en reconversion professionnelle. (Crédits : Amandine IBLED)

« Lip est né à Besançon, Lip doit vivre à Besançon ! Sinon elle perd le sens même de son existence », clame Pierre-Alain Bérard, directeur général de l'historique fabricant de montres. Ce fils d'horloger a été bercé aux sons des « tic-tac » durant toute son enfance. Il se souvient d'ailleurs du traumatisme des Bisontins lorsque Lip s'est retrouvée dans les mains de grands groupes financiers qui ont délocalisé la production en Chine au début des années 2000. « Un conflit social violent a éclaté pour que la marque reste à Besançon. Le fait que nous n'y soyons pas arrivés fût un déchirement pour la population. En rachetant cette marque, nous souhaitions redonner une fierté à un territoire et à un savoir-faire historique », confie Pierre-Alain Bérard.« C'est une revanche sur l'histoire », poursuit-il.

En 2015, la plus ancienne marque française de montres, fondée en 1867, est rachetée par SMB (Société des montres bisontines), l'entreprise de son père. SMB travaillait depuis 1978 en sous-traitance pour des grandes marques telles que Hugo Boss ou Lacoste.

Besançon : le berceau de l'horlogerie

« Nous avons pu redémarrer l'activité à Besançon assez rapidement car le savoir-faire horloger est encore très présent. L'école d'horlogerie forme chaque année de nombreux apprentis. La main-d'œuvre est locale », explique le dirigeant.

Et pour faire face à l'attrait de la Suisse et de ses salaires élevés à seulement quelques kilomètres, le chef d'entreprise a trouvé la solution : faire appel à des personnes en reconversion professionnelle via l'AFPA.

« Ce sont en majorité des femmes, qui reprennent une activité après avoir élevé leurs enfants et exercer un métier qui ne leur convient plus. Elles ont un fort attachement régional et préfèrent gagner un peu moins mais garder une qualité de vie », précise-t-il.

L'entreprise dispose de deux ateliers avec une quarantaine de personnes en production. Les savoir-faire sont les mêmes qu'au 19ème siècle, tout comme les outils. Chaque ouvrier dispose de son propre matériel. « Un outil ne s'échange pas ! », souligne Pierre-Alain Bérard.

Réintégrer le savoir-faire en interne

Pour fabriquer une montre Lip, il faut cinq jours. « Nous dessinons les montres et nous les développons, ici à Besançon. En revanche, nous faisons fabriquer les différentes parties chez des fournisseurs asiatiques : boîtiers, cadrans, bracelet. Ensuite, nous récupérons ces parties pour créer la montre dans nos ateliers. C'est ce que nous appelons la terminaison horlogère », explique Pierre-Alain Bérard.

Un terme à ne pas confondre avec un simple « assemblage » car la terminaison horlogère détermine la complexité du savoir-faire horloger qui exige plusieurs gestes techniques et experts pour fabriquer le produit.

« Certaines étapes peuvent parfois paraître des détails, comme la fabrication des tiges couronnes - qui sert à commander la montre, mettre la date à l'heure et garantir l'étanchéité - qui sont désormais usinées chez nous, mais en réalité cela demande une précision et une régularité absolues. Le fait que nous réalisions cette étape en interne apporte une garantie de qualité supplémentaire pour le consommateur », indique Pierre-Alain Bérard. La volonté du chef d'entreprise est de réintégrer petit à petit le plus de savoir-faire possible.

« Redevenir une marque française qui pèse »

Autre souhait pour Lip : pérenniser l'image de la marque et les savoir-faire actuels afin que la greffe reprenne de manière définitive. « Notre stratégie est de refaire de Lip ce qu'elle a toujours été : française, patrimoniale, avec un excellent rapport qualité/prix afin de redevenir une marque française qui pèse. Nous ne sommes pas une marque de luxe mais une marque populaire. C'est-à-dire qu'un smicard doit pouvoir se payer une montre Lip », explique le directeur général.

Les produits varient entre 200 euros pour un mouvement à quartz et autour des 500 euros pour les mouvements mécaniques et automatiques. Exit les pièces avec diamants ou les boîtiers en or. Pour l'image de la marque, Lip a ressorti des anciens modèles iconiques tels que : Général de Gaulle, Himalaya, Churchill, la TV et la Mach 2000 de Roger Tallon... et plus récemment la Dauphine Élysée sélectionnée parmi les 56 produits Made in France proposés par la boutique de l'Elysée, la Grande Nautic « GIGN » ...

La marque développe aussi un partenariat avec les sapeurs-pompiers et a récemment créée une montre en édition spéciale : « la courage ». La manufacture de maître du temps a renforcé ses effectifs de 12 personnes en 2019 avec la création d'un deuxième atelier. Pierre-Alain Bérard vise deux nouvelles embauches en production pour 2022.

Son chiffre d'affaires est passé de 4 millions d'euros en 2018 à une estimation de 6 millions en 2021. L'entrepreneur est positif : « depuis un mois et demi, nous travaillons en heures supplémentaires, à raison de deux heures de plus par jour. Nous visons les 55 000 montres vendues cette année. »

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