Air Liquide et Siemens Energy lancent un Airbus de l’hydrogène… en Allemagne

Le géant français des gaz industriels Air Liquide et l'allemand Siemens Energy ont donné le coup d'envoi de leur gigafactory commune. Située à Berlin, l'usine ultra-moderne sera capable de produire un gigawatt d'électrolyseurs basés sur une technologie nouvelle génération, et ce, dès sa première année de fonctionnement. Le tandem entend servir le marché européen mais aussi nord-américain.
Le groupe allemand Siemens Energy et le français Air Liquide ont inauguré ensemble mercredi à Berlin une usine stratégique pour la décarbonation de l'industrie lourde.
Le groupe allemand Siemens Energy et le français Air Liquide ont inauguré ensemble mercredi à Berlin une usine stratégique pour la décarbonation de l'industrie lourde. (Crédits : Reuters)

C'est une coopération entre deux entreprises indépendantes. Ni l'État français, ni l'État allemand n'est impliqué, certes. Mais l'alliance entre Air Liquide et Siemens Energy a tout de même des allures d'Airbus de l'hydrogène, la répartition de la production en moins... Les deux entreprises ont inauguré ce mercredi 8 novembre la plus grosse gigafactory d'électrolyseurs, de technologie PEM (reposant sur une membrane d'échange de protons), au monde, en présence du chancelier Olaf Scholz, de son ministre de l'Economie et de l'Environnement Robert Habkeck et du ministre français de l'Industrie Roland Lescure.

Une annonce qui intervient alors que le groupe français s'apprête à démarrer à Oberhausen dans la Ruhr le plus gros électrolyseur du Vieux Continent, d'une capacité initiale de 20 mégawatts (MW) pouvant atteindre, à terme, 30 MW. Ces machines industrielles encore peu déployées à grande échelle, permettent de produire de l'hydrogène sans émettre de CO2 en séparant la molécule d'eau en deux, avec d'un côté l'oxygène et de l'autre l'hydrogène.

Tensions franco-allemandes

Ce mariage franco-allemand dans l'hydrogène pourrait presque apparaître comme une anomalie tant les tensions entre Paris et Berlin sont habituellement fortes dans ce domaine. Et pour cause : le gouvernement allemand s'oppose depuis des mois à ce que l'hydrogène produit à partir d'électricité nucléaire, dont dispose abondamment l'Hexagone, puisse bénéficier d'aides européennes.

Les enjeux de souveraineté autour des filières industrielles clefs pour la transition énergétique semblent avoir balayé ces divergences... Le temps d'une journée au moins. C'est en tout cas ce qu'ont tenté d'afficher les deux camps.

« Cette gigafactory est un projet phare franco-allemand, qui émane d'un dialogue énergétique de nos gouvernements.(...) Nous avons deux mastodontes de l'industrie qui développent un savoir-faire hydrogène, ce qui démontre à quel point nos pays sont proches », a fait valoir Olaf Scholz devant la presse.

Roland Lescure, le ministre français de l'Industrie a, pour sa part, salué une « coopération franco -allemande entre deux champions, » qui ont « des synergies dans l'innovation, dans la production, dans la vente »« Moi, je souhaite que l'Europe soit le champion de la transition énergétique mais pas seulement pour que l'Europe soit verte, pour que l'Europe conquiert le monde », a-t-il lancé devant quelques journalistes français.

Production massive

Située au cœur même de Berlin dans une site centenaire de Siemens Energy, l'usine hautement automatisée, où le ballet des bras robotiques a déjà commencé, produit des stacks : le composant clé des électrolyseurs PEM. Une technologie plus compacte et réputée plus résistante aux fluctuations liées aux intermittences des énergies renouvelables.

Dès cette année, l'usine produira un gigawatt (GW) d'électrolyseurs. La capacité de production grimpera à 2 GW dès l'année d'après, puis à 3 GW la suivante. « Cela signifie qu'en 2030 nous aurons produit 20 GW d'électrolyseurs, soit deux fois l'objectif de capacité que s'est fixé l'Allemagne et la moitié de l'objectif européen », a souligné Anne-Laure de Chammard, membre du comité exécutif de Siemens Energy.

Le projet piloté par une coentreprise dédiée a fait l'objet d'un investissement de 30 millions d'euros. Siemens y a participé à hauteur de 75% et Air Liquide de 25%. Grâce à cette alliance, le groupe français explique être parvenu à travailler en étroite collaboration avec Siemens Energy. Ce qu'une simple relation commerciale n'aurait pas permis de réaliser. Tandis que l'entreprise allemande apporte son expertise dans la technologie PEM et son savoir-faire dans l'industrialisation de la production d'électrolyseurs, Air Liquide apporte, de son côté, le retour d'expérience qu'il possède en tant qu'opérateur, dans l'optique d'améliorer au fur et à mesure le design des électrolyseurs. « Nous avons plus de 40 électrolyseurs aujourd'hui en opération et des milliers d'usines industrielles », souligne François Jackov, le directeur général d'Air Liquide.

Faire monter en puissance le site de Berlin

Très implantée dans les bassins industriels, l'entreprise française apporte aussi de nouveaux débouchés pour Siemens Energy. La gigafactory fournira ainsi les stacks de l'électrolyseur normand'Hy de 200 MW, qui verra le jour dans la zone industrielle de Port Jérôme. Air Liquide affirme avoir également d'autres projets d'électrolyseurs de même envergure en Europe, dont certains en Allemagne.

La coentreprise n'entend pas s'adresser uniquement au marché du Vieux-Continent. Elle a déjà contractualisé un accord de réservation pour 1,8 GW d'électrolyseurs sur le marché nord-américain, notamment avec l'entreprise HIF Global, qui prévoit de développer au Texas une usine géante de production de carburants synthétiques à partir d'hydrogène. Dans l'immédiat, l'idée n'est pas de dupliquer ce type de gigafactory ailleurs dans le monde, mais plutôt de faire monter en puissance la production berlinoise. A moyen terme, le site pourrait même dépasser les 3 GW de capacités annuelles.

Encore faut-il que la demande soit au rendez-vous. Or, de par son coût, l'hydrogène bas carbone reste encore hors de portée pour la grande majorité des industriels. Par ailleurs, une multitude de projets d'électrolyseurs annoncés (quelque 300 milliards d'investissements ont été annoncés à travers le monde) peinent encore à trouver des financements privés, les banques refusant de s'engager sur une technologie encore risquée. « D'ici à 2026, nous serons capables de recueillir des données des premiers grands projets de production d'hydrogène vert et ainsi de dérisquer les futurs projets », a expliqué Anne-Laure de Chammard. « 2026 marquera un point de rupture pour l'économie de l'hydrogène », assure-t-elle.

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Commentaires 5
à écrit le 09/11/2023 à 10:48
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Attention à l utilisateur, ça pourrait péter dur. Engouement purement politique, pendant ce temps AL en profite et a bien raison. Tout ça finira à la poubelle.

le 09/11/2023 à 11:45
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C'est pourtant l'avenir. L'essence aussi est dangereux.

à écrit le 09/11/2023 à 8:07
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Une association avec des allemands qui nous détestent est profondément grotesque mais l'argent a ses raisons que la raison ignore.

à écrit le 09/11/2023 à 1:33
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Moins d'impôts de production, ça compte; étant donné que le calendrier de baisse promis ne sera pas tenu, ça nous passe sous le nez et tant pis pour la planète.

à écrit le 08/11/2023 à 22:38
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Tout cela produit avec l'électricité des centrales à charbon locales.

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