Lithium : l’Allemagne consolide sa filière, bien décidée à jouer un rôle dans la souveraineté européenne

En Allemagne, la ville de Bitterfeld-Wolfen, autrefois synonyme de désastre écologique, est en train de devenir un site clé de l'ambitieuse transition verte du pays. C’est là qu’une usine de raffinage du lithium va commencer à produire au mois de mai ce composant rare mais indispensable aux batteries de voitures électriques. Et dont l’Union européenne veut accroître la production localement pour moins dépendre de ses importations.
Dès le mois de mai, le lithium commencera à être produit dans l'usine d'AMG Lithium à Bitterfeld-Wolfen en Allemagne.
Dès le mois de mai, le lithium commencera à être produit dans l'usine d'AMG Lithium à Bitterfeld-Wolfen en Allemagne. (Crédits : WASHINGTON ALVES)

Bitterfeld-Wolfen est loin de faire partie des villes allemandes les plus connues. Cette localité de moins de 40.000 habitants à quelque 140 kilomètres de Berlin - ancien bastion sinistré de l'industrie chimique est-allemande et longtemps une des villes les plus polluées du pays - est pourtant en passe de reprendre une place cruciale pour l'industrie allemande et même européenne. Car c'est là qu'est installée la première raffinerie de lithium à grande échelle du pays, composant rare et indispensable à la fabrication des batteries électriques pour lequel l'Europe souhaite réduire sa dépendance aux importations.

Dès le mois de mai, la poudre blanche commencera à y être produite. Ce site de Bitterfeld-Wolfen a été choisi pour accueillir une usine en raison de sa « proximité avec les clients », les acteurs de la puissante filière automobile allemande, explique Stefan Scherer, patron d'AMG Lithium, dont l'entreprise a lancé ce projet il y a plus de quatre ans. « Nous discutons déjà avec des responsables politiques des ressources financières nécessaires à notre expansion future », affirme-t-il d'ailleurs.

Selon son patron, le premier module de l'usine AMG pourra produire 20.000 tonnes d'hydroxyde de lithium par an, ce qui suffit à fabriquer environ un demi-million de batteries de voiture. D'autres pans pourront être ajoutés ultérieurement pour atteindre les 100.000 tonnes de capacité, soit « jusqu'à 20% » de la demande en Europe, avance-t-il. Le lithium à raffiner sera dans un premier temps importé du Brésil.

Lire aussiLithium : les prix chutent, mais la course à la sécurisation de l'approvisionnement s'intensifie

Un pas de plus vers (la difficile) indépendance

L'Europe voit sa dépendance aux importations de métaux rares comme un handicap croissant dans un contexte de tensions géopolitiques, notamment avec la Chine. Sans être le plus grand producteur de lithium brut, la première puissance asiatique dispose de la majorité de la capacité de traitement mondiale, ainsi que d'une grande partie de la production de batteries.

C'est pourquoi l'Union européenne a présenté l'an dernier des propositions pour sécuriser les approvisionnements, augmenter l'extraction et le traitement des matières premières critiques indispensables à l'industrie européenne, du lithium au cobalt en passant par le nickel des batteries automobiles. L'un des objectifs de l'UE est de pouvoir assurer 40% du raffinage des matériaux jugés critiques sur son territoire. D'où l'importance de projets industriels comme celui de Bitterfeld-Wolfen.

En matière de lithium, la France compte d'ailleurs aussi apporter sa pierre à l'édifice. Dans l'Allier, Imerys, le leader mondial des minéraux industriels, prévoit de produire d'ici à 5 ans 34.000 tonnes d'hydroxyde de lithium. Ce volume permettra de fournir ce métal stratégique aux constructeurs de batteries pour équiper 700.000 véhicules électriques par an. Un autre projet est en étude en Alsace, porté cette fois par le groupe minier français Eramet et Électricité de Strasbourg. Ils y envisagent une production de 10.000 tonnes de lithium de source géothermale, ce qui permettrait de fournir 250.000 batteries de véhicules électriques par an. En mars dernier, Lithium de France a levé 44 millions d'euros pour explorer le sous-sol alsacien et lancé la production de lithium géothermal d'ici 2026.

Les projets se multiplient sur le sol européen

Outre le raffinage sur le continent européen, l'une des autres ambitions de l'UE est de s'approvisionner localement en ressources rares. Consciente que cela s'avérera difficile, elle s'est fixé un objectif assez modeste : atteindre seulement les 10% d'extraction en local. Ce qui suppose de disposer de mines.

Lire aussiLa France s'intéresse au lithium chilien pour construire ses batteries électriques

L'Allemagne veut là encore tirer son épingle du jeu. Dans une ancienne région minière de l'est du pays, à Zinnwald, commune située près de la frontière tchèque, un projet soutenu par AMG vise à exploiter un gisement de lithium jugé prometteur. Ce projet, et d'autres du même type, pourrait d'ailleurs constituer un « rouage essentiel » pour atteindre l'objectif de l'UE, affirme à l'AFP Anton du Plessis, PDG de Zinnwald Lithium, qui espère que la mine de Zinnwald fonctionnera à plein régime d'ici la fin de la décennie.

Reste que les plus importantes réserves de lithium d'Europe se trouvent sous le sol portugais. Des ressources que le pays compte bien exploiter. En 2023, il a d'ailleurs obtenu le feu vert pour deux projets de mines situées dans le nord, sous réserves de conditions à respecter. Le Portugal est déjà le principal producteur de lithium en Europe mais, pour l'instant, sa production sert entièrement à la céramique et à la verrerie. À terme, elle trouvera d'autres utilisations, comme dans la fabrication des batteries électriques pour remplacer les moteurs thermiques.

(Avec AFP)

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.