Lithium : les prix chutent, mais la course à la sécurisation de l'approvisionnement s'intensifie

La chute des cours du lithium, un métal stratégique indispensable à la transition énergétique, reflète davantage le ralentissement de l'économie mondiale qui pèse sur les ventes de véhicules électriques équipées de batteries lithium-ion que d'une surproduction du métal. Au contraire, alerte l'Agence internationale de l'énergie (AIE), il faut développer la production pour atteindre la neutralité carbone en 2050, ce que la Chine fait à travers de multiples projets à travers le monde.
Robert Jules
Vue d'une fonderie de lithium à Yichun, dans la province du Jiangxi.
Vue d'une fonderie de lithium à Yichun, dans la province du Jiangxi. (Crédits : Reuters)

Le risque de pénurie de lithium, un métal utilisé dans la fabrication de batteries des véhicules électriques, est-il avéré ? Après avoir vu son prix s'envoler entre novembre 2020 et novembre 2022 de quelque 1.400%, pour atteindre un pic de près de 600.000 yuan (77.990 euros), sur le marché chinois (qui sert de référence internationale), la tonne de carbonate de lithium (composé qui sert à produire le lithium) est retombée aux environs de 169.500 yuan (22.033 euros).

lithium cours

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Signe de ce trou d'air, le constructeur automobile Ford a annoncé cette semaine suspendre les travaux de sa nouvelle usine de batteries (lithium-fer-phosphate) dans le Michigan, dans laquelle il investit 3,5 milliards de dollars, préférant temporiser pour s'assurer que l'unité sera bien rentable.

Ralentissement économique

Cette baisse s'explique par des raisons conjoncturelles, notamment le ralentissement économique dans de nombreux pays. Celui-ci réduit en effet les ventes de véhicules électriques et les subventions publiques accordées au secteur. Ainsi, les producteurs de batteries électriques, notamment chinois qui dominent le marché, voient leurs stocks grossir.

Elle s'explique aussi par la hausse de l'offre de ce métal. « La production minière de lithium a augmenté d'environ 80% entre 2020 et 2022 », note l'Agence internationale de l'énergie (AIE) dans sa mise à jour du rapport « Net Zero Roadmap », publiée cette semaine.

« Les investisseurs réagissent aux prix élevés. Les projets annoncés pour augmenter la capacité d'extraction du lithium ont augmenté de 14% entre la fin de 2022 et le deuxième trimestre de 2023 », souligne l'agence.

La sécurisation de l'approvisionnement en lithium est devenue une priorité pour les entreprises en Asie, en Europe et en Amérique du Nord, favorisant les alliances stratégiques et les joint-ventures entre les constructeurs automobiles et les sociétés minières. Plusieurs projets miniers sont en cours de développement ou d'exploration aujourd'hui en Australie, Autriche, Brésil, Canada, Chine, en République démocratique du Congo (RDC), République Tchèque, Éthiopie, Finlande, Allemagne, Ghana, Kazakhstan, Mali, Namibie, Nigeria, Pérou, Portugal, Russie, Serbie, Espagne, Thaïlande, Etats-Unis et Zimbabwe, répertoriés par l'Institut d'études géologiques des États-Unis (USGS). Une longue liste à laquelle on peut ajouter la France et l'Inde.

Le lithium est aussi exploité à partir de saumure. Dans ce cas aussi, des projets sont en cours dont certains en phase de finalisation en Argentine, en Bolivie, au Chili, en Chine et aux Etats-Unis, auxquels il faut ajouter le lithium tiré d'argile au Mexique et aux Etats-Unis, indique l'USGS.

Pour autant, dans le scénario actualisé NZE (qui vise la neutralité carbone en 2050) de l'AIE, l'offre prévue en fonction des projets d'extraction annoncés permettrait de répondre à environ 90% de la demande en 2030 pour le cuivre, 80% pour le nickel, 85% pour le cobalt, mais à peine 65% pour le lithium.

Nécessité d'investir

Structurellement, il est nécessaire d'augmenter la production de lithium et donc d'investir. La France a d'ailleurs signé cette semaine deux accords bilatéraux avec l'Australie et le Canada pour favoriser le développement des métaux stratégiques.

« Il s'agit de développer ces filières de minéraux critiques sur le plan de l'extraction, du traitement, du recyclage, de favoriser les coopérations industrielles et universitaires en matière de recherche et de développement », entre les entreprises françaises et de ces deux pays qui ont les mêmes standards sociaux et environnementaux, a indiqué le ministère de la Transition écologique.

« Les dépenses d'investissement pour le développement des minéraux critiques ont augmenté de 20% en 2021 et de 30% supplémentaires en 2022. Les dépenses d'exploration ont également augmenté de 20% en 2022, grâce à une croissance record de l'exploration du lithium », souligne l'AIE. Mais cela reste insuffisant, notamment pour réduire la concentration de l'offre des métaux stratégiques et augmenter la diversification des sources d'approvisionnement. Aujourd'hui, trois pays à peine exploitent quelque 90% de la production minière mondiale de lithium : l'Australie, le Chili et la Chine.

L'agence pointe aussi ce problème pour « les opérations de raffinage et de traitement » du minerai, dont la plupart des projets prévus sont développés par les producteurs historiques. « La Chine représente la moitié des projets de raffinage du lithium et l'Indonésie près de 90% des futures fonderies de nickel », relève-t-elle.

L'Empire du Milieu est même en train d'accentuer sa domination pour sécuriser ses besoins de métaux stratégiques afin d'accélérer sa transition énergétique. « La position dominante du pays dans les terres rares étant fermement établie, les entreprises chinoises sont à la recherche du prochain minéral stratégique : le lithium », souligne une étude de Standard & Poor's Global intitulées « L'influence mondiale de la Chine s'accroît grâce aux métaux stratégiques ».

Les entreprises chinoises à la manœuvre

Outre les batteries (lithium-ion et lithium-fer-phosphate) des véhicules électriques, le lithium est crucial pour les téléphones portables, les énergies renouvelables et les superordinateurs. Or, les entreprises chinoises comme Ganfeng Lithium et Tianqi Lithium ou encore des groupes plus diversifiés, comme Zijin Mining Group, mettent les bouchées doubles pour assurer l'accès au lithium.

Ainsi, pour la seule exploitation du lithium, les compagnies chinoises sont présentes en Amérique latine, au Mexique, en Bolivie, au Chili et en Argentine (sur 13 sites !) et en Afrique, au Mali, en RDC, en Namibie (4 sites) et au Zimbabwe (4 sites), selon les données des experts de Standard and Poor's Global.

Ces derniers rappellent également que, depuis 2018, sur les 20 opérations de fusions-acquisitions (pour des montants supérieures à 100 millions de dollars) dans le secteur du lithium, 10 étaient le fait de groupes chinois.

La stratégie de la Chine répond à la nécessité pour les fabricants de batteries de s'inscrire dans une intégration verticale afin de réduire la volatilité des prix des métaux stratégiques et surtout de pouvoir répondre aux besoins du marché chinois. La production de batteries y a presque quintuplé entre 2022 et 2020, et le taux de pénétration des véhicules électriques dans le pays a atteint 15% en 2021 et 27% en 2022. Avec en ligne de mire la domination sinon du marché mondial des véhicules électriques au moins des batteries.

Robert Jules

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Commentaires 3
à écrit le 29/09/2023 à 8:05
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Signe de l'ampleur de la crise économique que nous impose notre classe dirigeante.

à écrit le 28/09/2023 à 19:47
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Il y a des erreurs factuelles dans l'article. Par exemple, la suspension de la construction de l'usine de batteries de Ford aux Etats-Unis n'a rien a voir avec les hauts et les bas du marché du carbonate de lithium, et tout a voir avec le fait que Fo...

à écrit le 28/09/2023 à 17:10
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Ne serait ce pas aussi qu'il y a d'autres alternatives au lithium ?

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