Chronique de François Simon : Datil, libellule sur le lac

CHRONIQUE CHAUD DEVANT - François Simon a testé le restaurant Datil, à Paris. Un restaurant qui tient à « faire à manger avec la conscience de la protection du vivant sous toutes ses formes ».
Chronique de François Simon
Chronique de François Simon (Crédits : DR)

C'est l'idole des foodies parisiens, la madone elliptique des fourneaux cultivant son aura en « nomadant » à rendre dingo ses groupies : Le Mermoz, Le Perchoir, le Chalet du Lac... La voici enfin posée sur une branche fragile, rue des Gravilliers. Le restaurant s'appelle Datil, nom d'une variété de prune ancienne qui a failli disparaître. Manon Fleury a jusqu'alors déroulé des expériences affûtées (avec les chefs William Ledeuil, Pascal Barbot, Alexandre Couillon...), elle a pu ajuster une philosophie irréprochable, vertueuse et virginale comme les tenues immaculées de son équipe : circuit court, sourcing local, zéro déchet, témoignant d'une passion authentique, quasi druidique. Elle apparaît comme une fée Mélusine, comme extraite de son temps, essentialisée. Elle présente une cuisine au souffle juste mais court, au bord de l'estompé, effleurant sans se poser comme la libellule sur le lac : infusions, tulle, mousse. Il y a là un langage propre à son époque et à ses nourritures don't touch me ; ou alors juste à peine. Le radis et saint-jacques en ondulations design apporte une touche audacieuse : on croque dans la nature avant que n'arrivent blette et cacahuète, oubliant que cette dernière est sacrément intrusive, style faux derche balançant sans vergogne au fossé un brave morceau de poisson passant par là. Il faut lire dans la cuisine de Manon Fleury une gastronomie inversée où le végétal vient non seulement s'interposer, mais occuper le haut de l'affiche, comme ces côtes de blette blanchies magistrales, envoyant aux oubliettes la protéine animale. Parfois, on voudrait que sa voix s'élève, qu'elle articule au-delà du songe ourlé, mais ses plats passent avec élégance, nous laissant au-dessus d'une infusion de sureau, décentrés et vaguement subjugués. Sans doute la gastronomie, lassée de ses satanés umamis, a-t-elle besoin maintenant d'un chant plus serein, plus apaisé. Sans doute attendions-nous cette table pastorale...

Datil
13, rue des Gravilliers (Paris 3e).
Menus à partir de 65 euros.
datil-restaurant.fr

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