Didier Fusillier, l'enchanteur de l'art

L’ardent et atypique président du Grand Palais et de la Réunion musées nationaux prépare les JO et une riche année 2025.
Didier Fusillier sous la verrière du Grand Palais.
Didier Fusillier sous la verrière du Grand Palais. (Crédits : © AMÉLIE DEBRAY/RMN-GP)

Didier Fusillier est un fou furieux qui n'est ni fou ni furieux. Ce Merlin l'Enchanteur de la République va faire vibrer le mythique Grand Palais et mettre en lumière une quinzaine de musées en France. Ce grand patron (deux mètres d'altitude) attend de l'art qu'il le dérange, le conduise vers ce qu'il ne connaît pas. Le président aime recevoir des torgnoles artistiques comme on dit dans son Nord natal. Il fait tout pour en recevoir. Il sort, déniche depuis toujours. L'art n'est pas venu à lui. L'homme s'est offert la culture.

Des parents greffiers, peu de culture à la maison. Près de Valenciennes ou Maubeuge où il vit dans les années 70 : rien. Pour grignoter de l'art il franchit la frontière belge, goulûment. Didier Fusillier : les frontières, même pas peur. Au-delà d'une frontière, il y a l'inconnu, l'excitation de la découverte. Plus tard, dans l'art, Fusillier essaiera de les bousculer, de les abolir. Il aime unir toutes les formes d'expression. Le style Fusillier c'est ça. Le garçon connut ses premiers émois artistiques au musée des Beaux-Arts d'Anvers où il fut enrubensé, fasciné par l'immensité des toiles de Rubens. « Ce fut vertigineux. Tout était dans la démesure et ça m'emportait. J'avoue aussi avoir été terrifié par le grand escalier qui conduit au musée. Chaque marche me rendait tout petit. Je me demandais ce que j'allais faire dans ce lieu haut perché. Les portes franchies, j'étais englouti. »

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Didier Fusillier aime beaucoup ce mot. Englouti, il le fut souvent en se rendant à Bruxelles, centrifugeuse de chorégraphes audacieux. Englouti, la première fois que le spectacle vivant, un cirque, vint à lui installant son chapiteau au bout de son morne quartier. Au bord de la piste, l'art amiclota immédiatement Didier Fusillier, autre expression nordiste signifiant cajoler. Fusillier rencontre Arlette Gruss, patronne de son propre chapiteau. Sachant ne pas laisser filer ses chances, il travaille avec la grande Arlette à qui il n'oublie jamais de rappeler qu'il doit beaucoup. Il est probable que le cirque fasse une entrée spectaculaire au Grand Palais. Quant à la danse dévorée à Bruxelles, elle sera un pilier de l'ère Fusillier. Le Grand Palais se rapproche de Chaillot, Théâtre national de la danse. Fusillier étant un grand gourmand, il dévore cirque, danse, expositions et théâtre qu'il commença à lire bien avant de le voir sur scène grâce à de formidables professeurs. Il place d'ailleurs l'éveil à la culture au cœur de ses actions.  Un enfant émerveillé devient un adulte enchanté à vie par l'art, dans la nécessité de celui-ci. L'histoire de Didier Fusillier ?

"Je passe ma vie à pousser les portes et j'adore ça"

Comment ce grand patron s'est-il fait une telle place sous le soleil de l'art ? L'homme est un trampoline à idées. Il possède un flair immense, identifiant les maux, les manques de notre société. Une détermination courtoise l'aide à faire passer les idées les plus inattendues auprès de celles et ceux qui ont parfois peur de ce qu'ils ne connaissent pas, peur de leurs ombres fragiles. Fusillier sait rassurer ceux qui ont peur. Il aurait pu être un de nos plus mémorables et imaginatifs ministres de la Culture si ce qu'il faut faire pour l'être et le rester était dans ses capacités. Celles-ci sont limitées quant à la flagornerie. Son sens inaliénable de sa liberté est peu compatible avec l'art du compromis. Martine Aubry, maire de Lille, l'a compris, lui donnant indéfectiblement carte blanche afin d'enflammer la ville, réveillant des lieux oubliés, la mettant en liesse en de gigantesques fêtes. Le festif et le convivial sont la signature de Fusillier.

Nous nous rencontrons dans un établissement appelé « le café populaire ». Il dira « parce que c'est près de mes bureaux ». Ne pas le croire. Le mot populaire est bien un mot clef pour Didier Fusillier qui le résume bien. « Ici j'aime les banquettes à la flamande car elles permettent la possibilité de glisser vers quelqu'un qu'on ne connaît pas. Pour l'art, c'est la même chose. J'aime aller vers ce que je ne connais pas. » La culture vous a-t-elle sauvé de quelque chose ? « C'est plus que cela. Pour moi, c'est une façon de vivre bien plus qu'un refuge. Je passe ma vie à pousser les portes et j'adore ça. Je viens de découvrir le monde des magiciens-mentalistes. Je ne connaissais pas ce genre de spectacle. J'ai été séduit. Je me demande déjà ce que je vais pouvoir en faire. »

Didier Fusillier aime jouer au foot alors jouons. Ces musées dépendent de lui : le musée national de la Préhistoire aux Eyzies remonte notre histoire jusqu'il y a 400 millénaires. À quelle époque auriez-vous aimé vivre ? « Je suis très bien avec aujourd'hui. Je n'idéalise pas avant. Je ne me dis jamais que c'était mieux avant. Quel avant ? Si je pense à cet avant pas si vieux où il n'y avait pas de radios libres par exemple. Était-ce mieux avant ?»

Le musée Magnin de Dijon expose des horloges. Le temps est-il un ami ou un ennemi ? « En général, je ne fais pas attention au temps qui passe, mais depuis que je dirige le Grand Palais, je le vois, au premier degré, car on voit le ciel au-dessus de soi tant la verrière est immense. On voit le ciel, la lune. On devine l'heure sans que cela soit angoissant tant c'est beau. On n'a pas besoin de montre au Grand Palais. C'est lui qui donne l'heure. »

Le Grand Palais a été construit en trois ans pour l'Exposition universelle de 1900. Cinq architectes ont été retenus, chacun ayant son espace réservé. Le bâtiment est plus grand que Versailles. Le pic de la verrière est plus haut que le premier étage de la tour Eiffel. Ce chef-d'œuvre a frôlé la destruction. Dans les années 60, l'architecte Le Corbusier proposa son éradication mais il mourut à peine son idée émise. Cent vingt-quatre ans après l'inauguration du Grand Palais, celui-ci poursuit sa vocation mêlant sport, événements en tous genres et expositions. Dans quelques semaines dans le cadre des JO, les épreuves d'escrime et taekwondo s'y dérouleront.

En 2025, la fête commence, l'ère Fusillier entame son bal. Des expositions made in Centre Pompidou y auront lieu, ce dernier fermant pour plusieurs années. Niki de Saint Phalle est annoncée de même que l'arrivée de l'art brut, une consécration. Des œuvres joyeuses et gonflables viendront chatouiller la nef. Des fêtes permettant de goûter toutes les formes d'expression sont d'ores et déjà imaginées par Didier Fusillier.

Ni fou ni furieux, Fusillier ? Un peu quand même mais l'homme sait être pragmatique sans pour autant castrer le Merlin l'Enchanteur qui partage aujourd'hui tout ce qui l'a émerveillé hier.

Didier Fusillier en 5 dates

1993

Dirige la Maison des arts et de la culture André-Malraux, à Créteil

1998

Directeur général de Lille, capitale européenne de la culture en 2004

2015

Président de la Villette

2019

Conçoit la 18e édition de la Nuit blanche à Paris

2023

Président du Grand Palais et de la Réunion des musées nationaux

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