Elle irradie. Assise, sagement, dans un bureau du Théâtre de la Bastille, où vont se donner les représentations de Showgirl, elle est au calme. Accueillante et sereine, apparemment. Souriante. Belle, très belle, avec ce visage aux traits fins, son teint clair, sa chevelure sombre, son regard vif. L'harmonie qui émane de tout son être, sa silhouette pulpeuse, rassurent. Elle est l'amie des chats. Il y a du chat voluptueux en elle. On pense aussi à la petite fille qu'elle a dû être. Très sagace et mutine.

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Showgirl

Le soir même, Marlène Saldana sera loin de Paris, pour une nouvelle représentation du Ciel de Nantes, l'un des derniers spectacles de Christophe Honoré, actuellement en tournée. Elle aime la vie de voyage, elle aime être en route avec les groupes à géométrie variable, les artistes qui, depuis quelques années, forment la galaxie du cinéaste épris d'art dramatique.

« Je suis très émue par l'accueil du public d'une ville à l'autre, dit-elle. Il y a toujours beaucoup de monde. C'est comme si chacun reconnaissait dans les personnes évoquées quelque chose de sa vie même. Il est vrai qu'il s'agit d'une histoire de famille. »

Parallèlement à sa plongée dans les troupes, Marlène Saldana a toujours tenu le fil d'aventures plus personnelles, et notamment avec Jonathan Drillet, un petit frère passionné d'art et d'histoire de l'art, de dramaturgie, de jeu, de mise en scène. Et de danse. Il a d'ailleurs travaillé avec Raimund Hoghe, entre autres artistes singuliers.

Ces jours-ci, au Théâtre de la Bastille, on va donc découvrir Showgirl. Sans s à la fin. Une histoire inspirée de Showgirls, avec un s, film de Paul Verhoeven datant de 1995. « C'est un spectacle que nous avons déjà joué une cinquantaine de fois, depuis la première, en septembre 2021 à Genève, jusqu'à quatre dates à Chaillot, en mars 2023. Il est né de la suspension de toute représentation au moment du Covid, alors que je participais à un travail de Boris Charmatz. Il y avait, à l'intérieur de cette pièce, un solo inspiré de Showgirls. Un film que j'adore et qui, après avoir été écrasé par la critique, haï du public à sa sortie, est devenu culte et cultissime dans le monde de la danse. J'ai toujours été très touchée par le destin d'Elizabeth Berkley, la comédienne qui incarnait l'héroïne, Nomi Malone. Elle était un espoir. Elle n'avait que 21 ans. Elle a été détruite par cette violence dont il lui était alors impossible de parler... Elle vendait des tee-shirts du film... Verhoeven l'a beaucoup défendue et, aujourd'hui, elle parle beaucoup de cette aventure. »

Passer d'un univers à l'autre

N'en disons pas plus. Une scénographie de Sophie Perez, un volcan en forme de mamelon qui évoque le décor d'Oh les beaux jours, des costumes, perruques et maquillages de Jean-Biche dans les lumières de Fabrice Ollivier. Musichall, kitsch, provocations, danse, dans les flots de musique techno de Rebeka Warrior. C'est Las Vegas, son univers impitoyable et scabreux.

Marlène Saldana aime passer d'un univers à un autre. Il y a cinq ans, elle avait reçu de la part du syndicat de la critique le prix de la meilleure comédienne pour le rôle de... Jacques Demy, dans Les Idoles de Christophe Honoré. Elle a également travaillé avec Jeanne Balibar, Marcial Di Fonzo Bo, Yves-Noël Genod, Théo Mercier, entre autres. Elle déploie ses talents sur un spectre très large et moiré. Elle brûle les planches. Elle occupe la scène, et dès qu'elle surgit on ne voit qu'elle. Une déesse descendue des cintres, une apparition. Elle a suivi avec détermination et émerveillement le chemin qui l'a conduite de Tassin-la-Demi-Lune, où elle a grandi, des études chez les religieuses, de son bac, de son goût pour l'anthropologie et la préhistoire, jusqu'à cette école formidable que fut pour elle La Scène sur Saône. Et comme elle est active, curieuse, elle a décroché un stage avec Edward Bond, qu'elle a découvert drôle et détendu et de qui elle a beaucoup appris. « Il m'a changé la vie, ce monsieur. Il m'a appris à ne pas avoir peur. »

Avec Jonathan Drillet et leur compagnie, Marlène Saldana est au travail sur un nouveau projet. Une audacieuse histoire, qui s'intéresse aux interprètes de Cats et à ce qu'ils penseraient aujourd'hui, sur fond de changement climatique et d'incertitudes universelles. Trois générations, onze interprètes pour dix chats et un mouton. « Et le mouton, ce sera moi. » Rendez-vous pour Les Chats, au Théâtre du Nord, en novembre prochain.