Ferroviaire : les trains de nuit se réveillent

Ils ne faisaient plus rêver… Les voilà revenus en grâce ! En trois ans, le nombre de dormeurs du rail a doublé.
(Crédits : Divergence)

Caroline, francilienne de 36 ans, a récemment profité d'un long week-end pour descendre à Toulouse en train de nuit. Une première pour elle. « Cette façon de voyager m'évoquait des passages de Fantômas, le Transsibérien... tout un imaginaire culturel et populaire que je n'avais jamais expérimenté. Je dois dire que j'ai bien dormi, bercée comme dans un bus de nuit. » Elle a choisi l'option couchette en seconde. Neuf heures et vingt et une minutes de trajet qui lui ont laissé le temps de faire connaissance avec ses compagnons de wagon. Dont « une dame habituée autrefois aux trains de nuit et qui se réjouissait de leur remise en fonction ». « C'est sûr que l'on fait des rencontres qu'on ne ferait jamais ailleurs », s'enthousiasme-t-elle. Plus encore que de jour, le trajet fait pleinement partie du voyage.

On les surnomme les « trains d'équilibre des territoires ». En 2021, sur fond de gros son rap, c'est le ministre des Transports d'alors, Jean-Baptiste Djebbari, qui faisait sur TikTok la promotion de la relance de ces liaisons nocturnes intercités que tout le monde avait oubliées ou qu'on évoquait avec nostalgie. Et pour cause, elles avaient bien failli disparaître. De 67 en 2000, leur nombre avait chuté à 2 en 2016, comme la fin d'une époque. Mais depuis que les locomotives ont réinvesti la nuit, on ne les arrête plus. Après le retour du Paris-Toulouse-Cerbère en 2017 et du Paris-Nice en mai 2021, le gouvernement a inauguré en grande pompe en décembre de la même année le Paris-Briançon et le Paris-Tarbes-Lourdes, lequel dépose les voyageurs au pied des Pyrénées en dix heures de voyage depuis la capitale. Aujourd'hui, sept lignes desservent le réseau nocturne. Et en décembre prochain, Paris-Aurillac va voir le jour, tandis que dans le Sud-Ouest le nombre des dessertes de l'« Occitan » et du « Pyrénéen » augmentera significativement. Parallèlement renaissent aussi les lignes de nuit reliant Paris aux grandes capitales européennes. Après Vienne en 2021, on pourra rejoindre Berlin en décembre, avant Barcelone et Zurich via Lyon en 2024.

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Ce renouveau s'inscrit dans un double contexte : la volonté de réduire l'empreinte écologique des déplacements et de proposer des options de voyage à des tarifs plus accessibles. Et ça marche. « Le nombre de voyageurs sur ces lignes est passé de 350 000 en 2019 à 700 000 en 2022, confie un responsable de la SNCF. Sur les deux lignes les plus fréquentées, le Paris- Toulouse et le Paris-Nice, on trouve aussi une clientèle professionnelle qui n'utilisait pas ce service auparavant. » Paul, 46 ans, directeur commercial dans un grand groupe pharmaceutique, est de ceux qui préfèrent aujourd'hui trimballer leur valise cabine dans un wagon plutôt que dans l'avion : « À quatre collaborateurs, nous avons pris le train de nuit arrivant à 9 heures, pour une réunion fixée à 11 heures à Nice. C'était très confortable puisque nous avions réservé en première, et un wagon juste pour nous quatre. »

« C'est sûr que l'on fait des rencontres qu'on ne ferait jamais ailleurs »

Caroline, usagère

Pas trop étrange d'être allongé en face d'un collègue ? « Voir son N+1 en chaussettes, c'est sûr que ça fait un peu bizarre, rigole le quinqua. Pour la nuit nous avions instauré une règle : boules Quies obligatoires à partir de minuit histoire de rester dans le flou quant à d'éventuels ronflements. »

Dans la famille des nouveaux voyageurs nocturnes, on trouve aussi les nostalgiques qui se souviennent des couvertures en laine et des chamailleries de leur enfance pour la couchette du haut. Comme Sandrine, designeuse textile de 56 ans, déjà une habituée. Le train de nuit, elle adore ça ! Propriétaire d'une maison entre Montpellier et Rodez, elle saute dedans dès qu'elle en a l'occasion. « Ça me rappelle les trajets qu'on faisait avec mes parents, confie-t-elle. Je trouve l'ambiance à bord grisante. J'aime l'idée de monter dans le train à la nuit tombée, puis les arrêts en gare, les annonces du contrôleur qui marquent les étapes même si ça me réveille un peu parfois. Cela me fait voyager dans tous les sens du terme. » Quand son mari ne l'accompagne pas, elle choisit l'option « dame seule », proposée gratuitement sur réservation et qui permet à des femmes voyageant en solo ou accompagnées d'enfants de moins de 12 ans de choisir un compartiment sans hommes. En 2022, 80 000 options ont été réservées sur l'application. « C'est assez amusant de partager un moment d'intimité entre femmes, reconnaît Sandrine. Il y a celles qui se couchent et remontent le drap sur le visage pour signifier qu'elles ne veulent pas être importunées, et puis d'autres qui entament un brin de conversation. Moi, je laisse venir. »

Chez les jeunes voyageurs de plus en plus sensibles au flight shaming (la honte de prendre l'avion à cause de son impact environnemental), les trains de nuit ont aussi trouvé leur public. Pour en faire la promotion, la SNCF s'est notamment associée à des influenceurs voyage suivis par des centaines de milliers de followers, comme Bruno Maltor qui, dans une vidéo YouTube, a partagé son expérience enthousiaste pour les liaisons ferroviaires nocturnes. En ces temps d'inflation, le prix est aussi un argument massue, avec des billets à partir de 19 euros assis et 29 euros sur une couchette. C'est ce qui a décidé Gaston, 21 ans, fraîchement converti : « Quand on prend l'avion avec une compagnie low cost, le prix des bagages alourdit fortement la facture. Le train de nuit est beaucoup moins cher et on arrive direct en centre-ville. » Il reconnaît toutefois avoir pour son dernier trajet nocturne « poussé le bouchon trop loin » en choisissant de voyager assis. « Résultat, je n'ai pas beaucoup dormi. »

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Commentaire 1
à écrit le 16/10/2023 à 8:41
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"Ils ne faisaient plus rêver…" Parce que nos dirigeants sont compromis soumis à la botte des lobbys dont le train ne fait pas partie ils ont massacré et continuent encore de massacrer le moyen de locomotion préféré des français. J'espérais que nous a...

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