La réforme des agences de notation déçoit

Le commissaire européen, Michel Barnier, présentait mardi son projet de réglementation sur les agences de notation. Contre toute attente, il n'a pas proposé de suspendre la notation souveraine d'un pays en difficulté, comme certains le prévoyaient. Du coup, le texte semble vidé de sa substance et laisse sans voix ceux qui attendaient une véritable réforme.
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La régulation de la finance n'est décidément pas un long fleuve tranquille. Michel Barnier a dû se livrer mardi à un exercice de rétropédalage assez périlleux au sujet des agences de notation. Alors qu'il avait déjà assuré une large publicité au projet de réglementation qui devait être adopté par le collège des commissaires européens réuni à Strasbourg, il a finalement renoncé à deux propositions clés concernant la notation des dettes souveraines et la concentration du secteur. « J'ai proposé de différer la suspension de la notation souveraine » prévue initialement dans certains cas exceptionnels, a-t-il admis lors d'une conférence de presse tardive. Pendant ce temps, ses services s'activaient pour mettre à jour les documents destinés à la presse. Les confrères scandinaves, choqués par l'idée même d'une interdiction d'une notation, jugée comme une entrave à la liberté d'expression, sur le modèle américain, auraient été à l'origine de cette fronde, selon nos informations.

Une autre mesure phare a dû être provisoirement mise de côté : l'interdiction pour les trois grandes agences de procéder à des acquisitions pendant les dix années suivant l'adoption du texte. « Nous allons prendre plus de temps » pour étudier la faisabilité de cette règle, a-t-il dit. Michel Barnier ne s'avoue pas vaincu. Il a clairement laissé entendre que la Commission conservait tout son droit d'initiative et qu'elle pourrait réintroduire ces propositions à la faveur du débat parlementaire qui est désormais ouvert.

Leonardo Domenici, le député socialiste italien chargé de préparer la position du Parlement sur ce nouveau texte, qui ne disposait visiblement pas de la version définitive du texte mardi en début de soirée, s'est inquiété du tour « inhabituel et laborieux » pris par l'adoption du texte au collège. La proposition « manque de certains éléments importants et se révèle moins ambitieuse que prévu ». C'est « inquiétant d'un point de vue institutionnel et politique », a-t-il affirmé.

Balayant ce contretemps, Michel Barnier a assuré que « le sujet principal » restait « la dépendance aux notations ». Un sujet ouvert dès les premières réunions du G20 et que Bruxelles a commencé à traiter en juillet, dans ses propositions sur le régime des fonds propres des banques, en les obligeant à investir dans leurs propres moyens d'évaluation du risque de crédit. « Nous faisons à présent la même chose pour les OPCVM et les fonds alternatifs », a-t-il ajouté.

Par ailleurs, la notation souveraine va connaître quelques modifications marginales. Elle devra intervenir tous les six mois au lieu de douze mois, si la proposition est adoptée en l'état. De plus, les gouvernements seront informés vingt-quatre heures à l'avance de la publication d'une note nouvelle, ce qui devrait leur permettre, le cas échéant, de « fournir de nouveaux éléments matériels », assurait mardi une source européenne.

Doper la concurrence

Pour les émetteurs non souverains, la principale nouveauté vient des règles de rotation des agences. Inspirées du régime envisagé pour l'audit, elles obligeront à changer d'agence tous les trois ans quand une seule note est émise ou bien lorsque deux agences procèdent à la notation, respectivement tous les six et trois ans. « En pratique, les émetteurs vont faire tourner les grandes agences tous les six ans et en prendront une petite qui changera tous les trois ans », prévoit un lobbyiste. Bruxelles espère toutefois doper ainsi la concurrence.

Le serpent de mer d'une agence européenne de notation n'a pas refait surface... au grand dam des socialistes et même de certains libéraux allemands au Parlement européen. L'élu FDP Wolf Klinz avait recommandé l'an dernier la création d'une fondation européenne pour l'évaluation de la dette publique. Mardi, Martin Schulz, le chef de file des sociaux-démocrates, a repris le flambeau d'une agence européenne indépendante pour contrebalancer les positions dominantes de Fitch, Standard and Poor et Moody's. Il en a profité pour railler la « gaffe » de S&P : « Ce n'est pas une agence de notation de crédit mais une agence de notation de discrédit », a-t-il dit. Bruxelles a appelé les superviseurs à se pencher sur l'« incident grave », selon Michel Barnier, de la semaine dernière, quand Standard and Poor's a divulgué, à quelques-uns de ses clients, une notice erronée sur la dégradation du souverain français. « Cela pose un problème de manipulation de marché », a-t-il indiqué. Le texte présenté mardi devra être adopté conjointement par le Conseil des ministres et par le Parlement. Il avait fallu environ un an pour adopter les précédents règlements.

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