En Normandie, le coup d’éclat du gendarme du foncier agricole

L’opération a toutes les chances de faire école. Au prix d’un montage juridique inédit, la Safer de Normandie a préempté un terrain de 350 hectares dans l’un des terroirs les plus fertiles de France, en Seine-Maritime, au détriment d’un gros exploitant nordiste qui convoitait l’entièreté de la propriété. Objectif : rétrocéder plusieurs parcelles à de jeunes agriculteurs.
Le lin, ici en fleurs, est l'une des spécialités du pays de Caux où se situe le terrain acquis par la Safer.
Le lin, ici en fleurs, est l'une des spécialités du pays de Caux où se situe le terrain acquis par la Safer. (Crédits : DR)

« Jamais de mémoire de Safer, l'organisme n'aura eu à transmettre une telle surface quasiment d'un seul tenant dans un secteur d'une si haute qualité agronomique ». Stéphane Hamon, directeur de la Safer Normandie (Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural), se risque à manier le superlatif pour qualifier la  transaction que viennent de finaliser ses équipes. « Elle est hors normes à tous points de vue », insiste t-il. L'opération est, en effet, très inhabituelle par son ampleur. Le gendarme du foncier agricole a acquis, pour 11 millions d'euros, une propriété de 350 hectares au Nord de Dieppe (Seine-Maritime) qu'il se fait fort de rétrocéder à « au moins cinq ou six jeunes agriculteurs » en quête d'un point de chute.

L'affaire a pourtant été à deux doigts de passer sous le nez de l'établissement public censé empêcher l'accaparement des terres par quelques-uns au détriment du plus grand nombre. « Ce type de biens détenus par des structures sociétaires échappe souvent à nos radars parce que leurs parts sociales s'échangent sur le marché parallèle », rappelle en connaisseur Emmanuel Hyest, président de la Fédération nationale des Safer et de son entité normande.

« Un secteur qui vaut de l'or »

Dans le cas présent, les terrains aux mains d'une société familiale étaient sur le point d'être vendus à un pépiniériste nordiste... manifestement à l'abri du besoin. « Il possède déjà une surface au moins équivalente, fait valoir Stéphane Hamon. Si nous n'étions pas intervenu, tout partait au bénéfice de son agrandissement ». Pour bloquer la transaction, l'organisme fait usage de ce qu'Emmanuel Hyest a coutume d'appeler « l'arme atomique ». Autrement dit, son droit de préemption. « Nous avons préempté et ensuite négocié à l'amiable avec les propriétaires qui se sont montrés accommodants », détaille l'intéressé.

L'opération a été conclue au terme d'un montage juridique inédit qui pourrait inspirer d'autres territoires. L'acquisition a été réalisée par l'intermédiaire d'une société civile d'exploitation agricole (SCEA) créée deux ans auparavant par la Safer de Normandie dans un tout autre objectif.

« Grâce à cette procédure qui n'a jamais été utilisée, nous ouvrons le champ des possibilités pour de jeunes agriculteurs. Sans cela, il aurait été impossible de diviser la propriété en plusieurs lots en raison des plus-values latentes », Emmanuel Hyest dixit.

Dans la profession, on a applaudi des deux mains la nouvelle, même au sein de la Confédération Paysanne d'habitude peu encline à tresser des lauriers à la Safer. « Je ne peux que me féliciter qu'elle ait réussi à préempter au bénéfice de la jeune génération. A plus forte raison dans un secteur qui vaut de l'or et où la demande excède largement l'offre », commente Nicolas Bettencourt, son porte-parole en Seine-Maritime.

Place aux jeunes

Reste maintenant à  transmettre ce « trésor » agronomique à d'autres. A cet exercice, l'organisme aura l'embarras du choix. L'appel à candidatures officiel n'est même pas ouvert qu'il a déjà reçu une soixantaine d'offres « en provenance de France et d'Europe, Pays-Bas et Belgique essentiellement », indique son président. « Compte tenu du contexte pédoclimatique (qui caractérise les conditions extérieures au niveau du sol affectant une plante ndlr) du site et de sa configuration, tout laisse à penser que l'on va battre des records », abonde Stéphane Hamon en écho. Les heureux élus seront fixés sur leur sort à l'issue d'un comité technique départemental qui se tiendra au début du mois de septembre.

Spéculateurs s'abstenir. Le cahier des charges sera très strict, préviennent  les dirigeants de la Safer. « Ce que nous voulons en priorité, c'est donner un maximum de chances à des trentenaires, y compris des NIMA (non issus du milieu agricole ndlr) de s'installer ». L'objectif sera t-il atteint ? A la Confédération Paysanne, on redoute que le prix « très élevé » ne rebute les candidats les moins bien dotés en capitaux. « Notre crainte est que cela ne concerne que de gros exploitants », avance Nicolas Bettencourt. De son côté, Emmanuel Hyest se veut rassurant. « La solution sera peut-être de faire appel à des bailleurs qui loueront ensuite à de jeunes agriculteurs à un prix encadré sur une durée comprise entre 18 et 20 ans », tempère t-il. De quoi voir venir.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 5
à écrit le 29/06/2023 à 8:01
Signaler
Espérons que cela ne soit pas pour les asperger de pesticides et autres engrais qui génèrent les zones mortes... mais je doute.

le 29/06/2023 à 8:41
Signaler
Tiens Dossier 51 est aussi expert en agriculture et agronomie On se demande pourquoi il n'est que simple commentateur d'articles sur la tribune LOL

le 29/06/2023 à 9:32
Signaler
Il faut planter du chanvre, pour la fibre (sacs à patates, à courrier postal, habits aussi), ça fait de l'ombre aux mauvaises herbes, ça pousse tout seul, pas d'intrants, presque la plante parfaite mais qui fait de l'ombre au coton (polluant, même bi...

le 29/06/2023 à 9:43
Signaler
@ photo 73 Si tu viens là pour couvrir mon admirateur névrosé tu n'y étais pas obligé, merci. Donc je répète parce que je vous connais à la modération, si je peux pas commenter sans avoir un truc aux fesses pour décorer vous virez mon commentaire...

le 29/06/2023 à 9:51
Signaler
@ gars auquel j'ai pas le droit de répondre: Yavait un Alain Di Angelo qui commentait il y aplus de 20 ans sur le forum de téléramuche, je suppose que t'as rien à voir avec ça bien sûr ? Et tu viens me faire la leçon en plus !? Pitoyable hypocrite. ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.