Emploi à domicile : les aides d'Etat dans le viseur de la Cour des comptes

La Cour des comptes suggère de réduire la liste des activités éligibles aux aides d'Etat et crédits d'impôt pour le travail à domicile. Dans un épais rapport, la juridiction financière pointe « des soutiens de plus en plus coûteux reposant sur une combinaison complexe de dispositifs peu ciblés ».
Grégoire Normand
La Cour des comptes recommande la fin de la TVA à 10% pour certaines prestations de services à la personne (Photo d'illustration).
La Cour des comptes recommande la fin de la TVA à 10% pour certaines prestations de services à la personne (Photo d'illustration). (Crédits : Reuters)

La Cour des comptes ne mâche pas ses mots. Dans un rapport au vitriol dévoilé ce mercredi, les Sages de la rue Cambon dressent un bilan sévère des aides d'Etat accordées à l'emploi à domicile.

« Faute d'objectifs clairs et de données financières consolidées et malgré l'importance de l'effort public, l'efficacité du soutien aux services à la personne n'est pas évaluée par l'État. Or, l'analyse de la Cour montre qu'au regard des principaux objectifs affichés, les résultats sont décevants », soulignent les experts dans leur épaisse publication de 168 pages.

Dans l'économie française, les services à la personne occupent une place relativement importante avec 850.000 personnes salariées par des particuliers employeurs et 430.000 intervenants pour des prestataires. Du repassage à domicile, à l'aide aux devoirs scolaires, en passant par le ménage ou les soins aux personnes âgées, ce secteur représente une myriade de métiers très hétéroclites. Pour éviter le travail au noir, l'Etat a développé une politique de soutien relativement importante à travers des aides et crédits d'impôt dont l'efficacité est parfois contestée.

Une efficacité peu mesurée

Dans leur travail d'enquête, les rapporteurs ont passé au scalpel l'évolution du montant des aides à l'emploi à domicile. Résultat, l'enveloppe a grimpé en flèche en dix ans (+40%), atteignant 8,8 milliards d'euros fin 2022. Une grande partie de cette hausse a d'ailleurs eu lieu sur les cinq dernières années, précise le rapport. En parallèle, l'activité a stagné. Selon un calcul de la Cour, le montant des aides rapporté à l'heure de travail s'élève à 9,38 euros (+29% en dix ans). Soit un montant proche de celui du SMIC brut.

« Cette hausse s'explique à la fois par le renforcement de certains dispositifs de soutien, par l'augmentation du coût horaire de ces activités, liée à la hausse du Smic, et à la montée en puissance des prestataires dont les tarifs sont plus élevés que le coût pour un particulier de l'emploi direct d'un salarié à son domicile », expliquent les auteurs.

En dépit de ce coût exorbitant, les effets sur l'emploi sont peu mesurés, regrette l'institution financière. Sur le coût par emploi par exemple, la seule évaluation statistique de l'administration remonte à 2014. A l'époque, le Trésor de Bercy avait évalué le coût à 48.000 euros par emploi. Surtout, les créations d'emplois sont bien inférieures aux prévisions alors que les soutiens publics n'ont cessé d'augmenter et les besoins également. En réalité, la Cour des comptes estime que ces dispositifs de soutien ont surtout permis de faire reculer l'emploi non déclaré.

Lire aussiTravail au noir : record de redressements en 2023, l'Urssaf veut frapper encore plus fort

Des effets d'aubaine pointés du doigt

Les fonctionnaires de la Cour ont également pointé des effets d'aubaine « élevés ». Sans surprise, leur travail montre que le recours à ce type de prestation bénéficie avant tout aux ménages du haut de la pyramide. Chez les plus modestes, ce recours est plutôt « une dépense contrainte ». « Parmi les 75 premiers centiles de revenu, le taux de recours aux services à la personne est inférieur à 10 %, alors qu'il est supérieur à 50 % parmi les 3 % de foyers les plus aisés » souligne le document.

Autrement dit, la Cour suggère un meilleur ciblage des aides pour éviter des effets d'aubaine sur des ménages qui n'en auraient pas forcément besoin financièrement. « Les revenus restent, bien davantage que l'âge, la principale variable explicative du recours aux services à la personne ».

Des pistes d'économies

En pleine polémique sur le dérapage des finances publiques, la Cour des comptes a dressé quelques recommandations à l'attention du gouvernement. Parmi les options évoquées figure une plus grande restriction des activités éligibles au crédit d'impôt et aux aides.

Les auditeurs suggèrent également de supprimer le taux de TVA intermédiaire de 10% tout en conservant celui de 20% et celui de 5,5% qui relève des besoins sociaux. Enfin, la Cour propose aussi de simplifier les régimes de cotisations sociales existants. Au total, ces réformes pourraient permettre entre 280 millions d'euros et 380 millions d'économies d'euros au total. Reste à savoir si la Cour sera écoutée par le gouvernement.

Quatre chiffres clés sur le secteur des services à la personne

  • Le secteur des services à la personne compte 3,3 millions de particuliers employeurs et 1,3 million de salariés
  • Le montant total des aides publiques (Etat, collectivités local pour les services à la personne) s'élève à 14,5 milliards d'euros
  • Le pourcentage des recrutements jugés difficiles s'élève à 85%

Grégoire Normand
Commentaires 18
à écrit le 28/03/2024 à 10:03
Signaler
La cour des comptes ne peut rien décider , tout le monde se fout de son avis, il faut la supprimer çà fera des économies !

à écrit le 28/03/2024 à 7:28
Signaler
"Mirage des services à la personne:" Un dossier du Monde diplo

à écrit le 28/03/2024 à 2:19
Signaler
Peu chère la domestique défiscalisée pour la caste des Sans Difficulté Financière..

à écrit le 27/03/2024 à 20:59
Signaler
Dans ce pays, il n'y a plus de pilote dans l'avion depuis fort longtemps.

le 28/03/2024 à 2:24
Signaler
Seulement le cousin du shérif de Nottingham au palais de l'Elysée...

à écrit le 27/03/2024 à 20:56
Signaler
Une entreprise déduit 100% du prix de ses fournisseurs et prestataires. Au nom de quoi l'Etat limite à 50% la déduction des coûts subits par les particuliers ? Au contraire, il faudrait augmenter le taux de déduction (75% dans un premier temps)...

le 27/03/2024 à 21:01
Signaler
Ce que vous demandez s'appelle de l'assistanat .

à écrit le 27/03/2024 à 18:31
Signaler
Certains emploient leur aide "à domicile" pour faire le ménage dans leurs locations saisonnières. Hallucinant !!!! ce peuple ne respecte plus rien et la France se trouve en difficultés financières.

à écrit le 27/03/2024 à 18:01
Signaler
Est ce que comme pour la communauté européenne la cour des comptes a fait une étude d'impact (voir la décision de suprimer tous les véhicules thermiques en 2030 sans savoir si c'est possible). Non. Alors si on baisse les aides ou on supprime les aid...

le 27/03/2024 à 21:08
Signaler
Vu le logiciel du secteur privé en France, l'enfant qui ne vient pas est sans doute la meilleure chose qui puisse arriver pour nos finances publiques!

à écrit le 27/03/2024 à 17:56
Signaler
Abrogeons l'état et faisons tout au noir. La sélection naturelle fera du peuple français un peuple vigoureux et entreprenant.

le 28/03/2024 à 10:23
Signaler
@Adieu BCE: On revient au Libéralisme poussé à l'extrême. Pourquoi pas? Nous sommes prisonniers d'un système réglementaire que nous ne maitrisons plus à force de créer des exceptions. Le retour sur terre serait douloureux mais salutaire. Ne rêvons pa...

à écrit le 27/03/2024 à 15:43
Signaler
Une de mes filles à un soutien scolaire par internet,soutien qui donne entière satisfaction coût horaire 11€ sans aucune aide. Les aides à domicile ou autres sont avant tout une affaire de business car comme d'hab des qu'il y a aide de l'état les pri...

à écrit le 27/03/2024 à 15:15
Signaler
Si ces services sont plus chers, il se feront au noir. Encore moins d'argent dans les caisses publiques ! Typiquement la mesure contre productive.

le 27/03/2024 à 15:37
Signaler
Peut être; sauf si la déclaraion de ces services engendre un crédit d'impôt de 50% Lequel disparaîtrait si non déclaré. Avec, d'ailleurs, (ils ne sont pas fous...) une augmentation (compensatrice) de leurs tarifs par les artisans impliqués.

à écrit le 27/03/2024 à 15:04
Signaler
La cour ne prend aucune décision, il faut la supprimer.

le 27/03/2024 à 17:32
Signaler
Un regard extérieur au 'cercle de décisions d'Etat' ça n'est pas utile ? Quitte à ne pas être suivi et utiliser les rapports comme cale à meuble bancale (l'ennui du numérique est que ça n'a plus d'épaisseur physique, vive le papier ?).

le 27/03/2024 à 21:06
Signaler
La cour des comptes contrôle l'usage des fonds publiques, fait éventuellement des suggestions mais ce n'est pas à elle de prendre des décisions , c'est au pouvoir exécutif le gouvernement si vous préférez ... et en entreprise vous avez les commissai...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.